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être rendu au débiteur ; si au contraire le gage ne suffit pas pour acquitter toute la dette, le créancier a la faculté de demander le surplus sur les autres biens du débiteur.

Les dépenses faites par le créancier pour conserver le gage, soit du consentement exprès ou tacite du débiteur, ou même sans son consentement, supposé qu’elles fussent nécessaires, peuvent être par lui répétées sur le gage, & avec le même privilége qu’il a pour le principal.

Le débiteur ou autre qui soustrait le gage, commet un larcin dont il peut être accusé par le créancier.

Lorsque le créancier a été trompé sur la substance ou qualité du gage, il en peut demander un autre, ou exiger dèslors son payement, quand même le débiteur seroit solvable.

Le créancier ne peut jamais prescrire le gage quelque tems qu’il l’ait possedé.

Voyez au digeste les titres de pignoratitiâ actione, de pignoribus vel hypotecis, & au code si aliena rei pignori data sit, quæ res pignori obligari possunt qui potiores in pignote, &c. (A)

Gage de bataille, étoit un gage tel qu’un gant ou gantelet, un chaperon, ou autre chose semblable, que l’accusateur, le demandeur ou l’assaillant jettoit à terre, & que l’accusé ou défendeur, ou autre auquel étoit fait le défi, relevoit pour accepter ce défi, c’est-à-dire le duel.

L’usage de ces sortes de gages étoit fréquent dans le tems que l’épreuve du duel étoit autorisée pour vuider les questions tant civiles que criminelles.

Lorsqu’une fois le gage de bataille étoit donné, on ne pouvoit plus s’accommoder sans payer de part & d’autre une amende au seigneur.

Quelquefois par le terme de gage de bataille, on entendoit le duel même dont le gage étoit le signal ; c’est en ce sens que l’on dit que S. Louis défendit en 1260 les gages de bataille ; on continua cependant d’en donner tant que les duels furent permis. Voyez Duel. Voyez le style du parlement dans Dumoulin, ch. xvj. (A)

Gage, (contre-) est un droit que quelques seigneurs ont prétendu, pour pouvoir de leur autorité faire des prises quand on leur avoit fait tort ; il intervint à ce sujet deux arrêts au parlement en 1281 & 1283, contre les comtes de Champagne & d’Auxerre. Voyez le gloss. de M. de Lauriere, au mot contre-gage. (A)

Gage conventionnel, est celui qui est contracté volontairement par les parties, comme quand un homme prête cent écus, & que le débiteur lui remet entre les mains des pierreries, de la vaisselle d’argent, une tapisserie, ou autres meubles pour sûreté de la somme prêtée. (A)

Gage exprès, appellé en droit pignus expressum, c’est l’obligation expresse d’un bien pour sûreté de quelque dette ; il est opposé au gage tacite ; il peut être général ou spécial. Voyez la loi 3. au code, liv. VII. tit. viij. & ci-après Gage tacite. (A)

Gage général, c’est l’obligation de tous les biens du débiteur. Voyez Hypotheque générale.

Gage judiciaire ou judiciel, pignus judiciale, c’est lorsque les biens d’un homme sont saisis par autorité de justice ; ils deviennent par-là obligés à la dette.

Chez les Romains le gage judiciel étoit à-peu-près la même chose que le gage prétorien ; en effet Justinien les confond l’un avec l’autre dans la loi derniere, au code de prætorio pignore : pignus, dit-il, quod à judicibus datur quod & prætorium nuncupatur ; il y a cependant plusieurs différences entre le gage judiciel & le gage prétorien.

Le gage judiciel proprement dit, étoit celui que l’exécuteur ou appariteur prenoit par autorité de

justice pour mettre la sentence à exécution. Loyseau le définit quod in causam judicati ex bonis condemnati extra ordinem capit executor jussu & autoritate magistratus ; sur quoi il ajoûte que c’étoit le magistrat qui avoit donné le juge, & non pas le juge qui avoit rendu la sentence.

On exécutoit une sentence en trois manieres ; ou par emprisonnement, transactis justis diebus, suivant la loi des 12 tables, & c’étoit la seule exécution connue dans l’ancien droit ; ou quand le débiteur étoit absent & qu’on ne pouvoit le prendre, on se mettoit en possession de ses biens ex edicto prætoris, ensuite on les faisoit vendre, ce qui notoit d’infamie le débiteur. Depuis pour sauver au débiteur la rigueur de la prison ou de l’infamie, on inventa une forme extraordinaire, qui fut de demander au magistrat un exécuteur ou appariteur pour mettre la sentence à exécution ; lequel exigebat, capiebat, distrahebat & addicebat bona condemnati secundum ordinem constitutionis de pii. c’est-à-dire qu’il faisoit commandement de payer, & pour le refus saisissoit, puis vendoit & adjugeoit d’abord les meubles, ensuite les immeubles, & en dernier lieu les droits & actions. Cette façon d’exécuter les sentences fut appellée gage judiciel.

Pour connoître plus amplement la différence qu’il y avoit entre le gage judiciel & le gage prétorien, on peut voir ce qui est dit ci-après à l’article Gage prétorien, & ce qu’en dit Loyseau, tr. du déguerpissem. liv. III. ch. j. n°. 11. (A)

Gage de la Justice, c’est la chose qui répond envers la justice de l’exécution de quelque obligation, & que l’on a mis pour cet effet sous la main de la justice ; tels sont tous les biens meubles & immeubles saisis par autorité de justice. (A)

Gage légal. est la même chose que hypotheque légale, si ce n’est que parmi nous ce gage ou assûrance peut avoir lieu sur des meubles qui n’ont point de suite par hypotheque.

Gage mort, dans la coûtume de Bretagne, est celui que l’on donne pour avoir délivrance des bestiaux qui ont été pris en délit ; cet usage a été introduit par la nouvelle coûtume au lieu du gage plege que l’on étoit obligé de donner. Voyez les art. 397. 403. 406. 418. & 419. (A)

Gage, (mort-) appellé dans la basse latinité mortuum vadium, a plusieurs significations différentes.

Gage, (mort-) dans la coûtume de Lille, est lorsqu’un pere pour avantager un de ses enfans, ordonne qu’il joüira d’un héritage jusqu’à ce que l’autre l’air racheté de la somme réglée par le pere. Voyez Lille, tit. j. art. 53. & tit. des testam. art. 5. & des donat. art. 7. (A)

Gage (mort-) dans la même coûtume de Lille, est aussi lorsque celui qui tient un bien en gage, a droit d’en joüir jusqu’à ce que le propriétaire le rachette de la somme pour laquelle il a été hypothequé, & que le créancier détenteur en a les issues, c’est-à-dire qu’il en gagne irrévocablement les fruits sans en rien imputer sur sa créance ; il est encore parlé de ce mort-gage dans la coûtume d’Artois & dans celle de Normandie.

Le mort-gage revient à l’antrichrese des Romains, & sous ce point de vûe on peut dire que Justinien avoit restreint l’effet du mort-gage, en ordonnant que si le créancier joüissoit plus de sept ans du gage, il tiendroit compte de la moitié des fruits sur le sort principal. Voyez cod. de usuris, l. si eâ lege & l. si eâ pactione.

Anciennement le mort-gage avoit lieu dans toute la France, mais seulement en certains cas : savoir, lorsque le vassal engageoit son fief à son seigneur, suiv. le chap. j. extr. de feudis, dans les mariages, ou lorsqu’un pere vouloit avantager quelqu’un de ses