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lités de ces deux humeurs, & n’ont parlé de leurs effets & de leur usage, que d’après l’idée qu’elles peuvent donner, lorsqu’elles ont été mêlées dans le canal cholidoque, & qu’elles sont ainsi versées dans les intestins. Mais puisqu’ils conviennent qu’elles n’y coulent pas toutes les deux continuellement ; que la seule hépatique a un cours réglé, sans interruption ; que la cystique n’y est portée que lorsque le follicule est exprimé, peu avant & pendant le travail de la digestion : ce qui est en effet prouvé par de nombreuses observations, desquelles il résulte que dans les cadavres d’hommes & d’animaux ouverts peu de tems après qu’ils avoient mangé, la vésicule n’a jamais été trouvée pleine ; qu’il s’en falloit le plus souvent d’un tiers de sa capacité ; qu’au contraire elle a toûjours été trouvée très-remplie & distendue, presque au point de crever, dans les animaux qui avoient été privés de manger long-tems avant la mort : c’est ce que rapportent entr’autres Riolan, Borelli, Lister, & Boerhaave ; pourquoi n’a-t-on pas insisté sur la différence des qualités & des effets de la bile qui coule toûjours, & du fiel dont l’écoulement n’a qu’un tems ? Il semble cependant que la considération de cette différence doit être importante pour l’intelligence de l’usage de ces deux biles, qui doit être différent par rapport à chacune d’elles.

10°. Riviere, dans ses institutes, semble avoir entrevû la distinction qu’il convient d’en faire, lorsqu’il établit qu’il y a deux sortes de biles, dont l’une est alibile, c’est-à dire recrémentitielle, & l’autre excrémentitielle : la premiere, selon cet auteur, est celle qui est la plus fluide, qui a très-peu d’amertume, & qui passe dans la masse des humeurs ; ce qui convient à l’hépatique ; & l’autre est moins fluide, plus amere, doüée de beaucoup d’acrimonie, qui sert à exciter le mouvement des boyaux à l’expulsion des matieres fécales avec lesquelles elle se mêle, pour être portée hors du corps ; effets qui désignent bien la bile cystique : aussi ne dit-il point de la premiere qu’elle vienne de la vésicule ; il ne le dit que de la seconde. Ne seroit-on pas fondé à adopter la maniere dont cet auteur distingue les deux biles, c’est-à-dire en recrémentitielle & en excrémentitielle, si l’or fait attention à ce qu’enseigne l’expérience à l’égard du chyle, savoir qu’il n’est point amer dans les veines lactées, selon la remarque d’Hoffman ? La bile cystique ne passe donc point avec lui dans ces veines, après avoir été mêlée avec la matiere du chyme, dans le canal intestinal. Il se fait donc une sorte de secrétion qui ne permet point aux parties ameres de la bile, de passer avec le suc des alimens : ces parties restent donc avec le marc, & se sont évacuées avec lui, comme excrémentitielles. Il ne paroît rien qui empêche de répondre affirmativement à toutes ces questions. Ainsi on peut regarder, avec Riviere, le fiel comme un excrément, mais qui est destiné à produire de bons effets dans les premieres voies, avant d’être porté hors du corps, tels que de diviser par sa qualité pénétrante les matieres muqueuses qui tapissent la surface intérieure des intestins ; d’empêcher qu’elles ne s’y ramassent en trop grande abondance ; de les détacher des parois du canal, & de découvrir ainsi les orifices des veines lactées : tout cela se fait pendant que la digestion s’opere dans l’estomac. Tous les organes qui doivent servir à cette fonction, se mettant en jeu en même tems, la vésicule du fiel entre aussi en contraction, exprime ce qu’elle contient ; & la bile qui y étoit déposée coule dans les intestins, pour y préparer les voies à la continuation de la préparation du chyle, qui doit s’y perfectionner & s’y achever. L’écoulement de la bile cystique continue encore à se faire pendant cette derniere digestion, pour exciter de plus en plus l’action des boyaux, pour dissoudre par sa qualité savonneuse, plus émi-

nente que dans la bile hépatique, les matieres grasses

qui pourroient éluder l’action de celle-ci. Le fiel se mêle ainsi à la pâte alimentaire, & reste ensuite mêlé avec sa partie la plus grossiere, qui forme les excrémens ; à laquelle il donne la couleur jaune plus ou moins foncée, qu’on y observe dans l’état naturel, les dispose à se corrompre plus promptement par la disposition qu’il y a lui-même, irrite ensuite les gros boyaux, jusqu’à ce que parvenus à l’extrémité du canal, ils soient poussés hors du corps. Voyez Déjection.

11°. Enfin il est important de remarquer encore dans un examen physiologique du foie, qu’il n’est aucun animal connu qui ne soit pourvû de ce viscere. Plus les autres visceres sont petits à proportion du sujet, plus le volume du foie est grand : c’est ce qui est démontré dans les poissons & dans les insectes. Les premiers n’ont point de poitrine ; la capacité de l’abdomen en est d’autant plus étendue, & ce sont le foie & le pancréas qui la remplissent presqu’en entier, les boyaux en étant très-peu considérables. Boerhaave a fait cette observation, particulierement dans le poisson appellé lamie. Mais il en est de même à l’égard de tous les autres poissons ; on y trouve le foie intimement uni aux boyaux & lié à leur texture, de maniere qu’il en accompagne presque toutes les circonvolutions. Les quadrupedes, les oiseaux ont tous un foie, qui est dans tous d’un volume assez considérable, respectivement à chacun de ces animaux. Il s’y sépare dans tous de la bile, c’est-à-dire une humeur savonneuse, qui sans être amere dans tous, attendu qu’il en est plusieurs qui n’ont point de vésicule du fiel, ainsi qu’il a été dit ci-devant, a cependant les autres qualités de la bile, & un flux continuel.

12°. Il paroît surprenant que l’existence de cette humeur dans tout ce qui a vie, n’ait pas fait juger déterminément que le viscere qui la fournit doit être d’un usage plus étendu dans l’économie animale, que celui de servir seulement à la chylification. En effet ne peut-il pas être comparé avec fondement aux organes dont les fonctions influent sur toutes les parties du corps, tels que le cerveau & le poumon : ces deux organes-ci sont sans contredit chacun le viscere principal de la cavité où il est renfermé, l’un du ventre supérieur, l’autre du ventre moyen ; ainsi l’on peut dire que le foie est le viscere principal du ventre inférieur. Le premier étend son action sur tous les solides qui sont susceptibles de sentiment & de mouvement ; le second filtre toute la masse des humeurs, & leur fait éprouver la plus grande élaboration qu’elles puissent recevoir en commun ; le troisieme fournit à cette masse un fluide reconnu pour avoir la propriété d’opérer de grands effets dans les premieres voies, par sa qualité dissolvante de séparer les parties homogenes des sucs alimentaires, d’en briser la viscosité, la tenacité, de les rendre miscibles avec des parties respectivement hétérogenes : pourquoi ne pourroit-on pas étendre ces effets jusque dans les secondes voies, & dans toute la distribution des fluides du corps animal, de maniere à regarder la bile comme étant la liqueur balsamique, le menstrue sulphureux, qui conserve ces fluides dans l’état de dissolution convenable, qui les rend propres à couler dans tous les vaisseaux, & à être distribués dans toutes les parties du corps ; ensorte que le récrément que fournit le foie à la masse des humeurs seroit à cette masse, par ses effets physiques, ce que lui sont les poumons par leur action méchanique ? Ainsi on pourroit dire que l’analogie semble concourir avec l’observation fournie par l’histoire naturelle des animaux, à établir l’influence générale du foie sur toute l’économie animale. En effet l’existence de ce viscere, commune à