L’Encyclopédie/1re édition/DÉJECTION

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DÉJECTION, s. f. se dit, en Medecine, de l’évacuation des excrémens par l’anus : on appelle aussi très-souvent de ce nom les matieres mêmes évacuées.

Il se présente à ce sujet plusieurs choses à considérer : 1°. l’action ou la fonction par laquelle cette évacuation se fait naturellement : 2°. les dérangemens de cette fonction : 3°. la nature des matieres fécales dans l’état de santé : 4°. les changemens qu’elles éprouvent dans les maladies, & les prognostics que l’on peut en tirer.

I. Les excrémens évacués par le fondement dans l’état naturel, ne sont autre chose que le marc des alimens, & les parties les plus grossieres des sucs digestifs qui ont servi à leur dissolution & à l’élaboration du chyle ; celles-ci sont en petite quantité : les alimens ne peuvent être tirés que du regne végétal ou du regne animal : ils sont donc des corps ou des portions de corps composés de différens canaux, conduits ou vaisseaux, qui contiennent des fluides, des sucs de différente espece. Par les diverses préparations qui s’en font, soit au-dehors soit au-dedans du corps, avant que d’être convertis en suc alimentaire, il n’en résulte autre chose qu’une division des parties contenantes & une effusion des contenues, qui sont ensuite broyées, dissoutes, mêlées ensemble : tout cela se fait par le concours de différentes puissances méchaniques & physiques. Voyez Digestion.

La matiere alimentaire ayant été digérée par l’action de ces puissances dans la bouche, dans l’estomac, & dans les intestins grêles, a été exprimée & a perdu la plus grande partie de la fluidité qu’elle avoit acquise par le mêlange des sucs dissolvans, par la dissolution qui en a résulté, par la division des solides atténués au point d’être convertis en fluides ; presque tout ce qui a pû pénétrer les pores des veines lactées, a été exprimé des parties restées grossieres, ensorte que le résidu, qui n’est qu’un composé de solides rompus, déchirés, qui ont résisté à une division ultérieure, continue à avancer dans le canal intestinal par le mouvement péristaltique des gros boyaux, savoir le cœcum, le colon, & le rectum successivement de l’un à l’autre. Les tuniques de ces organes, plus fortes que celles des intestins grêles, attendu qu’elles sont destinées à agir sur des matieres plus résistantes, expriment de plus en plus le marc des alimens qu’elles contiennent, ce qui acheve la séparation du peu de chyle qui y restoit, qui est absorbé par les veines lactées qui répondent à leur cavité en petit nombre, attendu qu’il y a peu de chyle à recevoir.

De cette maniere, la partie fécale des alimens parvient enfin à l’extrémité du canal intestinal, qui est enduit d’une matiere muqueuse dans toute la longueur des gros boyaux sur-tout ; pour en faciliter le transport sur des surfaces glissantes. Les excrémens s’arrêtent dans la partie du rectum la plus voisine de l’anus, & s’y placent successivement : ils y sont retenus par le sphincter de l’anus, dont les fibres orbiculaires tendent à rester toûjours en contraction, & à fermer par conséquent le bout du canal, qui est entouré d’un tissu cellulaire rempli de graisse, pour en faciliter la dilatation par un plus grand amas de matiere, & pour empêcher qu’il ne soit froissé contre les os voisins. Le séjour qu’elles font dans cette espece de cul-de-sac, exposées à la chaleur & à l’humidité, impregnées des parties les plus âcres & les plus grossieres de la bile, les dispose à se corrompre d’autant plus qu’elles sont arrêtées plus long tems : il s’y excite un mouvement intestin de putréfaction qui en divise de plus en plus les parties visqueuses. Les particules d’air qui s’y trouvent enchaînées se développent ; étant unies elles recouvrent leur élasticité, elles se raréfient, gonflent les boyaux, sont réprimées, mises en mouvement vers les endroits où elles trouvent moins de résistance, d’où résultent les bruits d’entrailles, qu’on appelle borborigmes, & les vents qui sortent du derriere avec ou sans bruit, selon qu’ils sont plus ou moins forcés de sortir. Voy. Borborigme, Pet. Ce qui vient d’être dit des excrémens dans le rectum, doit aussi s’entendre de toute la longueur des gros boyaux, selon que la matiere y est plus ou moins retenue dans les intervalles des valvules, qui forment comme autant de poches, d’où elle sort plus difficilement, à proportion qu’elle est d’une consistance plus épaisse, plus desséchée.

La masse fécale composée de matieres très-disposées à se pourrir, armées des parties grossieres de la bile, sur-tout de celle de la vésicule du fiel la plus épaisse & la plus âcre, qui y sont mêlées, étant, avec ces qualités, déposée dans le rectum, cause enfin par le volume & par l’acrimonie qu’elle y contracte ultérieurement, une irritation dans les tuniques musculeuses de cette portion du canal intestinal, qui par leur forte contraction dans toute son étendue, en resserrent la partie supérieure, tandis que par une compression redoublée elles forcent les matieres contenues, qui ne peuvent pas retrograder, à se porter vers l’orifice du rectum ou l’anus, dont le sphincter, qui ne peut opposer que l’élasticité de ses fibres, n’offre par conséquent qu’une foible résistance ; ainsi les excrémens pressés de toute part sont poussés vers cet orifice : le diaphragme & les muscles abdominaux, d’antagonistes qu’ils sont ordinairement, deviennent congeneres pour concourir aussi à l’expulsion des matieres fécales, sur-tout quand elle ne se fait qu’avec peine : l’air étant retenu dans la poitrine par l’élevation continuée des côtes, ses muscles se contractent & diminuent la capacité du bas-ventre, pressent tous les visceres ; & les matieres mobiles dans la situation où elles ont été représentées, sont déterminées vers la seule partie qui est dans le relâchement ; le sphincter de l’anus n’étant soûtenu que par sa contractibilité, dès qu’elle est surmontée il se dilate, les excrémens tombent hors du corps avec facilité, par leur propre poids & par la position perpendiculaire du rectum, dont la surface intérieure est unie, sans valvules. Le boyau s’évacue entierement par ce méchanisme à différentes reprises : les muscles de l’anus, qui par leur position ont aussi favorisé son ouverture, servent ensuite à le relever & à lui rendre sa précédente situation, d’où il avoit été poussé en-dehors par la pointe du cone que forme la colonne des matieres fécales ainsi moulées dans le canal intestinal ; c’est là ce qui se passe dans l’état de santé. Lorsque les excrémens sont plus ou moins solides, il faut plus ou moins de forces combinées pour leur expulsion, laquelle étant entierement finie, le sphincter relevé se ferme, reste contracté comme il étoit auparavant, & sert de nouveau à soûtenir les matieres qui arrivent presque sans cesse dans le rectum, pour empêcher qu’il ne s’en fasse une évacuation continuelle.

II. Cette fonction peut être lésée de trois manieres : elle peut se faire trop rarement ; elle peut se faire trop fréquemment, & l’exercice peut s’en faire inutilement.

L’évacuation des excrémens est diminuée & se fait trop peu dans la constipation, c’est-à-dire lorsque le ventre est resserré : 1°. par le vice des matieres qui doivent être évacuées ; si elles le sont par une autre voie, comme dans le vomissement, dans la passion iliaque ; si elles sont si dures, si compactes, si épaisses qu’elles résistent à l’action propulsive des intestins, qui tend à les porter vers l’extrémité du canal ; si par le défaut de la bile trop peu active ou trop peu abondante, cette action n’est pas excitée. 2°. Par le vice des organes qui concourent à exécuter la déjection, c’est-à-dire du diaphragme & des muscles abdominaux ; s’ils sont enflammés, s’ils sont affectés de douleur, ou si en se contractant ils occasionnent de la douleur dans quelqu’autre partie : dans ces cas la déjection ne peut pas se faire faute du secours des puissances nécessaires à cet effet.

La déjection est au contraire augmentée, c’est-à-dire qu’elle se fait trop souvent & trop abondamment dans les cours-de-ventre, qui sont de différente espece, comme la diarrhée stercoreuse, la bilieuse, la séreuse ; la dyssenterie, la lienterie, la passion cœliaque, le colera-morbus, &c. 1°. parce que les matieres fécales étant trop ténues & trop fluides, parcourent plus facilement & plus promptement le canal intestinal, & s’évacuent de même. 2°. Parce qu’ayant plus d’acrimonie qu’à l’ordinaire, elles excitent plus fortement & plus vîte la contraction musculaire qui sert à les expulser. 3°. Parce que les intestins étant enflammés, ulcérés, excoriés, ont plus de sensibilité, & sont par conséquent susceptibles d’être plus promptement & plus aisément excités à se contracter.

Enfin la déjection est dépravée lorsque les organes se mettent en jeu pour la faire, mais avec des efforts inutiles, comme dans le tenesme, ce qui arrive 1°. parce que certaines matieres ou humeurs plus irritantes qu’elles ne sont ordinairement, sont attachées, adhérentes à l’extrémité du rectum, ce qui excite à l’exercice de la déjection ; comme la mucosité intestinale trop âcre & salée ; le pus qui flue d’un ulcere ou d’une fistule du boyau, les vers ascarides qui le picotent, &c. 2°. parce que le rectum farci d’hémorrhoides ou rongé par les matieres âcres que fournit le flux dyssentérique est d’un sentiment plus vif, ce qui le rend susceptible des moindres impressions, qui ne l’auroient aucunement affecté dans l’état naturel : 3°. parce que les parties qui sympathisent avec le rectum, c’est-à-dire, qui ont la même distribution de vaisseaux, de nerfs, souffrent ou sont affectés de quelqu’autre maniere, ce qui donne lieu par communication à ce que l’on fasse des efforts pour la déjection, comme dans le cas du calcul qui irrite la vessie, dans le cas du fœtus qui dilate l’orifice interne de la matrice. Alors ce n’est que par sympathie que l’on se sent envie d’aller à la selle, envie sans effet : il est aisé, avec un peu d’attention, de se convaincre qu’il n’y a pas d’autre cause. Astruc, pathol.

III. La matiere des déjections la plus naturelle, selon Hippocrate, est molle, liée, assez compacte, de couleur tirant sur le roux, qui n’est pas d’une odeur bien forte, dont la quantité est proportionnée à celle des alimens, & que l’on rend à-peu-près dans des tems égaux : tout homme qui se porte bien, dit M. Haller, urine peu, sue peu, rend peu de matieres fécales, mais il transpire beaucoup. Parmi les signes généraux de santé tirés de l’exercice des fonctions, Boerhaave (instit. semeiot.) dit que le ventre doit être paresseux, & la matiere seche sans incommodité ; c’est une preuve que les alimens sont bien digerés, & qu’ils ont été tellement atténués, qu’il reste peu de matiere grossiere pour former les excrémens ; ce qui passe de superflu dans le sang se dissipe insensiblement. On a vû des hommes en très-bonne santé se plaindre d’avoir le ventre resserré & sec : ils étoient fâchés de ce qui étoit un bien pour eux ; car c’est un signe d’un tempérament robuste. Il y a des gens en très-bonne santé qui ne se vuident le ventre qu’une fois par semaine ; au contraire plus on est de tempérament foible, plus on rend de matiere fécale & plus on la rend liquide.

IV. Il résulte de ce qui vient d’être dit de la matiere des déjections dans l’état naturel, qu’elles doivent être réglées par rapport à la consistance, à la couleur, à l’odeur, à la quantité, & à l’ordre de l’évacuation : lors, par conséquent, qu’elles pechent par le défaut de quelqu’une de ces conditions, elles sont contre nature : plus les excrémens sont différens de ce qu’ils sont en santé, plus il y a de danger dans la maladie. Il est très-nécessaire à un medecin d’observer ces changemens, parce qu’il peut en tirer des prognostics très-essentiels pour juger de l’évenement ; mais il doit avoir attention à distinguer les différences qui se présentent dans la matiere des déjections, qui peuvent être l’effet des remedes qui ont été précédemment mis en usage, & dans celle des déjections que la nature de la maladie occasionne, sans autre cause étrangere.

Toutes les observations d’Hippocrate, qui ont fourni la matiere de son admirable livre des Prénotions de Cos, ne sont fondées que sur les opérations de la nature dans les maladies. Les évacuations qui se font par la voie des intestins, sont de très-grande conséquence ; aussi ont-elles fixé particulierement l’attention de ce prince des medecins. Il a décrit avec tant d’exactitude les symptomes qui accompagnent & qui suivent les différentes excrétions faites par la voie des selles, qu’il a mis les medecins qui sont venus après lui, en état de prédire, à la faveur des connoissances qu’il leur a transmises, les diverses manieres dont les maladies doivent se terminer, lorsque les mêmes cas qu’il a observés se présentent dans la pratique.

Il se dépose naturellement dans les intestins une grande quantité d’humeurs différentes, qui par conséquent peut-être aussi évacuée par cette voie ; savoir la salive, la mucosité de la bouche, du gosier, des narines, de l’œsophage, du ventricule ; le suc gastrique, intestinal ; la lymphe pancréatique, les deux biles, & la mucosité de tous les boyaux : outre la matiere séreuse, atrabilaire du sang, & des visceres des hypocondres ; comme aussi toute matiere purulente des abcès, qui se forme dans les premieres voies, ou qui y est portée d’ailleurs, soit critique, soit symptomatique : il ne peut rien être mêlé dans la masse des humeurs, qui soit contre nature, sans causer du trouble dans l’œconomie animale ; le chyle même, sans être vicié, dès qu’il est seulement trop abondant, y cause des dérangemens indiqués par l’inquiétude, l’agitation, la chaleur, &c. qui succedent : à plus forte raison survient-il du desordre lorsqu’il a quelque vice essentiel, ou qu’il entre dans le sang toute autre matiere nuisible. La nature ou le méchanisme du corps humain est disposé de maniere qu’il ne peut souffrir rien d’étranger, ou qui acquiert des qualités étrangeres, sans qu’il s’y fasse des mouvemens extraordinaires qui tendent à le chasser dehors. Si c’est une humeur morbifique, elle est poussée par l’action des vaisseaux, selon la différence de sa consistence & de sa mobilité, vers quelqu’un des émonctoires généraux ; ou bien elle est déposée en quelqu’endroit particulier où elle ne puisse plus léser les fonctions principales. Voy. Coction, Crise. Dans le premier cas, elle peut acquérir un degré de densité & de ténacité, tel qu’avec un degré de mouvement proportionné à la résistance des couloirs des intestins, elle les pénetre, & se porte, en parcourant les conduits secrétoires & excrétoires, jusque dans la cavité des boyaux : elle peut être également adaptée aux couloirs du foie, & se jetter dans la même cavité par les conduits qui portent la bile dans le canal intestinal ; ainsi des autres voies, par lesquelles il peut se faire qu’elle y soit portée par la suite d’une opération assez semblable à celle des secrétions dans l’état naturel. Voy. Secretion. Cette matiere viciée ne peut pas être laissée dans les boyaux, elle y est aussi étrangere que dans le reste du corps ; elle excite par conséquent la contraction des fibres musculaires des boyaux, qui la porte hors du corps par le même méchanisme que les excrémens ordinaires, à proportion de sa consistance. Elle sort avec différentes qualités, selon sa différente nature : de-là les différens prognostics qu’elle fournit. Il n’en sera présenté ici que quelques-uns pour exemple ; c’est Hippocrate qui les fournira, ils ne pourroient pas venir de meilleure main.

« Dans tous les mouvemens extraordinaires du ventre, qui s’excitent d’eux-mêmes, si la matiere qui est évacuée est telle qu’elle doit être pour le bien des malades, ils en sont soulagés, & soûtiennent sans peine l’évacuation : c’est le contraire, si l’évacuation n’est pas salutaire. Il faut avoir égard au climat, à la saison, à l’âge & à l’espece de maladie, pour juger si l’évacuation convient ou non ». Aphor. ij. sect. 1.

Cet axiome est d’un grand usage dans la pratique, il apprend comment on peut connoître que le corps humain s’évacue avec avantage des mauvaises humeurs qui y étoient ramassées, & même de la trop grande abondance des bonnes : mais quand il est purgé de ces matieres nuisibles ou superflues, si l’évacuation continue, elle cesse d’être utile, elle nuit ; c’est ce que déclare Hippocrate dans ses Prorrhetiques, liv. II. chap. jv. Il regarde comme très-pernicieux les longs cours de ventre, soit bilieux, soit pituiteux ou indigestes : il recommande de ne pas le laisser durer plus de sept jours sans y apporter remede.

Il y a lieu d’espérer que les déjections sont salutaires, lorsqu’elles surviennent après la coction de la matiere morbifique, lorsque la nature a commencé à se rendre supérieure à la cause de la maladie : celles au contraire qui se font pendant l’augment, sont plûtôt symptomatiques que critiques, & nuisent aussi plus qu’elles ne sont utiles.

Si la maladie tourne à bien, les déjections prennent aussi de meilleures qualités en général. C’est à ce propos qu’Hippocrate a dit : « Les déjections sont moins fluides, prennent de la consistance, quand la maladie tend à une terminaison salutaire ».

Voilà pour les évacuations du ventre en général. Pour ce qui regarde les différentes qualités des déjections, qui sont toutes mauvaises, par des raisons qu’il seroit trop long de détailler ici, on se bornera à en exposer quelques-unes de chaque espece de déjection viciée.

Prosper Alpin, lib. VII. cap. xj. de præsag. vitâ & morte, les décrit ainsi : « Par rapport à leur substance, elles peuvent être très-différentes ; il y en a dont la matiere est trop dure, rude, liquide, visqueuse, aqueuse, grasse, écumeuse, inégale, mêlangée, pure & colliquative. Par rapport à leurs couleurs, il y en a dont la matiere est blanche, bilieuse, jaune, safranée, rousse, verte, poracée, livide, sanglante, noire, & de différente couleur. Par rapport à l’odeur, il y en a de très-puantes, d’autres qui le sont peu, d’autres qui ne le sont point du tout. Par rapport à la quantité, il y a des déjections très-abondantes, très-fréquentes ; d’autres peu copieuses, & qui ne se répetent pas souvent ; d’autres qui sont supprimées. Par rapport au tems de l’excrétion, les unes ont lieu au commencement de la maladie, d’autres dans l’augment. Ces dernieres sont le plus souvent mauvaises, parce qu’elles précedent la coction ; elles indiquent l’abondance des crudités ». L’auteur des prorrhétiques, lib. I. parle ainsi des déjections de matiere dure :

« Si le ventre étant resserré, rend par nécessité des excrémens en petite quantité, qui soient durs, noirs & tortillés, & qu’il survienne en même tems un flux de sang par les narines, c’est mauvais signe ».

Selon Galien, cela arrive parce qu’ils ont été trop retenus, & à cause de la chaleur brûlante des entrailles. S’il se joint à cela de violens symptomes, & qu’il y ait quelqu’autre mauvais signe, l’excrétion de ces matieres fécales en devient un mortel.

Entre les excrémens liquides, Hippocrate regarde comme mauvais ceux qui sont d’une consistance aqueuse. Dans les prognostics, suivant ce que dit Galien, c’est un signe de crudité : ils sont mortels dans les maladies bilieuses, & dans celles qui sont accompagnées de violens symptomes.

« Si la matiere des excrémens est gluante, blanche, un peu safranée, en petite quantité, & légere, elle est mauvaise,» dit Hippocrate dans son liv. II. des Prognostics.

Une telle matiere ne peut qu’être toûjours de très-mauvais signe, parce qu’il est toûjours très nuisible que la substance du corps se consume & que la graisse se dissipe ; ce qui est une preuve d’une grande chaleur dans les maladies aigues, & d’une fin prochaine, s’il se joint à cela quelqu’autre mauvais signe. Dans une maladie plus bénigne, c’est un signe que la maladie sera de durée.

On lit dans les Prorrhétiques, lib. III. que « les déjections qui finissent par être de matiere pure & bilieuse, annoncent l’augmentation de la maladie » ; &, comme le prétend Galien, la rendent beaucoup plus fâcheuse : aussi sont-elles regardées à juste raison comme un très-mauvais signe dans les maladies aigues, parce qu’elles indiquent une très grande ardeur dans le corps, qui consume les sérosités des humeurs qui pourroient se mêler avec elles. Si elles sont encore écumeuses, elles dénotent une chaleur colliquative, selon les prénotions coaques.

La mauvaise odeur extraordinaire des excrémens est toûjours un mauvais signe, dit Galien dans le septieme livre des Epid. parce qu’elle indique une grande corruption des humeurs. Hippocrate la regarde comme un présage de mort, lorsqu’elle est jointe avec la couleur livide ou noire des excrémens. Prognost. liv. II.

« Si les déjections sont abondantes & fréquentes, il y a danger de défaillance prochaine. Voyez les prénotions coaques. Une déjection liquide qui se fait abondamment & tout-à-la-fois, & celle qui se fait peu-à-peu, sont toutes les deux mauvaises, parce que l’une & l’autre épuisent les forces & accablent la nature. » Prognost. liv. II.

Les déjections trop peu abondantes sont inutiles & de mauvais signe, parce qu’elles ne suffisent pas pour détruire la cause morbifique, & qu’elles annoncent la foiblesse de la nature qui tente de l’évacuer, & succombe. Dans les Epidémies d’Hippocrate.

Cet article ne finiroit point, si on exposoit tout ce que cet auteur dit à ce sujet ; ce qui est rapporté ici, suffit pour faire voir au lecteur comment il traite en maître ces matieres, & combien il est important d’observer exactement tout ce qui a rapport aux déjections, sans troubler les opérations de la nature, en n’agissant que pour l’aider, & non pas pour procurer la guérison sans la consulter, & se concerter, pour ainsi dire, avec elle. Voyez sur cette matiere tous les traités des prognostics d’Hippocrate ; Galien sur le même sujet ; le commentaire des coaques par Duret ; Prosper Alpin, de præsag. vitâ & morte. Voyez Purgatifs, Purgations, Diarrhée, Dissenterie, Tenesme. (d)