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être marquées sur une seule ligne ; l’action dont je traite exigeant que les hanches suivent exactement celle des épaules. Je conviendrai de la vérité & de la solidité de cette maxime, mais je répondrai que l’animal ne peut arriver à la perfection que par des voies insensibles ; & que l’ignorant seul a le droit de se persuader très-souvent qu’il l’y conduit, dans le tems même qu’il l’en éloigne : les premieres leçons sont uniquement destinées à rompre, pour ainsi dire, le cheval, à lui donner l’intelligence nécessaire ; & nous ne saurions être trop occupés du soin de lui en rendre l’exécution facile ; or, rien n’est plus capable de satisfaire à ces divers objets, que des aides qui ne lui suggerent d’abord que des mouvemens conformes à ceux auxquels nous voyons que la nature l’engage, quand il se livre de lui-même au galop, & qu’il change de pié sans la participation de celui qui le monte. Sa volonté est-elle gagnée ? part-il librement ? commence-t-il a être affermi à droite & à gauche dans l’union & dans la justesse de cette allure relativement à l’ordre dans lequel les membres doivent se succéder ? alors mettez à vous la rêne de-dedans, mais observez que sa tension soit en raison des effets qu’elle doit produire sur la hanche du même côté, sans altérer notablement l’action de l’épaule qui mene ; & pour rencontrer cette proportion, multipliez en la cherchant les tems de votre main ; dès que vous l’aurez atteint, le derriere sera retréci ; & après avoir redressé ainsi & peu-à-peu l’animal dans le cours de sa progression, vous parviendrez à le partir exactement droit & devant lui.

Il est deux manieres de procéder pour l’y déterminer. L’élévation du devant & l’abaissement de l’extrémité opposée s’operent dans tous les cas par les moyens que j’ai déjà prescrits ; mais les aides qui doivent accompagner la chûte de l’extrémité antérieure, different ici de celles que nous avons indiquées. Si vous croisez, ainsi que je l’ai dit, la rêne de dedans, & que vous mettiez l’autre rêne à vous dans l’intention de contraindre le pié de dehors à fouler le premier, le tems de ces rênes doit être moins fort, & bien loin de diminuer le secours que la hanche de dedans attend & doit recevoir de votre jambe de ce côté, l’approche en sera telle qu’elle puisse obvier à ce que l’arriere-main cede & se meuve, conséquemment à l’action combinée de la main ; tandis que d’une autre part vous modérerez l’appui de votre autre jambe, qui contrarieroit infailliblement les effets que vous pouvez vous promettre de celui de la premiere, si vous n’en borniez la puissance au simple soûtien, d’où résulte la plus grande facilité de la détente de la hanche qui est chargée. Il est essentiel de remarquer que malgré la rapidité de cet instant, les unes & les autres de ces aides doivent être distinctes & se suivre ; car les rênes & la jambe de dedans du cavalier agissant ensemble, & au même moment l’avant & l’arriere-main entrepris participeroient d’une roideur extrème, & l’animal partiroit faux ou desuni, selon celle de ces forces qui l’emporteroit.

La seconde façon de pratiquer qui nous mene au même but, & à laquelle il est néanmoins bon de ne recourir qu’après s’être assûré des succès de l’autre par l’obéissance du cheval, ne demande pas moins de finesse & de précision. Elle consiste uniquement quand le devant est en l’air, & à la fin de son soûtien, à retenir subtilement au moyen de la tension de la rêne de dehors le membre qui doit atteindre d’abord le sol, tandis que l’on diminue par degrés celle de la rêne de dedans qui dirige celui qui doit entamer. Le membre retenu tombant nécessairement le premier en arriere, & celui que l’on cesse de contraindre, ne frappant que la seconde battue & embrassant plus de terrein ; tous sont suivant l’arrangement desiré, d’autant plus que les hanches de dehors

& de dedans n’auront pû que se ressentir l’une de la sujétion, & l’autre de la liberté des parties de l’extrémité antérieure auxquelles elles correspondent. Il n’est question ensuite que de maintenir l’animal sur la ligne droite, & de l’empêcher de la fausser en se traversant, soit du devant, soit du derriere. Je suppose que l’épaule se porte en-dedans, croisez la rêne de dedans ; je suppose que la croupe s’y jette, mettez à vous cette même rêne. Agissez ainsi de la rêne de dehors dans les cas contraires : & si malgré cette action de votre part, qui doit avoir lieu précisément dans l’instant où vous sentez que l’une ou l’autre de ces extrémités se dérobent pour abandonner la piste, le cheval résiste & ne répond point, aidez la rêne mise à vous en croisant l’autre, & avec votre jambe de dedans, ou fortifiez la rêne croisée par le secours de l’autre rêne mise à vous, & par l’approche de votre jambe de dehors.

Le passage d’une main à l’autre exécuté d’abord à la faveur du rejet forcé de l’épaule, s’effectue d’après ces différentes manieres de partir l’animal ; & le changement qui arrive & qu’elles occasionnent, ne le contraint point dèslors à une sorte d’obliquité qui en rend la marche imparfaite & desagréable. Saisissez pour réussir plus sûrement le moment imperceptible où toute la machine est en l’air ; non-seulement vous conduirez à votre gré les membres du cheval sur les cercles & sur toutes les lignes possibles, mais vous le maîtriserez alors, au point de le faire entamer successivement de l’une & de l’autre bipede sur la longueur d’une seule ligne droite, & même à chaque pas complet du galop, sans vicier la cadence, c’est-à-dire sans troubler l’ordre & la justesse des mouvemens & des tems.

Ces tems & ces mouvemens ne sont pas les mêmes dans tous les chevaux. Ils varient naturellement dans les uns & dans les autres, par le plus ou le moins de hauteur, d’alongement, de raccourcissement, de lenteur, & de vîtesse ; & c’est ce qu’il importe de distinguer, pour ne pas les précipiter dans le desordre, & pour ne rien exiger au-delà de leur pouvoir, en réglant leur allure. Tel cheval ne peut soûtenir l’élévation & l’ensemble que demande un galop, dont chaque est marqué par quatre battues ; tel autre est susceptible du galop le plus sonore & le plus cadencé ; contentez-vous de mettre insensiblement le premier au moyen de la tension proportionnée de la rêne de dedans à vous, dans le pli leger qui doit unir & perfectionner son action ; & augmentez aussi par degré la tension de cette même réne, dont vous dirigerez & dont vous aiderez encore l’effet par l’appui de votre jambe de dehors, pour raccourcir de plus en plus les tems des seconds, & pour en fixer la mesure. Celui-ci ne déploye pas toutes les forces que vous lui connoissez : vous n’appercevez point dans le jeu de ses ressorts la prestesse & le tride dont ils sont capables ; hâtez à diverses reprises plus ou moins vivement la cadence, & faites qu’il la presse, qu’il la ralentisse, & qu’il y revienne alternativement ; il acquerra d’une part plus de franchise, & de l’autre, cette diligence dans les hanches, d’où naît la plus brillante, la plus réguliere, & la plus belle exécution. Celui-là s’éleve extrèmement du devant ; cet autre du derriere ; modérez tous ces excès, soit en secourant des gras de jambes, & en rendant la main, soit en renfermant & en pinçant plus ou moins en-arriere ; mais ne perdez jamais de vûe le point où vous devez vous arrêter, & que vous ne pourriez franchir qu’en avilissant l’animal, puisque vous en forceriez la disposition & la nature.

A toutes ces différentes leçons, vous pouvez faire succéder celles qui préparent le cheval à galoper de deux pistes. Si l’on se rappelle les principes que j’ai détaillés, en parlant des moyens de l’instruire à