Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rité, pour soustraire aux taxes levées par leurs vassaux les marchandises destinées pour les foires de certaines villes qu’ils vouloient favoriser, ces villes devinrent nécessairement le centre d’un très grand commerce, & virent accroître leur puissance avec leurs richesses : mais depuis que toutes ces petites souverainetés se sont réunies pour ne former qu’un grand état sous un seul prince, si la négligence, la force de l’habitude, la difficulté de réformer les abus lors même qu’on le veut, & la difficulté de le vouloir, ont engagé à laisser subsister & les mêmes gênes & les mêmes droits locaux, & les mêmes priviléges qui avoient été établis lorsque chaque province & chaque ville obéissoient à différens souverains, n’est-il pas singulier que cet effet du hasard ait été non-seulement loué, mais imité comme l’ouvrage d’une sage politique ? n’est-il pas singulier qu’avec de très-bonnes intentions & dans la vûe de rendre le Commerce florissant, on ait encore établi de nouvelles foires, qu’on ait augmenté encore les priviléges & les exemptions de certaines villes, qu’on ait même empêché certaines branches de Commerce de s’établir dans des provinces pauvres, dans la crainte de nuire à quelques autres villes, enrichies depuis long-tems par ces mêmes branches de Commerce ? Eh qu’importe que ce soit Pierre ou Jacques, le Maine ou la Bretagne, qui fabriquent telle ou telle marchandise, pourvû que l’état s’enrichisse, & que des François vivent ? qu’importe qu’une étoffe soit vendue à Beaucaire ou dans le lieu de sa fabrication, pourvû que l’ouvrier reçoive le prix de son travail ? Une masse énorme de commerce rassemblée dans un lieu & amoncelée sous un seul coup-d’œil, frappera d’une maniere plus sensible les yeux des politiques superficiels. Les eaux rassemblées artificiellement dans des bassins & des canaux, amusent les voyageurs par l’étalage d’un luxe frivole : mais les eaux que les pluies répandent uniformément sur la surface des campagnes, que la seule pente des terreins dirige, & distribue dans tous les vallons pour y former des fontaines, portent par-tout la richesse & la fécondité. Qu’importe qu’il se fasse un grand commerce dans une certaine ville & dans un certain moment, si ce commerce momentané n’est grand que par les causes mêmes qui gênent le Commerce, & qui tendent à le diminuer dans tout autre tems & dans toute l’étendue de l’état ? Faut-il, dit le magistrat citoyen auquel nous devons la traduction de Child, & auquel la France devra peut-être un jour la destruction des obstacles que l’on a mis aux progrès du Commerce en voulant le favoriser ; faut-il jeûner toute l’année pour faire bonne chere à certains jours ? En Hollande il n’y a point de foire ; mais toute l’étendue de l’état & toute l’année ne forment, pour ainsi dire, qu’une foire continuelle, parce que le commerce y est toûjours & par-tout également florissant.

On dit : « L’état ne peut se passer de revenus ; il est indispensable, pour subvenir à ses besoins, de charger les marchandises de différentes taxes : cependant il n’est pas moins nécessaire de faciliter le débit de nos productions, sur-tout chez l’étranger ; ce qui ne peut se faire sans en baisser le prix autant qu’il est possible. Or on concilie ces deux objets en indiquant des lieux & des tems de franchise, où le bas prix des marchandises invite l’étranger, & produit une consommation extraordinaire, tandis que la consommation habituelle & nécessaire fournit suffisamment aux revenus publics. L’envie même de profiter de ces momens de grace, donne aux vendeurs & aux acheteurs un empressement que la solennité de ces grandes foires augmente encore par une espece de séduction, d’où résulte une augmentation dans la masse totale du Commerce ». Tels sont les prétextes qu’on allegue pour soûtenir l’utilité

des grandes foires. Mais il n’est pas difficile de se convaincre qu’on peut par des arrangemens généraux, & en favorisant également tous les membres de l’état, concilier avec bien plus d’avantage les deux objets que le gouvernement peut se proposer. En effet, puisque le prince consent à perdre une partie de ses droits, & à les sacrifier aux intérêts du Commerce, rien n’empêche qu’en rendant tous les droits uniformes, il ne diminue sur la totalité la même somme qu’il consent à perdre ; l’objet de décharger des droits la vente à l’étranger, en les laissant subsister sur les consommations intérieures, sera même bien plus aisé à remplir en exemptant de droits toutes les marchandises qui sortent ; car enfin on ne peut nier que nos foires ne fournissent à une grande partie de notre consommation intérieure. Dans cet arrangement, la consommation extraordinaire qui se fait dans le tems des foires, diminueroit beaucoup ; mais il est évident que la modération des droits dans les tems ordinaires, rendroit la consommation générale bien plus abondante ; avec cette différence que dans le cas du droit uniforme, mais modéré, le Commerce gagne tout ce que le prince veut lui sacrifier : au lieu que dans le cas du droit général plus fort avec des exemptions locales & momentanées, le roi peut sacrifier beaucoup, & le Commerce ne gagner presque rien, ou, ce qui est la même chose, les denrées baisser de prix beaucoup moins que les droits ne diminuent ; & cela parce qu’il faut soustraire de l’avantage que donne cette diminution, les frais du transport des denrées nécessaire pour en profiter, le changement de séjour, les loyers des places de foire enchéris encore par le monopole des propriétaires, enfin le risque de ne pas vendre dans un espace de tems assez court, & d’avoir fait un long voyage en pure perte : or il faut toûjours que la marchandise paye tous ses frais & ses risques. Il s’en faut donc beaucoup que le sacrifice des droits du prince soit aussi utile au Commerce par les exemptions momentanées & locales, qu’il le seroit par une modération legere sur la totalité des droits ; il s’en faut beaucoup que la consommation extraordinaire augmente autant par l’exemption particuliere, que la consommation journaliere diminue par la surcharge habituelle. Ajoûtons, qu’il n’y a point d’exemption particuliere qui ne donne lieu à des fraudes pour en profiter, à des gênes nouvelles, à des multiplications de commis & d’inspecteurs pour empêcher ces fraudes, à des peines pour les punir ; nouvelle perte d’argent & d’hommes pour l’état. Concluons que les grandes foires ne sont jamais aussi utiles, que la gêne qu’elles supposent est nuisible ; & que bien loin d’être la preuve de l’état florissant du Commerce, elles ne peuvent exister au contraire que dans des états où le Commerce est gêné, surchargé de droits, & par conséquent médiocre.

Foire de Respect, (Comm.) c’est un tems (ordinairement de trois mois) qu’un commettant accorde à son commissionnaire pour lui payer le prix des marchandises que ce dernier a vendues à crédit, & dont il s’est rendu garant. (G)

* FOIRIAO ou FOQUEUX, (Hist. mod.) nom d’une secte de la religion des Japonois, ainsi appellée d’un livre de leur doctrine qui porte ce nom. L’auteur de la secte fut un homme saint appellé Xaca, qui persuada à ces peuples que les cinq mots inintelligibles, nama, mio, foren, qui, quio, contenoient un mystere profond, avoient des vertus singulieres, & qu’il suffisoit de les prononcer & d’y croire, pour être sauvé. C’est en vain que nos missionnaires leur prêcherent que ce dogme renversoit toute la Morale, encourageoit les hommes au crime, & qu’il n’y avoit rien qu’on ne fût tenté de faire, quand on croyoit pouvoir tout expier à si peu de frais ; d’ailleurs, que