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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/659

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étoit en correspondance. Il fit un fonds considérable de cartes géographiques, dont quelques-unes de Géographie ancienne.

Je ne m’étendrai pas davantage sur les géographes françois ; il me suffit d’avoir indiqué sommairement les savans qui se sont distingués dans cette science : ce sont des modeles à ceux qui courent la même carriere. Il ne conviendroit pas de parler ici des compatriotes vivans ; leurs travaux seuls doivent servir à faire leur éloge. Il seroit inutile encore de passer en revûe tous les écrivains qui ont travaillé sur la Géographie ; je parle des auteurs d’élémens & de méthodes, auxquels on peut donner le nom de géographes méthodistes. Leur nombre est trop considérable ; il seroit à desirer qu’il s’en trouvât un certain nombre d’utiles. Je joindrai mon suffrage à celui du public en faveur de M. l’abbé de la Croix ; l’on peut dire que c’est la méthode la plus instructive, & je ne balance pas à l’indiquer aux éleves qui me sont confiés.

Il faut considérer présentement la Géographie en elle-même. Elle doit être envisagée sous trois âges différens.

1°. Géographie ancienne, qui est la description de la terre, conformément aux connoissances que les anciens en avoient jusqu’à la décadence de l’empire romain.

2°. Géographie du moyen âge, depuis la décadence de l’empire jusqu’au renouvellement des Lettres. Cette partie est très-difficile à traiter, l’incursion des Barbares ayant enveloppé tout dans une ignorance profonde. Cependant le dépouillement des chroniques, des cartulaires, &c. qui sont en grande abondance, peut fournir de grandes lumieres sur cette partie de la Géographie.

3°. Géographie moderne, qui est la description actuelle de la terre, depuis le renouvellement des Lettres jusqu’à-présent.

La Géographie considérée dans l’ancien tems, ne peut être traitée avec précision que par le secours de la moderne ; c’est par celle-ci que l’on est venu à-bout de déterminer les différentes mesures des anciens. Voyez Mesures itinéraires. Quelque provision que l’on ait de lecture des anciens auteurs, si l’on n’en fait point une comparaison avec ce que les auteurs modernes rapportent, & si l’on ne consulte point les morceaux levés exactement sur les lieux, & rectifiés même par les observations astronomiques, l’on pourra bien composer une carte, mais qui sera plûtôt un dépouillement des auteurs qu’on aura lûs, que le véritable état du pays tel qu’il devroit être convenablement au tems pour lequel on travaille.

Pour la Géographie moderne, il faut faire une distinction entre ceux qui la traitent. Les uns se destinent à prendre connoissance d’une partie d’un royaume ou d’une province, & ils doivent être regardés comme des auteurs originaux ; pour lors ces premiers sont appellés chorographes, ou topographes & ingénieurs, selon la différente étendue de pays qu’ils comprennent dans leurs travaux. Les autres embrassent dans leur travail la description entiere de la terre ; ces derniers sont appellés géographes, & doivent avoir recours aux premiers, & savoir combiner & discuter les matériaux précieux dont ils se servent. Les premiers ont, pour ainsi dire, le droit d’invention par l’avantage qu’ils ont de se transporter sur les lieux pour les considérer par eux-mêmes & en lever géométriquement les différentes situations réciproques. Les seconds doivent avoir un discernement juste pour l’examen des ouvrages des premiers ; souvent le géographe corrige le travail de l’ingénieur, & peut ainsi partager avec lui le droit d’invention. Guidé par les pratiques de la Géométrie & par les

lumieres de l’Astronomie, il donne aux parties du globe de la terre les proportions qu’elles doivent avoir. L’astronome & le géometre ont chacun les connoissances qui leur sont propres ; mais le géographe doit les posséder toutes, & être capable de discussion pour concilier & employer à-propos les secours qu’il tire de l’un & de l’autre.

L’on voit donc par ce qui vient d’être dit, que la Géographie a besoin de l’Astronomie ; elle en emprunte les principaux cercles imaginés pour le ciel, méridien, équateur, tropiques, cercles polaires, latitude, horison, les points cardinaux, collatéraux & les verticaux, en un mot tout ce qui se trouve dans les spheres & dans les globes ; c’est ce qu’on appelle Géographie astronomique.

L’on distingue encore la Géographie 1°. en naturelle ; c’est par rapport aux divisions que la nature a mises sur la surface du globe, par les mers, les montagnes, les fleuves, les isthmes, &c. par rapport aux couleurs des différens peuples, à leurs langues naturelles, &c.

2°. En historique, c’est lorsqu’en indiquant un pays ou une ville, elle en présente les différentes révolutions, à quels princes ils ont été sujets successivement ; le commerce qui s’y fait, les batailles, les siéges, les traités de paix, en un mot tout ce qui a rapport à l’histoire d’un pays.

3°. En civile ou politique, par la description qu’elle fait des souverainetés par rapport au gouvernement civil ou politique.

4°. En Géographie sacrée, lorsqu’elle a pour but de traiter des pays dont il est fait mention dans les Ecritures & dans l’Histoire ecclésiastique.

5°. En Géographie ecclésiastique, lorsqu’elle représente les partages d’une jurisdiction ecclésiastique, selon les patriarchats, les primaties, les diocèses, les archidiaconés, les doyennés, &c.

6°. Enfin en Géographie physique ; cette derniere considere le globe terrestre, non pas tant par ce qui forme sa surface, que par ce qui en compose la substance. Voyez l’article suivant. Article de M. Robert de Vaugondy, Géographe ordinaire du Roi.

Géographie physique, est la description raisonnée des grands phénomenes de la terre, & la considération des résultats généraux déduits des observations locales & particulieres, combinées & réunies méthodiquement sous différentes classes, & dans un plan capable de faire voir l’économie naturelle du globe, en tant qu’on l’envisage seulement comme une masse qui n’est ni habitée ni féconde.

A mesure que la Géographie & la Physique se sont perfectionnées, on a rapproché les principes lumineux de celle-ci, des détails secs & décharnés de celle-là. En conséquence de cette heureuse association, notre propre séjour, notre habitation qui ne nous avoit présenté d’autre image que celle d’un amas de débris & d’un monde en ruine, qu’irrégularités à sa surface, que desordres apparens dans son intérieur, s’offrit à nos yeux éclairés avec des dehors où l’ordre & l’uniformité se firent remarquer, où les rapports généraux se découvrirent sous nos pas. On ne s’occupa plus seulement de cette nomenclature ennuyeuse de mots bizarres, qui attestent les limites que l’ambition des conquérans a mises dans les établissemens que les différentes sociétés ont formés sur la surface de la terre ; on ne distingua les pays, les contrées que par les phénomenes qu’ils offrirent à nos observations. Phénomenes singuliers ou uniformes, tout ce qui porta les empreintes du travail de la nature, fut recueilli avec soin, fut discuté avec exactitude. On examina la forme, la disposition, les rapports des différens objets : on essaya même d’apprécier l’étendue des effets, de fixer leurs