lumiere & de savoir chez les Arabes ; cette nation a produit depuis le 9e jusqu’au 14e siecle, des astronomes, des géometres, des géographes, des chimistes, &c. Il y a apparence qu’on doit aux Arabes les premiers élémens de l’Algebre : mais leurs ouvrages de Géométrie dont il est ici principalement question, ne sont point parvenus jusqu’à nous pour la plûpart, ou sont encore manuscrits. C’est sur une traduction arabe d’Apollonius qu’a été faite en 1661 l’édition du cinquieme, du sixieme & du septieme livre de cet auteur. Voyez Apollonien. Cette traduction étoit d’un géometre arabe nommé Abalphat, qui vivoit à la fin du dixieme siecle. Il n’y avoit peut-être pas alors parmi les Chrétiens un seul géometre qui fût en état d’entendre Apollonius ; il auroit fallu d’ailleurs pour le traduire savoir en même tems le grec & la Géométrie, ce qui n’est pas fort commun, même dans notre siecle.
A la renaissance des lettres, on se borna presque uniquement à traduire & à commenter les ouvrages de Géométrie des anciens ; & cette science fit d’ailleurs peu de progrès jusqu’à Descartes : ce grand homme publia en 1637 sa géométrie, & la commença par la solution d’un probleme où Pappus dit que les anciens mathématiciens étoient restés. Mais ce qui est plus précieux encore que la solution de ce problème, c’est l’instrument dont il se servit pour y parvenir, & qui ouvrit la route à la solution d’une infinité d’autres questions plus difficiles. Nous voulons parler de l’application de l’Algebre à la Géométrie ; application dont nous ferons sentir le mérite & l’usage dans la suite de cet article : c’étoit là le plus grand pas que la Géométrie eût fait depuis Archimede ; & c’est l’origine des progrès surprenans que cette science a faits dans la suite.
On doit à Descartes non-seulement l’application de l’Algebre à la Géométrie, mais les premiers essais de l’application de la Géométrie à la Physique, qui a été poussée si loin dans ces derniers tems. Ces essais qui se voyent principalement dans sa dioptrique, & dans quelques endroits de ses météores, faisoient dire à ce philosophe que toute sa physique n’étoit autre chose que Géométrie : elle n’en auroit valu que mieux si elle eût eu en effet cet avantage ; mais malheureusement la physique de Descartes consistoit plus en hypothèses qu’en calculs ; & l’Analyse a renversé depuis la plûpart de ces hypotheses. Ainsi la Géométrie qui doit tant à Descartes, est ce qui a nui le plus à sa physique. Mais ce grand homme n’en a pas moins la gloire d’avoir appliqué le premier avec quelque succès la Géométrie à la science de la nature ; comme il a le mérite d’avoir pensé le premier qu’il y avoit des lois du mouvement, quoiqu’il se soit trompé sur ces lois. Voyez Communication du mouvement.
Tandis que Descartes ouvroit dans la Géométrie une carriere nouvelle, d’autres mathématiciens s’y frayoient aussi des routes à d’autres égards, & préparoient, quoique foiblement, cette Géométrie de l’infini, qui à l’aide de l’Analyse, devoit faire dans la suite de si grands progrès. En 1635, deux ans avant la publication de la Géométrie de Descartes, Bonaventure Cavalérius, religieux italien de l’ordre des Jésuites, qui ne subsiste plus, avoit donné sa géométrie des indivisibles : dans cet ouvrage, il considere les plans comme formés par des suites infinies de lignes, qu’il appelle quantités indivisibles, & les solides par des suites infinies de plans ; & par ce moyen, il parvient à trouver la surface de certaines figures & la solidité de certains corps. Comme l’infini employé à la maniere de Cavalerius étoit alors nouveau en Géométrie, & que ce religieux craignoit des contradicteurs, il tâcha d’adoucir ce terme par celui d’indéfini, qui au fond ne signifioit en cette occasion que la même chose. Malgré cette espece de palliatif, il
Cependant le moment de cette heureuse découverte approchoit ; Fermat imagina le premier la méthode des tangentes par les différences ; Barrow la perfectionna en imaginant son petit triangle différentiel, & en se servant du calcul analytique, pour découvrir le rapport des petits côtés de ce triangle, & par ce moyen la sous-tangente des courbes. Voyez Différentiel.
D’un autre côté on fit réflexion que les plans ou solides infiniment petits, dont les surfaces ou les solides pouvoient être supposés formés, croissoient ou décroissoient dans chaque surface ou solide, suivant différentes lois ; & qu’ainsi la recherche de la mesure de ces surfaces ou de ces solides se réduisoit à connoitre la somme d’une série ou suite infinie de quantités croissantes ou décroissantes. On s’appliqua donc à la recherche de la somme des suites ; c’est ce qu’on appella l’arithmétique des infinis ; on parvint à en sommer plusieurs, & on appliqua aux figures géométriques les résultats de cette méthode. Wallis, Mercator, Brouncker, Jacques Grégori, Huyghens, & quelques autres se signalerent en ce genre ; ils firent plus ; ils réduisirent certains espaces & certains arcs de courbes en séries convergentes, c’est-à-dire dont les termes alloient toûjours en diminuant ; & par-là ils donnerent le moyen de trouver la valeur de ces espaces & de ces arcs, sinon exactement, au-moins par approximation : car on approchoit d’autant plus de la vraie valeur, qu’on prenoit un plus grand nombre de termes de la suite ou série infinie qui l’exprimoit. Voyez Suite, Série, Approximation &c.
Tous les matériaux du calcul différentiel étoient prêts ; il ne restoit plus que le dernier pas à faire. M. Leibnitz publia le premier en 1684 les regles de ce calcul, que M. Newton avoit déjà trouvées de son côté : nous avons discuté au mot Différentiel, la question si Leibnitz peut être regardé comme inventeur. Les illustres freres Bernoulli trouverent les démonstrations des regles données par Leibnitz ; & Jean Bernoulli y ajoûta quelques années après, la méthode de différentier les quantités exponentielles. Voyez Exponentiel.
M. Newton n’a pas moins contribué au progrès de la Géométrie pure par deux autres ouvrages ; l’un est son traité de quadraturâ curvarum, où il enseigne la maniere de quarrer les courbes par le calcul intégral, qui est l’inverse du différentiel ; ou de réduire la quadrature des courbes, lorsque cela est possible, à celle d’autres courbes plus simples, principalement du cercle & de l’hyperbole : le second ouvrage est son enumeratio linearum tertii ordinis, où appliquant heureusement le calcul aux courbes dont l’équation