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s’est aussi trouvé dans le squelette qu’on vient de décrire, & c’est vraissemblablement ce qui se rencontre dans la plûpart des squelettes de bossus.

J’ai vû, comme bien d’autres, dans le cabinet de Ruysch, huit vertebres du dos attachées ensemble, qui étoient tellement courbées en-dedans, que la supérieure touchoit à l’inférieure : la gibbosité devoit être prodigieuse.

Quelques personnes ont observé dans des sujets qui avoient long-tems vécu avec cette sorte d’incommodité, que plusieurs vertebres étoient réunies en une seule masse osseuse, les cartilages se trouvant ossifiés dans les intervalles ; mais cette observation n’est point particuliere aux squelettes des bossus morts âgés, elle est toûjours l’effet de la vieillesse. Dans cette derniere saison, ligamens, cartilages, vaisseaux, tout s’ossifie, tout annonce le passage de la vie à la mort ; l’intervalle qui les sépare n’est qu’un point : accoûtumons-nous à le penser. (D. J.)

GIBECIERE, (Art méchan.) espece de grande bourse ou de petit bissac ordinairement de cuir, & quelquefois de cuir couvert d’étoffe ; mais cette derniere sorte de gibeciere ne sert guere qu’aux bateleurs & joüeurs de gobelets, pour les tours d’adresse dont ils amusent le public. M. Eccard dérive ce mot, avec assez de vraissemblance, de l’allemand schiben, cacher, serrer ; & de becher, gobelet.

A l’égard des gibecieres de cuir, terme qui peut venir du mot gibier, les unes sont rondes, & sont propres aux chasseurs, qui les tiennent attachées avec des ceintures de cuir ; ils y mettent leur poudre, leur plomb, leurs pierres-à-fusil, leur bourre, leur tire-bourre, & généralement tout ce dont ils ont besoin pour la chasse. Les autres gibecieres sont quarrées, & servent aux grenadiers, soit à cheval, soit à pié, pour y mettre leurs grenades, & ces gibecieres leur pendent en bandouliere. Le reste de l’infanterie se sert aussi de gibecieres attachées au ceinturon, ce qui leur tient lieu de l’ancienne bandouliere où pendoit leur fourniment.

Les gibecieres dont on se sert dans le Levant, sont composées de tuyaux de canne assembles ordinairement à double rang, assez semblables aux anciennes flûtes de Pan, ou, pour me servir d’une comparaison plus intelligible, aux sifflets de ces chauderonniers ambulans qui vont chercher de l’ouvrage de province en province.

Cette gibeciere des Orientaux est legere, courbe, & s’accommode aisément sur le côté. Ses tuyaux sont hauts de 4 à 5 pouces, & couverts d’une peau assez propre. Chaque tuyau contient sa charge, & cette charge est un tuyau de papier rempli de la quantité de poudre & de plomb nécessaire pour tirer un coup. Quand on veut charger un fusil, on tire un de ces tuyaux de la gibeciere ; avec un coup de dent on ouvre le papier du côté où est la poudre ; on la vuide en même tems dans le canon du fusil, & on laisse couler le plomb enfermé dans le reste du tuyau de papier : la charge est faite avec un coup de baguette que l’on donne par-dessus ; & le même papier qui renfermoit la poudre & le plomb, sert de bourre. Je laisse aux experts à juger si cette invention vaut mieux que la nôtre. (D. J.)

Gibeciere, (tours de) Art d’escamotage ; terme général qui comprend tous les tours de gobelets, les tours de main, les tours de cartes, & autres de ce genre. On les nomme tours de gibeciere, parce que les faiseurs de ces sortes de tours ont à leur ceinture une espece de gibeciere, schibbeker, comme disent les Allemands, ou une espece de sac destiné à serrer leurs gobelets, leurs balles, & le reste de l’attirail nécessaire à leur escamotage. Voyez Tours de main, Tours de cartes, Tours de gobelets. (D. J.)

GIBEL, (le) Æthna, Geog. la plus haute mon-

tagne de la Sicile, & une des plus celebres de l’Europe. On sait assez que tous les anciens géographes

& historiens en ont parlé sous le nom de mont Ethna. C’est sous cette montagne que les Poëtes ont feint que Jupiter écrasa le géant Typhon, & que Vulcain tenoit ses forges. Les Siciliens ont changé le nom latin en celui de Gibel, qu’ils ont vraissemblablement pris des Arabes, dans la langue desquels ce mot signifie une montagne ; il désigne en Sicile la montagne par excellence. Elle est proche de la côte orientale du val de Démona, entre le cap de Faro & le cap de Passaro, à quatre lieues des ruines de Catania vers le couchant. On lui donne deux grandes lieues de hauteur, & environ vingt de circonférence. Son pié est très-cultivé, tapissé de vignobles du côté du midi, & de forêts du côté du septentrion.

Son sommet, quoique toûjours couvert de neige, ne laisse pas de jetter souvent du feu, de la fumée, des flammes, & quelquefois des cailloux calcinés ; des pierres-ponces, des cendres brûlantes, & des laves de matiere bitumineuse, par une ouverture qui, du tems de Bembo, & selon son calcul, étoit large de 24 stades ; la stade contient 125 pas géométriques, & par consequent les 24 font trois milles d’Italie.

Si l’idée d’un si prodigieux gouffre fait frémir, les incendies que le Gibel vomit sont encore plus redoutables. Les fastes de la Sicile moderne ont sur-tout consacré les ravages causés par ce redoutable volcan dans les années 1537, 1554, 1556, 1579, 1669, & 1692. Lors de l’embrasement de cette montagne, arrivé en 1537, & décrit par Fazelli, les cendres furent portées par le vent à plus de cent lieues de distance. Quatre torrens de flammes sulphureuses découlerent du mont Gibel en 1669, & ruinerent quinze bourgs du territoire de Catania. Enfin le volcan de 1692 fut suivi d’un tremblement de terre qui se fit sentir en Sicile avec la plus grande violence, les 9, 10 & 11 Janvier 1693 ; renversa les villes de Catania & d’Agousto ; endommagea celle de Syracuse, plusieurs bourgs & villages, & écrasa sous les ruines plus de 40 mille ames. Il y eut alors sur le Gibel une nouvelle ouverture de deux milles de circuit.

Je n’entrerai pas dans d’autres détails ; j’en suis dispensé par la Pyrologie de Bottone Leontini, à laquelle je renvoye le lecteur. Cet intrépide naturaliste, curieux de connoître par ses propres yeux la constitution du mont Gibel, a eu la hardiesse de grimper sur son sommet jusqu’à trois différentes reprises ; savoir en 1533, 1540, & 1545 : ainsi nous devons à son courage la plus exacte topographie de cette montagne, & de ses volcans. Son livre, devenu très-rare, est imprimé en Sicile sous le titre de Æthnæ topographia, incendiorumque æthnæorum historia. (D. J.)

GIBELIN, s. m. (Hist. mod.) nom de la faction opposée à celle des Guelphes. Quelques-uns fixent le commencement de ces deux factions à l’an 1140.

On se rappellera sans doute que les Gibelins étoient attachés aux prétentions des empereurs, dont l’empire en Italie n’étoit qu’un vain titre, & que les Guelphes étoient soûmis aux volontés des pontifes régnans.

Nous ne remonterons point à l’origine de ces deux partis ; nous ne crayonnerons point le tableau de leurs ravages, encore moins rapporterons-nous les conjectures odieuses des savans sur l’étymologie des noms Guelphe & Gibelin ; c’est assez de dire, avec l’auteur de l’essai sur l’Histoire générale, que ces deux factions desolerent également les villes & les familles ; & que pendant les xij. xiij. & xjv. siecles, l’Italie devint par leur animosité le théatre, non d’une guerre, mais de cent guerres civiles, qui, en aigui-