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sant les esprits, accoûtumerent les petits potentats italiens à l’assassinat & à l’empoisonnement.

Boniface VIII. ne fit qu’accroître le mal ; il devint aussi cruel guelphe en devenant pape, qu’il avoit été violent gibelin pendant qu’il fut simple particulier. On raconte à ce sujet qu’un premier jour de carême, donnant les cendres à un archevêque de Genes, il les lui jetta au nez, en lui disant : « Souviens-toi que tu es gibelin, » au lieu de lui dire, souviens-toi que tu es homme.

Je ne sais si beaucoup de curieux en matiere historique, seront tentés de lire aujourd’hui dans Villani, Sigonius, Ammirato, Biondo, ou autres historiens, le détail des horreurs de ces deux factions ; mais les gens de goût liront toûjours le Dante : cet homme de génie, si long-tems persécuté par Boniface VIII. pour avoir été gibelin, a exhalé dans ses vers toute sa douleur sur les querelles de l’Empire & du Sacerdoce. (D. J.)

GIBELOT, GIBLET, s. m. (Marine.) c’est ce qu’on nomme courbe capucine. Cette courbe sert à lier l’éperon avec le corps du vaisseau ; ainsi une de ses branches porte sur l’étrave, où elle est assujettie avec des chevilles clavetées sur virole en-dedans du pan ; & l’autre porte sur le digon, où elle est retenue par des clous à pointe perdue. Voyez Pl. IV. fig. 1. n. 186. la courbe capucine ou gibelot. (Z)

GIBERNE, s. f. (Art milit.) partie de l’équipement du grenadier. La giberne est composée d’une poche de cuir, avec le cordon pour la fermer ; d’un patron de cartouches à trente trous, nervé & collé de toile, & couvert d’une patelette ; d’une patte de cuir, avec deux courroies d’attache à œillets sur la poche ; d’une bandouliere de buffle longue de cinq à six piés, & large de deux pouces & demi, bien cousue, sans clous ni piquûre. La bandouliere a un porte-hache & un porte-fourniment ou pulverin ; une traverse, avec le porte-bayonnette & le porte-bonnet. La poche sert à porter des cartouches de provision, ou des grenades ; lorsque le service l’exige. Elle a intérieurement une petite poche à balles, & plusieurs divisions, pour y placer une phiole à huile ou une petite boîte à graisse ; une piece grasse de cuir ou de drap ; le tampon du bassinet avec sa chaînette ; plusieurs pierres de rechange ; une pierre de bois pour les exercices, & un tire bourre ; effets dont elle doit toûjours être garnie. La giberne ne differe de la demi-giberne ou cartouche du soldat, que par la grandeur de la poche ; elle est soûtenue par la bandouliere, qui se porte de gauche à droite. Article de M. Durival le cadet.

GIBET, s. m. (Jurisprud.) est le lieu destiné pour exécuter les criminels, ou le lieu dans lequel on expose leurs corps au public.

Ce mot vient de l’arabe gibel, qui signifie montagne ou élevation, parce que les gibets sont ordinairement dressés sur des hauteurs, afin d’être plus en vûe.

Les échelles & fourches patibulaires sont aussi des gibets. Voyez Echelles patibulaires & Fourches. (A)

GIBIER, s. m. (Chasse.) c’est en général tout ce qui est la proie du chasseur ; ainsi les loups, les renards, &c. sont gibier pour ceux qui les chassent ; les buzes, les corneilles, sont gibier dans la Fauconnerie, &c. Cependant ce nom est plus particulierement affecté aux animaux sauvages qui servent à la nourriture de l’homme. Si l’on parle d’une forêt bien peuplée de gibier, on veut dire qu’il y a beaucoup de cerfs, de daims, de chevreuils, &c. Une terre giboyeuse est celle où l’on trouve abondamment des lievres, des lapins, des perdrix, &c.

La propriété des terres étant établie, il paroît que celle du gibier qu’elles nourrissent devroit en être

une suite : mais le droit naturel a depuis long-tems cédé à la force ; il est d’usage presque par-tout que les seigneurs seuls ayent le droit de giboyer. A l’égard du paysan il cultive la terre ; & après des travaux pénibles, il voit dévorer par le gibier le grain qu’il a semé sans pouvoir s’y opposer, & souvent sans oser s’en plaindre. Voyez Chasse.

La reserve de la chasse à la classe des nobles, a dû être une suite naturelle du gouvernement militaire. Les cultivateurs étoient serfs ; les nobles avoient en main l’autorité & la force : il leur falloit bien pendant la paix un exercice indépendant, qui ne leur laissât pas oublier la guerre. Cette police est peut-être fort avantageuse en elle-même ; la liberté de chasser donnée à tout le monde, pourroit enlever beaucoup de bras à l’Agriculture, qui déjà n’en a pas assez. Mais ce qui ne peut être utile à rien, c’est la conservation d’une excessive quantité de gibier, surtout des especes qui détruisent les récoltes. Quelques êtres accablés du poids de leur inutilité, pour se ménager des occasions de se fuir, font gémir sous le poids de l’amertume & de la misere, une foule d’hommes respectables par leurs travaux & leur honnêteté : mais en blâmant les goûts excessifs, nous devons servir ceux qui sont raisonnables. La conservation de certaines especes de gibier peut être agréable & utile sans beaucoup d’inconvéniens. On en a fait un art qui a des regles, & qui demande quelques connoissances. Nous allons dire ce qu’il est essentiel de savoir là-dessus.

Il y a plusieurs especes qui ne demandent que des soins ordinaires. La nature a destiné un certain nombre d’animaux à servir de nourriture à quelques autres ; retranchez seulement les animaux carnassiers, vous porterez très loin la multiplication des autres : ainsi en détruisant les loups, vous aurez des cerfs, des chevreuils, &c. faites périr les renards, les fouines, les belettes, &c. vos bois se peupleront de lapins, vos plaines se couvriront de lievres, de maniere à vous incommoder vous même. La destruction des animaux carnassiers est donc le point le plus essentiel pour la conservation de toute espece de gibier ; & le retranchement de ces animaux nuisibles, est un dédommagement du mal que le gibier peut faire lorsqu’il n’est pas excessivement abondant. La moindre négligence là-dessus rend inutiles tous les soins qu’on pourroit prendre d’ailleurs, & cela demande de la part de ceux qui en sont chargés beaucoup d’attention & d’habitude.

Ce soin principal n’est cependant pas le seul qu’exigent les especes de menu gibier qu’on peut conserver avec le moins d’inconvéniens ; je parle des perdrix grises, des perdrix rouges & des faisans. Nous avons donné la maniere de les élever familierement pour en peupler promptement une terre. Voyez Faisanderie.

Chacune de ces especes demande un pays disposé d’une maniere particuliere, & des soins propres que nous allons indiquer séparément. En réunissant ces dispositions & ces soins, on peut réunir & conserver les trois especes ensemble.

Les perdrix grises se plaisent principalement dans les plaines fertiles, chaudes, un peu sablonneuses, & où la récolte est hâtive. Elles fuyent les terres froides, ou du moins elles ne s’y multiplient jamais à un certain point. Cependant si des terres naturellement froides sont échauffées par de bons engrais, si elles sont marnées, &c. l’abondance des perdrix peut y devenir très-grande : voilà pourquoi les environs de Paris en sont peuplés à un point qui paroît prodigieux. Tous les engrais chauds que fournit cette grande ville, y sont répandus avec profusion, & il favorisent autant la multiplication du gibier, que la fécondité des terres. En supposant les mêmes soins,