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tre rapportée ici. Cet ecclésiastique étant allé à la chasse un samedi passa sur un glacier ; il tomba dans une fente, sans cependant avoir été blessé de sa chûte. Comme la fente alloit en retrécissant, il n’alla pas jusqu’au fond ; mais il fut retenu & demeura suspendu au milieu des glaces : n’ayant guere lieu de se flatter qu’il dût venir quelqu’un pour le tirer d’affaire, dans un endroit aussi peu fréquenté, il se soûmit à la volonté du ciel, & prit le parti d’attendre sa fin avec tranquillité : en tombant il n’avoit point lâché le fusil qu’il tenoit dans ses mains ; il en détacha la pierre, & s’en servit pour graver sur le canon sa malheureuse avanture, afin d’en instruire la postérité. Les paroissiens qui lui étoient très-attachés, ne voyant point paroître leur curé le dimanche suivant à l’église, se mirent en campagne pour le chercher : quelques-uns d’entr’eux apperçurent sur la neige les pas d’un homme ; ils suivirent cette trace, & ce fut avec succès ; car elle les conduisit droit à la fente où leur infortuné pasteur n’attendoit plus que la mort ; on l’appella, il répondit ; & quoiqu’il fût demeuré près de vingt-quatre heures dans l’endroit où il étoit tombé, il eut encore assez de force pour saisir les cordes qu’on lui descendit pour le retirer : par ce secours imprévû, il échappa au danger qui l’avoit si long-tems menacé. Il y a beaucoup de traits semblables à celui-ci, rapportés dans les auteurs que nous avons cités, arrivés à des gens qui ne s’en sont point si heureusement tirés. Ces fentes des glaciers sont sujettes à se refermer, & il s’en forme de nouvelles dans d’autres endroits ; ce qui se fait avec un bruit semblable à celui du tonnerre ou d’une forte décharge d’artillerie : on entend ce bruit effrayant quelquefois jusqu’à six lieues. Outre cela, les glaçons qui composent les glaciers s’affaissent parce qu’ils sont creux par-dessous ; ce qui cause un grand fracas qui est encore redoublé par les échos des montagnes des environs : cela arrive sur-tout dans les changemens de tems & dans les dégels : aussi les gens du pays n’ont pas besoin d’autres thermometres & barometres pour savoir le tems qu’ils ont à attendre.

L’Islande nous fournit encore des exemples de glaciers à-peu-près semblables à ceux qui viennent d’être décrits. Les habitans du pays nomment les montagnes de glace joeklar : il n’est pas surprenant que la nature présente ce phénomene dans un pays aussi septentrional. M. Théodore Thorkelson Widalius a donné une relation de ces montagnes & glaciers d’Islande, qu’il a eu occasion de voir par lui-même ; elle est insérée dans le tome XIII. du magasin d’Hambourg : on en trouve aussi un détail circonstancié dans une dissertation de M. Egerhard Olavius, imprimée à Copenhague, sous le titre de enarrationes historicæ de naturâ & constitutione Islandiæ formatæ & transformatæ per eruptiones ignis, &c. Les phénomenes qu’on remarque dans ces glaciers d’Islande sont assez conformes à ceux que nous avons décrits en parlant de ceux de la Suisse ; ils sont sujets comme eux à s’avancer dans la plaine & à s’en retirer dans de certains tems ; ils se trouvent dans la partie orientale de l’île dans un district appellé Skaptafelssysla. Ils occupent un espace d’environ dix lieues de longueur ; quant à la largeur, on n’a point encore pû la déterminer par les obstacles que présentent aux voyageurs les fentes qui sont à la surface de ces glaciers ; la glace qui le compose est dure, compacte & bleuâtre : on en voit sortir des pointes de rochers qui paroissent y avoir été jettés par des volcans. On trouve dans toute la campagne des environs des marques indubitables d’éruption : en effet, on y rencontre des roches d’une grandeur énorme qui semblent avoir éprouvé l’action du feu, & en avoir été noircies. D’ailleurs on voit par-tout de la pierre-ponce, des pierres vitrifiées, d’autres pierres qui sont de-

venues assez friables pour être écrasées entre les

doigts, des cendres, en un mot tout ce qui caractérise un pays fouillé par les volcans. Cela n’est pas surprenant, d’autant plus que M. Olavius remarque que les montagnes couvertes de neige & de glace qui sont dans le voisinage des glaciers d’Islande, ont été autrefois de vrais volcans : le mont Hecla lui-même, si fameux par ses éruptions fréquentes, est une montagne dont le sommet est couvert de neige & de glaces. (—)

GLACIS, s. m. en Architecture, c’est une pente peu sensible sur la cimaise d’une corniche, pour faciliter l’écoulement des eaux de pluie.

C’est encore une pente de terre ordinairement revêtue de gason, & beaucoup plus douce que le talud ; sa proportion étant au-dessous de la diagonale du quarré. Il y a des glacis dégauchis, qui sont talud dans leur commencement & glacis assez bas en leur extrémité, pour raccorder les différens niveaux de pente de deux allées paralleles. Il se voit de ces taluds & glacis pratiqués avec beaucoup d’art dans le jardin du château de Marly ; ce qu’on appelle comme revers d’eau, talud, &c. Voyez l’article suivant. (P)

Glacis, (Art milit. & Fortification.) En terme de Fortification, le glacis est le parapet du chemin-couvert, dont la hauteur de six à sept piés se perd dans la campagne par une pente insensible d’environ vingt ou vingt-cinq toises. Voyez Pl. I. de Fortification, les lettres aa, dans les fig. 1 & 5. Voyez aussi Chemin-couvert. Chambers.

Le glacis sert à empêcher que dans les environs ou les lieux qui touchent immédiatement à la place, il ne se trouve aucun endroit qui puisse servir de couvert à l’ennemi. La pente du glacis doit être dirigée de maniere qu’étant prolongée vers la place, elle rencontre le revêtement au cordon ou un peu au-dessus.

Lorsqu’elle est ainsi disposée, l’ennemi ne peut battre le revêtement ou faire breche à la place, qu’après qu’il s’est emparé du chemin-couvert : alors il établit ses batteries sur le haut du glacis ; mais leur proximité des ouvrages de la place en rend la construction périlleuse & difficile. Les places dont le glacis encouvre ainsi tous les ouvrages par son prolongement, & que par conséquent l’on ne peut découvrir de la campagne, sont appellées places rasantes. En tems de siége, l’on pratique des galeries sous le glacis d’où partent des rameaux qui s’étendent dans la campagne. Voyez Défense du Chemin-couvert. (Q)

Glacis, signifie, en terme de Peinture, l’effet que produit une couleur transparente qu’on applique sur une autre qui est déjà seche ; de maniere que celle qui sert de glacis laisse appercevoir la premiere, à laquelle elle donne seulement un ton ou plus brillant, ou plus leger, ou plus harmonieux.

On ne glace ordinairement qu’avec des couleurs transparentes, telles que les laques, les stils de grain, &c. La façon de glacer est de frotter avec une brosse un peu ferme, la couleur dont on glace sur celle qui doit en recevoir l’empreinte : en conséquence il reste sur la toile fort peu de cette couleur dont on glace ; ce qui, joint à la qualité des couleurs qui sont les plus propres à glacer, doit faire craindre avec raison aux peintres qui se servent de ce moyen, que l’effet brillant qu’ils cherchent ne soit que passager & ne s’évanoüisse avec la laque & le stil de grain qui s’évaporent ou se noircissent en fort peu de tems. Au reste, cette pratique a cependant été adoptée par de grands peintres ; Rubens en a souvent fait usage. Les glacis sont très-propres pour accorder un tableau & pour parvenir à une harmonie rigoureuse : mais le danger est encore plus grand que l’avantage qu’on en peut retirer, puisque l’effet en est ordinairement passager, & que d’ailleurs rien ne peut égaler