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le mérite durable d’un tableau peint à pleine couleur, &, comme disent les Peintres, dans la pâte. C’est aux artistes à faire des épreuves qui les éclaircissent sur les effets différens des glacis, dont il seroit peut-être injuste de blâmer indistinctement la pratique. On ne connoît pas encore assez les qualités physiques des couleurs dont on se sert ; on n’a pas fait assez de recherches sur cette partie, pour être en droit de prononcer absolument sur ce moyen, que je crois à la vérité devoir plûtôt la naissance au défaut de facilité qu’au talent. Article de M. Watelet.

* Glacis, (Rubannier.) ce sont des soies de long ou de chaînes, qui n’ont d’autre usage que de lier la trame, lorsque la traînée se trouveroit trop longue & exposée par conséquent à lever. Chaque rame de glacis est passée dans les hautes lisses, ainsi qu’il est dit au mot Passage des Rames. Chaque branche est mise à part sur un petit roquetin séparé avec son contre-poids & son freluquet, & est levée par ses rames propres, lorsqu’elle travaille en glacis ; voyez encore l’article Passage des Rames : mais pour plus de clarté, nous allons dire un mot du passage propre des rames de glacis. Lorsqu’il y a du glacis dans un ouvrage, les six rames de neuf par lesquelles on passe pour occuper les neuf rouleaux de porte-rames de devant, sont de figure ; & les trois autres sont de glacis, & passées suivant le translatage du glacis qui ne change jamais. On entend par translatage, l’emprunt que l’on fait, lorsqu’il est possible ; & cela pour épargner les bouclettes des hautes-lisses : cet emprunt n’est autre chose que l’usage multiplié de la même bouclette, quand il est pratiquable ; & pour joüir du privilége de l’emprunt, la seconde rame doit faire, conjointement avec la premiere, les pris que la premiere fait, & ainsi des autres jusqu’à neuf, qui toutes peuvent emprunter sur la premiere des neuf, & toûjours dans le cas de la possibilité. Ceci compris, lorsque la rame de glacis ne travaille point en glacis, on la passe conformément à celle de figure avec laquelle elle doit aller suivant l’ordre dont nous allons parler. Mais lorsqu’elle travaillera en glacis, elle sera passée conformément à son propre translatage ; pouvant néanmoins joüir de l’emprunt, lorsqu’il aura lieu. Les trois rames de glacis qui font partie des neuf que l’on passe, ont le même passage & le même avantage quant à l’ordre : voici ce que c’est que cet ordre. La premiere rame des trois de glacis, sera portée par la premiere des six de figure ; la seconde rame de figure ira seule ; la seconde rame de glacis sera portée par la troisieme de figure ; la quatrieme de figure ira seule ; & la troisieme de glacis sera portée par la cinquieme rame de figure ; par conséquent la sixieme rame de figure ira seule : & voilà les neuf rames par lesquelles nous avons dit qu’on passoit.

GLAÇON, s. m. Voyez ci-devant l’article Glace.

Glaçons, en Architecture ; ce sont des ornemens de sculpture de pierre ou de marbre qui imitent les glaçons naturels, & qu’on met au bord des bassins des fontaines, aux colonnes marines, & aux panneaux, tables, & montans des grottes. Il se voit de ces glaçons d’une belle exécution à la fontaine du Luxembourg, un des plus beaux morceaux d’Architecture dans ce genre, qui tombe de vétusté faute d’entretien : on appelle aussi ces glaçons congelations. (P)

GLADIATEUR, subst. m. gladiator, (Littérat. Hist. rom.) celui qui pour le plaisir du peuple combattoit en public sur l’arene, de gré ou de force, contre un autre homme ou contre une bête sauvage, avec une arme meurtriere, cum gladio ; & c’est de-là qu’est venu le mot de gladiateur.

Ce spectacle ne s’introduisit point à Rome à la faveur de la grossiereté des cinq premiers siecles qui

s’écoulerent immédiatement après sa fondation : quand les deux Brutus donnerent aux Romains le premier combat de gladiateurs qu’ils eussent vû dans leur ville, les Romains étoient déjà civilisés ; mais loin que la politesse & la mollesse des siecles suivans ayent dégoûté ce peuple des spectacles barbares de l’amphithéatre, au contraire elles les en rendirent encore plus épris. Nous tâcherons de découvrir les raisons de ce genre de plaisir, après avoir rassemblé sous un point de vûe l’histoire des gladiateurs trop hérissée d’érudition, trop diffuse, & trop peu liée dans la plûpart des ouvrages sur cette matiere.

Les premiers combats de gladiateurs qu’on s’avisa de donner en l’honneur des morts pour appaiser leurs manes, succederent à l’horrible coûtume d’immoler les captifs sur le tombeau de ceux qui avoient été tués pendant la guerre : ainsi dans Homere, Achille immole 12 jeunes troyens aux manes de Patrocle ; ainsi dans Virgile, le pieux Enée envoye des prisonniers à Evandie pour les immoler sur le bûcher de son fils Pallas. Les Troyens croyoient que le sang devoit couler sur les tombeaux des morts pour les appaiser ; & cette superstition étoit si grande chez ce peuple, que les femmes se faisoient elles mêmes des incisions pour en tirer du sang, dont elles arrosoient les sepulcres des personnes qui leur étoient cheres. Au défaut de prisonniers, on sacrifioit quelquefois des esclaves.

Les peuples en se polissant ayant reconnu l’horreur de cette action, établirent, pour sauver la cruauté de ces massacres, que les esclaves & les prisonniers de guerre dévoüés à la mort suivant la loi, se battroient les uns contre les autres, & feroient de leur mieux pour sauver leur vie & l’ôter à leurs adversaires. Cet établissement leur parut moins barbare, parce que ceux qu’il regardoit pouvoient, en se battant avec adresse, éviter la mort ; & ne devoient à quelques égards s’en prendre qu’à eux s’ils ne l’évitoient pas. Voilà l’origine de l’art des gladiateurs.

Le premier spectacle de ces malheureux qui parut à Rome, fut l’an de sa fondation 490, sous le consulat d’Appius Claudius & de M. Fulvius. D’abord on observa de ne l’accorder qu’aux pompes funebres des consuls & des premiers magistrats de la république : insensiblement cet usage s’étendit à des personnes moins qualifiées ; enfin plusieurs simples particuliers le stipulerent dans leur testament : & pour tout dire, il y eut même des combats de gladiateurs aux funérailles des femmes.

Dès qu’on apperçut par l’affluence du peuple, le plaisir qu’il prenoit à ces sortes de spectacles, on apprit aux gladiateurs à se battre ; on les forma, on les exerça ; & la profession de les instruire devint un art étonnant dont il n’y avoit jamais eu d’exemple.

On imagina de diversifier & les armes & les différens genres de combats auxquels les gladiateurs étoient destinés. On en fit combattre sur des chariots, d’autres à cheval, d’autres les yeux bandés ; il y en avoit sans armes offensives ; il y en avoit qui étoient armés de pié en cap, & d’autres n’avoient qu’un bouclier pour les couvrir. Les uns portoient pour armes une épée, un poignard, un coutelas ; d’autres espadonnoient avec deux épées, deux poignards, deux coutelas ; les uns n’étoient que pour le matin, d’autres pour l’après-midi : enfin on distingua chaque couple de combattans par des noms dont il importe de donner la liste.

1°. Les gladiateurs que j’appelle sécuteurs, secutores, avoient pour armes une épée & une espece de massue à bout plombé.

2°. Les thraces, thraces, avoient une espece de coutelas ou cimeterre comme ceux de Thrace, d’où venoit leur nom.

3°. Les myrmillons, myrmillones, étoient armés d’un bouclier & d’une faux, & portoient un poission