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cence sensible avec les acides ; quand cela arrive, c’est une preuve certaine que cette terre est mélangée avec quelque substance alkaline ou calcaire, telle que la craie, la marne, &c. ou avec des parties ferrugineuses. C’est faute d’avoir eu égard à ces mélanges que plusieurs auteurs ont confondu avec la glaise d’autres terres dont les propriétés sont fort différentes ; cependant l’acide vitriolique aidé par l’action du feu dissout une portion de l’argille ou glaise, comme M. Hellot l’a prouvé dans les mémoires de l’académie des Sciences de Paris, année 1739. Cette dissolution d’une portion de la terre glaise ou argilleuse par l’acide vitriolique, fait un véritable alun ; cela avoit déjà été soupçonné par M. Pott, mais cette vérité vient enfin d’être démontrée par M. Marggraf, qui prouve que l’argille ou glaise contient la terre nécessaire pour la formation de l’alun ; mais l’acide vitriolique ne dissout qu’une portion de cette terre : celle qui reste & sur laquelle le dissolvant n’a plus d’action, a perdu les propriétés de la glaise. Et M. Marggraf a fait des expériences qui prouvent qu’elle est de la nature des terres vitrifiables, telles que le sable & les caillous pilés, puisqu’elle fait du verre tout comme elles, lorsqu’on la fond avec du sel alkali ; d’où l’on peut conclure que l’argille ou glaise est composée de deux substances d’une nature toute différente. Voyez les mémoires de l’académie royale de Berlin, année 1754, pag. 32, 34, 63 & suiv.

Quelquefois la glaise est mêlée de mica ou de petites particules talqueuses, luisantes, qu’il est très-difficile d’en séparer entierement : on en sépare plus aisément le sable, c’est en la faisant dissoudre dans de l’eau, parce qu’alors les parties terreuses qui composent la glaise demeurent long-tems suspendues dans ce fluide, tandis que les particules de sable tombent très-promptement au fond.

Plus les argilles ou glaises sont blanches, plus elles sont dégagées de matieres étrangeres, & c’est alors qu’on y remarque sensiblement les propriétés qui les caractérisent. Les qualités extérieures auxquelles on peut reconnoître la glaise, sont sa tenacité qui fait qu’elle prend corps toute seule avec l’eau ; sa viscosité ou son onctuosité qui la fait paroître comme savonneuse & grasse au toucher ; la finesse de ses parties qui fait qu’elle s’attache à la langue, & que quelquefois elle produit dans la bouche un effet semblable à celui du beurre qu’on y laisseroit fondre : mais le caractere distinctif de l’argille ou glaise pure est de se durcir dans le feu au point de former une masse compacte & solide, dont l’acier peut tirer des étincelles comme il feroit d’un morceau d’agate ou de jaspe. C’est à cette marque surtout que l’on peut reconnoître la présence de cette terre, même lorsqu’elle est mêlée avec des substances ou terres d’une autre nature. La terre dont on fait les pipes est une vraie glaise ; on dit que les Chinois font une porcelaine d’une très-grande beauté avec une terre seule délayée dans de l’eau ; elle est très-blanche & douce au toucher comme du savon ; il y a en France & en beaucoup d’endroits de l’Europe des terres dont on pourroit tirer le même parti, si on vouloit faire les expériences nécessaires pour en découvrir les propriétés. Voyez l’art. Porcelaine.

La viscosité & la tenacité de la glaise sont dûes à une matiere onctueuse qui sert à lier ses parties. M. Pott a fait un grand nombre d’expériences pour découvrir la nature de ce gluten ou lien, sans jamais y trouver le moindre vestige ni de sel ni de matiere inflammable, soit par la distillation, soit par la lixiviation ; sur quoi il refute Boyle qui prétend que les terres contiennent du phlogistique, & prouve que celui qu’on y découvre ne vient que de la petite

portion de fer qui y est contenue. Becher a cru que le flegme ou la partie aqueuse qu’on obtient par la distillation de l’argille ou glaise, avoit des vertus merveilleuses, soit dans la medecine, soit dans les travaux sur les métaux, soit pour la fertilisation des terres ; mais ces idées n’ont point encore été justifiées par l’expérience, non plus que les prétentions de quelques alchimistes qui regardent ce flegme comme l’esprit de la nature. S’il se trouve quelque chose de salin dans la glaise, elle en est redevable aux substances étrangeres qui y sont jointes accidentellement. La calcination au feu & les acides concentrés, enlevent entierement le gluten ou la partie qui sert à lier cette terre, au point qu’elle n’est plus en état de prendre du corps & de se durcir dans le feu.

Les terres alkalines ou calcaires telle que la craie, la marne, &c. mêlées avec la glaise, entrent très-aisément en fusion, quoiqu’aucune de ces terres prise séparément ne se fonde point par elle même, c’est-à-dire sans addition. M. Pott a employé dans cette expérience ainsi que dans les autres une argille pure ; car celle qui est bleue est mêlée de particules martiales qui lui servent de fondant, & la font entrer en fusion sans addition, au lieu que les argilles ou glaises pures ne peuvent être fondues par le feu le plus violent qui ne fait que les durcir considérablement, & au point de faire donner des étincelles lorsqu’on les frappe avec de l’acier.

La glaise pure ou argille mêlée avec différentes especes de pierres gypseuses donne des produits différens, suivant que ces substances sont plus ou moins chargées de matieres étrangeres & colorantes ; cependant en général M. Pott a observé que lorsqu’on mêle la glaise & le gypse en parties égales, il en résulte à l’aide du feu une masse pierreuse si dure que l’acier en fait sortir des étincelles.

Le mélange de la glaise ou argille avec les pierres & les terres qu’on nomme vitrifiables, prend du corps & s’unit très-fortement ; c’est là-dessus qu’est fondé tout le travail de la poterie de terre, de la fayencerie, de la briquerie, &c. Aussi voit-on que les Potiers de terre mêlent du sable avec la glaise pour former tous leurs ouvrages, qu’ils exposent ensuite à l’action du feu. Toutes ces expériences, ainsi qu’un grand nombre d’autres, sont dûes à M. Pott savant chimiste, de l’académie de Berlin, & se trouvent dans son ouvrage qui a pour titre Lithogéognosie, ou examen chimique des terres & des pierres, &c. tom. I. pag. 123 & suiv. 82 & suiv. & 140 de la traduction françoise.

Passons maintenant aux propriétés de la glaise, eu égard à l’Agriculture & à l’Economie rustique. Plus cette terre est tenace, compacte & pure, moins elle est propre à favoriser la végétation des plantes ; cela vient 1°. de ce que la glaise par la liaison étroite qui est entre ses parties, retient les eaux du ciel & ne leur fournit point de passage, ces eaux sont donc obligées d’y séjourner, & par-là les semences doivent se noyer ou se pourrir. 2°. Quand ces semences auroient pû être développées, les parties de la glaise sont si étroitement liées entr’elles, & se durcissent si fort à la surface de la terre par la chaleur du soleil, que cette terre n’auroit point cédé ou prêté aux foibles efforts qu’une plante ou racine peut faire pour s’étendre en tout sens ; de-là vient la stérilité des terres purement glaiseuses : aussi un auteur anglois a-t-il appellé la terre glaise une marâtre maudite ; les arbres mêmes, & sur-tout les chênes, n’y croissent qu’avec peine & très-lentement, & il y a des glaises si stériles qu’il n’y croît pas le moindre brin d’herbe. Pour remédier à cette stérilité, on est obligé d’avoir recours à différens moyens, qui tous ont principalement pour but de diviser & d’atténuer