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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/744

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l’inhumanité de leurs patrons ; il les persuada, rassembla sous ses drapeaux un grand nombre d’autres esclaves fugitifs, animés du même esprit ; il se mit à leur tête, s’empara de la Campanie, & remporta de grands avantages sur les préteurs romains, que le sénat se contenta d’abord de lui opposer avec peu de troupes.

L’affaire ayant paru plus sérieuse, les consuls eurent ordre de marcher avec les légions ; Spartacus les défit entierement, ayant choisi son camp & le champ de bataille comme auroit pû faire un général consommé ; de si grands succès attirerent une foule innombrable de peuples sous les enseignes de Spartacus, & ce gladiateur redoutable se vit jusqu’à six vingt mille hommes à ses ordres, bandits, esclaves, transfuges, gens féroces & cruels, qui portoient le fer & le feu de tous côtés, & qui n’envisageoient dans leur révolte qu’une licence effrénée & l’impunité de leurs crimes.

Il y avoit près de trois ans que cette guerre domestique duroit en Italie, avec autant de honte que de desavantage pour la république, lorsque le sénat en donna la conduite en 682 à Licinius-Crassus, un des premiers capitaines du parti de Sylla, & qui avoit eu beaucoup de part à ses victoires.

Crassus savoit faire la guerre, & la fit heureusement ; il tailla en pieces en deux batailles rangées les troupes de Spartacus, qui cependant prouva toûjours qu’il ne lui manquoit qu’une meilleure cause à défendre : on le vit blessé à la cuisse d’un coup de javeline combattre long-tems à genou, tenant son bouclier d’une main & son épée de l’autre. Enfin percé de coups, il tomba sur un monceau ou de romains qu’il avoit immolés à sa propre fureur, ou de ses propres soldats qui s’étoient fait tuer aux piés de leur général en le défendant.

Voyez les détails de la guerre célebre des gladiateurs dans les historiens romains, dans Tite-Live, liv. XCVII. Athénée, liv. II. Eutrope, liv. VI. Appian, de la guerre civile, liv. II. Florus, liv. III. chap. xx. César, commentaires liv. I. Valere-Maxime, liv. VIII. Velleius-Paterculus, liv. II. & autres. (D. J.)

Gladiateur expirant (le), Sculpture antiq. c’est une admirable piece de l’antique qui subsiste toûjours ; il n’y a point d’amateurs des beaux arts, dit M. l’abbé du Bos, qui n’ait du-moins vû des copies de la figure du gladiateur expirant, laquelle étoit autrefois à la Vigne Ludovece, & qu’on a transportée depuis au palais. Chigi. Cet homme qui vient de recevoir le coup mortel veille à sa contenance, ut procumbat honestè : il est assis à terre, & a encore la force de se soûtenir sur le bras droit ; quoiqu’il aille expirer, on voit qu’il ne veut pas s’abandonner à sa douleur ni à sa défaillance, & qu’il a l’attention de tenir ce maintien courageux, que les gladiateurs se piquoient de conserver dans ce funeste moment, & dont les maîtres d’escrime leur apprenoient l’attitude : il ne craint point la mort, il craindroit de faire une grimace ou de pousser un lâche soupir ; quis mediocris gladiator ingemuit, quis vultum mutavit unquam, quis non modò stetit, verùm etiam decubuit turpiter, dit Ciceron dans l’endroit de ses Tusculanes, où il nous raconte tant de choses étonnantes sur la fermeté de ces malheureux ? On sent dans celui-ci que malgré la force qui lui reste après le coup dont il est atteint, il n’a plus qu’un moment à vivre, & l’on regarde long-tems dans l’attente de le voir tomber en expirant ; c’est ainsi que les anciens savoient animer le marbre, & lui donner de la vie. On en trouvera plusieurs autres exemples dans cet ouvrage. Voyez Sculpture ancienne. (D. J.)

* GLAIE, s. f. (Verrerie.) c’est ainsi qu’on appelle la partie de la voûte du four, composée depuis l’ex-

térieur des deux tonnelles entre les arches à pot,

jusqu’à l’extrémité du revêtement du four. Voyez les articles Tonnelle, Four, Verrerie.

GLAIRE, s. f. (Médecine.) ce terme est employé vulgairement pour designer une humeur gluante, visqueuse, une sorte de mucosité transparente produite dans le corps humain par quelque cause morbifique ; c’est la même chose que ce que les medecins appellent phlegme, pituite. Voyez Pituite. (d)

GLAIRER, v. act. (Relieure.) c’est passer du blanc d’œuf avec une éponge fine sur le plat de la couverture d’un livre prêt à être doré & poli ; on glaire à plusieurs reprises.

GLAISE, s. f. TERRE GLAISE, ARGILLE, (Hist. nat. Minéralog. Agric.) c’est une terre dont la couleur est ou blanche, ou jaune, ou brune, ou rougeâtre, ou grise, ou bleue, ou verdâtre ; elle est tenace, pesante, compacte, visqueuse ou grasse au toucher comme du savon ; ses parties sont très fines & fort étroitement liées les unes aux autres : elle s’amollit dans l’eau, & a la propriété de prendre corps, & de se durcir considérablement dans le feu.

Lister compte vingt-deux especes d’argilles ou de glaises en Angleterre ; Wallerius en compte dix especes dans sa minéralogie, mais ces terres ne different point essentiellement entr’elles ; elles ne varient que par la couleur, qui peut avoir un nombre infini de nuances, & par le plus ou moins de sable, de gravier, de terreau ou de humus, de craie, de marne, de parties ferrugineuses, & d’autres substances étrangeres qu’elles peuvent contenir.

On a quelquefois voulu mettre de la différence entre l’argille & la glaise ; cette distinction étoit fondée sur ce que l’argille étoit, dit on, mêlée d’un plus grand nombre de parties de sable & de terreau ; mais l’on sent que ce mélange purement accidentel ne suffit pas pour faire distinguer ces terres qui sont essentiellement les mêmes, & qui ont les mêmes propriétés, quoiqu’on les designe par deux noms différens. Cela posé, sans s’arrêter ici à faire un article séparé de la glaise, on auroit pû renvoyer à l’art. Argille ; mais comme cet article n’est que l’exposé du système de M. de Buffon sur la formation de l’argille, & comme d’ailleurs on n’y est point entré dans le détail des principales propriétés de cette terre, on a cru que ce seroit ici le lieu de suppléer à ce qui a été omis dans cet article.

Il y a long-tems que les Chimistes ont observé que l’argille ou glaise colorée contenoit une portion plus ou moins considérable de fer ; ce qui prouve cette vérité, c’est la couleur rouge que prennent quelques-unes de ces terres, lorsqu’on les expose à l’action du feu ; mais rien ne sert mieux à constater la chose que la fameuse expérience de Becher qui a obtenu une portion de fer attirable par l’aimant, d’un mélange fait avec de la glaise & de l’huile de lin : nous n’insisterons point sur cette expérience qui est suffisamment décrite à l’article Fer, non plus que sur la dispute qui s’éleva à son sujet dans l’académie royale des Sciences de Paris. Voyez Fer. C’est cette portion de fer contenue dans la glaise qui contribue à ses différentes couleurs. On peut dégager cette terre des parties ferrugineuses qu’elle contient en versant dessus de l’eau régale qui en fait l’extraction avec effervescence ; la partie terreuse reste blanche, parce que ce dissolvant lui a enlevé sa partie colorante, & est devenue jaune. L’eau-forte ne produit point toûjours le même effet, parce que les parties martiales de cette terre sont quelquefois très fines & enveloppées de tant de parties visqueuses, que le dissolvant ne peut point agir sur elles. Voyez la Lithogéognosie de M. Pott, tom. I. pag. 99 & suiv.

La glaise ou l’argille pure ne fait point d’efferves-