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glaucoma, de γλαυκὸς, glaucus, qui signifie une couleur mêlée de verd & de blanc, ou ce qu’on appelle la couleur de mer ; c’est le nom d’une maladie des yeux, sur le siége de laquelle les auteurs ne s’accordent point.

Les uns prétendent que c’est une lésion particuliere du crystallin, qui consiste dans une sorte de dessechement de cet organe : de ce nombre est Maître-Jan, avec la plûpart des anciens, qui regardent cette maladie comme une sorte de cataracte fausse.

Les autres veulent que ce soit un vice du corps vitré, qui est devenu opaque de transparent qu’il est naturellement : ensorte que l’épaississement de l’humeur contenue dans les cellules de ce corps, le rend disposé à réfléchir les rayons de lumiere qui devroient le traverser, pour porter leurs impressions sur la rétine ; & de cette réflexion contre nature résulte la couleur mentionnée, qui donne son nom à cette maladie.

Ce dernier sentiment est adopté par la plûpart des modernes, tels qu’Heister & les plus savans oculistes de nos jours : il paroît ne devoir être susceptible de fournir aucun lieu de doute, si l’on fait attention que tous les auteurs tant anciens que modernes, se réunissant en ce point de regarder cette maladie comme incurable, sur-tout par les secours de la Chirurgie, ce jugement ne peut tomber que sur le corps vitré, qui ne peut point être enlevé : au lieu que dans quelque état que soit le crystallin, il semble qu’on peut toûjours tenter de l’abattre, ou mieux encore d’en faire l’extraction, & de rétablir la vûe qui peut subsister sans lui, pourvû qu’il n’y ait point de communication de ses lésions avec la partie du corps vitré dans lequel il est enchâssé.

D’ailleurs le glaucome semble être toûjours facile à distinguer de la cataracte, en ce que la couleur contre nature qui le caractérise, est réfléchie d’une sur face profonde, éloignée derriere la pupille : au lieu que les couleurs de la cataracte sont superficielles & tout proche des bords de l’uvée.

Quoi qu’il en soit, la maladie caractérisée par le symptome essentiel du glaucome, est presque toûjours une maladie incurable ; parce qu’on s’apperçoit rarement de son commencement ; tems auquel on pourroit combattre l’épaississement qui se forme, par les fondans mercuriels & les autres remedes appropriés, pour rendre la fluidité aux humeurs viciées ou les détourner de la partie affectée. Voyez Œil, Crystallin, Vitré (Corps). (d)

Ceux en qui cette maladie commence à se former, s’imaginent voir les objets à-travers d’un nuage ou de la fumée ; & quand elle est entierement formée, ils n’apperçoivent aucune lumiere, & ne voyent plus rien.

Les anciens qui pensoient que la cataracte n’étoit qu’une pellicule formée dans l’humeur aqueuse, regardoient le glaucome ou opacité du crystallin comme une maladie incurable. Actuellement qu’on a des connoissances positives sur le caractere de la cataracte, on donne le nom de glaucome à l’induration contre nature & à l’opacité du corps vitré.

Elle peut passer pour incurable dans les personnes âgées, & même dans d’autres circonstances elle est extrèmement difficile à guérir, les remedes externes n’étant d’aucune utilité, & les internes n’offrant pas de grandes ressources : ceux qui paroissent convenir le plus, sont ceux dont on se sert dans la goutte sereine. Voyez Goutte sereine. Julius Cæsar Claudinus, consult. 74. donne un remede pour le glaucome.

Maître-Jan, dans son traité des maladies de l’œil, distingue ainsi le glaucome de la cataracte. Le glaucome, selon lui, est une altération toute particuliere du crystallin, par laquelle il se desseche, diminue de

volume, change de couleur, & perd sa transparence en conservant sa figure naturelle & devenant plus solide. Les signes qu’il donne pour distinguer cette altération d’avec la cataracte, sont fort équivoques ; ce qu’il assûre le plus positivement, c’est que dans le glaucome la membrane qui recouvre le crystallin n’est point altérée ; de-là les cataractes luisantes lui sont très-suspectes, dans la crainte qu’elles ne soient des glaucomes ou fausses cataractes, ou pour le moins qu’elles n’en participent. Cet auteur assûre que les glaucomes sont absolument incurables. (Y)

GLAUCUS, s. m. (Mythologie.) dans la Fable, c’est un dieu marin fils de Neptune & de Naïs, selon Evante, & selon Athénée d’Eubée & de Polybe, fils de Mercure. Dans l’histoire, Glaucus n’étoit qu’un habile pêcheur de la ville d’Anthédon en Béotie : il savoit si bien plonger, qu’il alloit souvent sous l’eau aborder dans des lieux écartés, pour s’y cacher quelque tems ; & lorsqu’il étoit de retour, il se vantoit d’avoir passé tout ce tems là dans la compagnie de Thétis, de Neptune, d’Amphitrite, de Nérée, des Néréïdes, & des Tritons : cependant il eut le malheur de se noyer, ou peut-être d’être dévoré par quelque poisson ; mais cet évenement servit à l’immortaliser. On publia dans tout le pays, qu’il avoit été changé en dieu de la mer ; & cette merveille fut consacrée d’âge en âge.

Philostrate est presque le seul qui mette Glaucus au nombre des Tritons, & qui se plaise à le peindre sous cette derniere forme. « Sa barbe, dit-il, est humide & blanche ; ses cheveux lui flottent sur les épaules ; ses sourcils épais se touchent & paroissent n’en faire qu’un seul : ses bras sont en maniere de nageoires ; sa poitrine est couverte d’herbes marines : tout le reste de son corps se termine en poisson, dont la queue se recourbe jusqu’aux reins, & les alcyons volent sans cesse autour de lui. »

Cependant la ville d’Anthédon plaça Glaucus au nombre des dieux marins, lui bâtit un temple, & lui offrit des sacrifices. Ce temple rendit des oracles qui furent consultés par les matelots ; & l’endroit même où Glaucus périt, devint si célebre, que Pausanias raconte que de son tems on montroit encore le saut de Glaucus, c’est-à-dire le rocher du haut duquel il se jettoit dans la mer.

Tant de renommée engagea les Poëtes & quelques autres auteurs, à débiter sur Glaucus un grand nombre de fables toutes merveilleuses. Euripide assûre que ce dieu étoit l’interprete de Nérée, & qu’il prédisoit l’avenir avec les Néréïdes ; c’est de lui-même, ajoûte Nicander, qu’Apollon apprit l’art de prophétiser : ce fut lui, selon Apollonius, qui sortit du fond des eaux sous la figure d’un dieu marin, pour annoncer aux Argonautes que le destin s’opposoit au voyage d’Hercule dans la Colchide, & qu’il avoit bien fait de l’abandonner. Ovide ne pouvant enchérir sur le don de prophétie dont on avoit honoré Glaucus, se mit à broder l’histoire de sa métamorphose : il nous dit à ce sujet que ce fameux pêcheur ayant pris un jour quelques poissons, il les posa sur le rivage, & s’apperçut que l’attouchement d’une certaine herbe leur redonnoit leur premiere vigueur, & les faisoit sauter dans la mer : curieux de tenter sur lui-même l’expérience de cette herbe, il en eut à peine mâché, qu’il sentit un si grand desir de changer de nature, que ne pouvant y résister, il se précipita sur le champ au fond des eaux. L’Océan & Thétis le voyant arriver, le dépouillerent de tout ce qu’il avoit de mortel, & l’admirent au nombre des dieux marins.

Après tout ce détail, on ne peut plus confondre notre Glaucus, dieu marin dans la fable, & surnommé glorieusement dans l’Histoire, Glaucus le Pontique, avec les autres Glaucus dont nous ne parlerons