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qui indique, à la vérité, que Rotrou n’a pas prétendu donner ce remede comme de lui, mais a voulu néanmoins s’autoriser du nom d’un grand homme, dont les écrits n’étoient pas assez à sa portée pour qu’il pût le deviner parmi ses énigmes, p. 284. on y ajoûte aussi, p. 281. que le remede du sieur Rotrou, chirurgien de Saint-Cyr, dont on fait beaucoup de cas pour la guérison des écroüelles, consiste dans sa teinture aurifique de Basile Valentin, autre nom supposé, l’élixir aurifique, le grand fondant de Paracelse, l’alkali de Rotrou, & sa pâte en pilules purgatives, & qu’on en donne la description telle qu’elle a été communiquée, pour ne rien omettre de ce qui peut contribuer à la guérison d’une maladie aussi rébelle. M. Astruc les a décrits aussi. Voyez Remede de Rotrou & Ecrouelles.

L’antimoine diaphorétique se fait ou avec l’antimoine crud, ou avec le régule d’antimoine ; ou à sa place, avec quelques autres préparations du même demi-métal. Le premier porte particulierement le nom d’antimoine diaphorétique ; & le second, celui de céruse d’antimoine, chez les chimistes modernes.

Antimoine diaphorétique. Prenez une partie d’antimoine, & trois parties de nitre bien seché. Réduisez-les séparément en poudre bien fine, & les mêlez bien intimement. Ayez un creuset de sept ou huit pouces de diametre, sur environ autant de hauteur, dont le fond soit hémisphérique : placez ce creuset sur une tourte de deux doigts d’épaisseur, dans un fourneau à capsule (Voyez nos Planches de Chimie, leur explication ; & l’article Fourneau) : ajustez-lui un couvercle ; entourez-le de charbons ardens jusqu’au haut, ou du moins à fort peu près ; découvrez-le de tems en tems, pour savoir s’il est rouge ; quand il le sera, projettez-y une cuillerée de votre mélange : il s’en fait sur le champ une détonation assez vive, pendant laquelle il s’éleve une fumée noirâtre & épaisse mêlée de quelques étincelles : la détonation cessée, projettez-y en une autre cuillerée, puis une troisieme, & ainsi de suite, jusqu’à ce que vous en ayez employé cinq ou six ; observant toûjours de laisser finir la détonation, avant que de jetter une nouvelle cuillerée de matiere : au bout de ces cinq ou six cuillerées, que vous aurez dans votre creuset un volume de matiere égal à celui d’un œuf à-peu-près, remuez-la avec une large spatule de fer. Ce résultat sera un peu pâteux, ressemblant en quelque sorte à du plâtre frais gâché ; retirez-le incontinent du creuset : vous le donnerez à un aide, qui le recevra sur un couvercle renversé : la main qui doit tenir le couvercle sera garantie de la chaleur par une poignée épaisse ; & l’autre sera occupée à racler avec une spatule de fer la spatule chargée de la matiere : au sortir du creuset, elle est rouge, & garde quelque tems cet état sur le couvercle : peu-à-peu elle paroît sous sa couleur naturelle, qui est un blanc sale ou jaunâtre : quand elle a perdu sa rougeur, on la jette dans une grande terrine de grais remplie d’eau chaude, par parties & au bord de la terrine.

Pendant que l’aide est occupé à jetter ainsi la matiere dans l’eau, on ne cesse de projetter le mélange avec les précautions que nous avons mentionnées : on racle bien le creuset chaque fois qu’on en retire une mise, afin de n’y en rien laisser, si cela se peut. On continue de la sorte, jusqu’à ce que tout le mélange soit employé, détonné, & jetté dans l’eau.

Après l’y avoir laissé un certain tems, décantez cette premiere eau ; édulcorez encore votre chaux 7 ou 8 fois avec de l’eau bouillante ; laissez-l’y quelques heures chaque fois : quand vous aurez décanté l’eau du dernier lavage, mettez votre chaux sur un filtre, ou tout simplement sur un papier gris, pour en essuyer la plus grande humidité. Achevez de la sécher à une chaleur douce, ou à un air chaud.

Il y a des substances métalliques qui ne perdent les dernieres portions de leur phlogistique, que bien difficilement, & qui demandent des calcinations longues, quand elles sont seules : pour vaincre la difficulté & abréger les peines, on a recours à des moyens étrangers : tel est le nitre, dans l’opération dont il s’agit ; par son intermede, on vient à bout de réduire l’antimoine crud en une chaux absolue, en suivant le manuel que nous venons de détailler.

Si on prend l’eau du premier lavage, & qu’on la fasse évaporer & crystalliser, on a 1°. du tartre vitriolé : 2°. du nitre non décomposé, en poussant l’évaporation un peu plus loin ; c’est la quantité surabondante à ce qu’il en faut pour enlever le phlogistique à l’antimoine employé : 3°. enfin un alkali fixe en desséchant la matiere. On a donné le nom de nitre antimonié à tous ces sels confondus ensemble. Mais il est aisé de voir que cette dénomination est absolument fausse, & ne convient à aucun de ces trois sels : tous contiennent une portion de la chaux la plus subtile de l’antimoine : l’alkali fixe qui en tient le plus, en devient plus caustique, voyez Pierre à Cautere & Nitre : on ne l’en sépare que par un acide, voyez Matiere perlée. Voici donc comment la chose s’est passée.

Une portion de nitre détonne avec le soufre, dont le phlogistique embrasé enflamme & décompose l’acide nitreux qu’il dégage de sa base : cette base constitue une partie de l’alkali fixe qu’on trouve dans le lavage. Mais le phlogistique du soufre n’est pas plûtôt séparé de l’acide vitriolique, que cet acide devenu libre trouvant du nitre près de lui, chasse son acide, & s’introduit à sa place. L’acide nitreux s’enflamme encore ou se dissipe ; & la nouvelle combinaison forme du tartre vitriolé. Le soufre en se dégageant du régule d’antimoine (voyez la calcination de l’antimoine crud), emporte aussi avec lui une partie de son phlogistique, tant par son phlogistique que par son acide. Mais le nitre détonne encore en même tems avec le régule d’antimoine, dont le phlogistique agité par le feu produit sur ce sel le même effet que celui du soufre : d’où résulte une nouvelle portion d’alkali fixe, qui agit encore sur le régule, s’il en reste de non décomposé, voyez plus bas céruse d’antimoine ; en sorte que ce régule est réduit par cette action à l’état d’une pure terre ou chaux absolue. Voyez Nitre, Nitre alkalisé par le charbon, & Sel polychriste de Glaser.

Telle est la méthode que donne M. Roüelle ; cette correction se publie aussi en Allemagne. En suivant celles qui se trouvent décrites dans les auteurs, on avoit beaucoup de peine à faire l’antimoine diaphorétique bien blanc : il étoit presque toûjours jaune ; & il étoit impossible de lui faire perdre ce défaut. Cet inconvénient venoit de ce qu’on le laissoit trop longtems dans le creuset après la détonation : on avoit beau le laver, jamais on ne réparoit ce défaut qu’il avoit contracté par une trop longue calcination : c’est en partie pour ce motif, qu’il faut retirer la matiere du creuset à différentes reprises.

Si l’antimoine diaphorétique se trouvoit brun, alors ce défaut ne viendroit plus de la longueur de la calcination, mais de l’antimoine qui se trouve quelquefois mêlé de fer & d’autres métaux, sur-tout à la base du cône. Voyez Safran de Mars antimonié.

Ce premier inconvénient en entraînoit un second. La matiere calcinée pendant deux, quatre, & même six heures, comme quelques chimistes l’ont demandé, devenoit dure comme une pierre : elle adhéroit si fortement au creuset, qu’il falloit souvent le casser pour l’en tirer : en sorte qu’elle étoit mêlée de quelques morceaux du creuset, ou qu’il en falloit perdre beaucoup pour l’en séparer : & avec quelques soins qu’on