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la pulvérisât, ce qui exigeoit beaucoup de tems & de peines, elle n’étoit jamais si bien divisée qu’elle le devient par le lavage qui succede à une calcination presque momentanée. En effet, il est aisé de concevoir qu’il se faisoit pendant ce tems une espece de demi-vitrification, par laquelle l’alkali fixe s’unissoit assez intimement avec la chaux de l’antimoine, pour lui rester combiné en grande partie malgré le lavage. C’est de cette union que naissoit l’accrétion considérable de poids que l’antimoine diaphorétique avoit acquise. On suppose ici que le lavage ne fût point employé, comme il paroît par quelques descriptions.

On craindra peut-être qu’une calcination si legere en apparence ne remplisse pas les vûes de cette opération, dans laquelle on a pour but de réduire l’antimoine en une chaux pure & dégagée de tout phlogistique. Mais on sera convaincu qu’une pareille crainte ne porte que sur un fondement illusoire, quand on aura fait attention qu’il reste dans l’eau du lavage du nitre non décomposé ; parce qu’il ne s’est point trouvé de phlogistique qui ait pû le faire détonner ; & que dans la circonstance présente, au lieu de deux parties de ce sel, on en employe jusqu’à trois, pour n’avoir aucun soupçon qu’il puisse rester dans l’antimoine diaphorétique la moindre molécule de régule ou de chaux non absolue qui ait échappé à son action. On ne nie pourtant pas qu’il se trouve dans l’antimoine diaphorétique des parties régulines en nature, & sous leur forme métallique, en même tems qu’il s’y trouve du nitre non décomposé : mais ce défaut provient souvent de l’inexactitude du mélange, dans lequel plusieurs molécules régulines ne sont pas assez enveloppées de nitre pour en être totalement décomposées ; pendant que d’un autre côté, ce sel en masse ne trouve point de phlogistique embrasé qui puisse lui procurer la détonation. Dans cette circonstance, l’alkali forme par la détonation imparfaite de l’antimoine, met une barriere entre le nitre & ce demi-métal : mais cet inconvénient sera moins considérable avec trois parties de nitre qu’avec deux, en supposant la même inexactitude dans le mélange, que l’on conseille cependant d’éviter. C’est encore pour la même raison que nous avons prescrit de remuer sans cesse la matiere dans le creuset : ce seroit peut-être assez de deux parties de nitre ; mais celui qui est en excès n’est pas perdu ; il se retrouve dans l’eau du lavage, dont on le sépare en évaporant & crystallisant.

Il résulte que la méthode des chimistes qui projettent l’antimoine crud en poudre sur le nitre, doit être proscrite.

Dans cette opération on employe un creuset large & à fond même presque plat, afin que la petite quantité de mélange qu’on y a mise, détonne à-la-fois, ou le plus promptement qu’il est possible, & sur-tout pour avoir la commodité de l’en retirer. On attend qu’il soit rouge, pour que la détonation se fasse sur le champ ; il seroit inutile d’y rien mettre avant ce tems. Le couvercle sert à le garantir de la chûte des charbons. On sait que ces sortes de corps portent avec eux un principe inflammable, qui ne manqueroit pas de réduire en régule une partie de chaux proportionnelle ; inconvénient diamétralement opposé aux fins qu’on se propose : il s’y trouve, à la vérité, du nitre qui pourroit le consumer ; mais il peut se faire aussi qu’il ne s’y en trouve point dans l’endroit où tombera la molécule de charbon : c’est pour la même raison qu’on ne garnit pas le creuset de charbons ardens au-dessus de ses bords.

La précaution de projetter par cuillerées, & d’attendre que la premiere soit détonnée avant que d’en projetter une seconde, a pour but de rendre la calcination plus lente & plus complete, & d’éviter

la perte de matiere que l’adhésion des vapeurs poussées par le feu ne manqueroit pas d’occasionner dans la méthode contraire. Cette perte d’ailleurs n’est pas le seul inconvénient qui soit la suite du choc des vapeurs ; il arrive encore qu’une molécule réguline poussée hors du creuset vers la fin de la détonation n’y retombe que quand elle est tout-à-fait cessée, & ne se calcine point-du-tout.

Si l’on ne suit pas les mêmes voies pour le foie de Rullandus (V. Antimoine), c’est qu’il n’y importe pas comme ici, que la chaux antimoniale soit absolue.

Un autre inconvénient qui résulte de la détonation d’une grande quantité de matiere à-la-fois, c’est que le feu y est si vif qu’il la vitrifie ; & ainsi au lieu d’une chaux d’antimoine bien divisée, qui est ce qu’on se propose, on auroit cette même chaux vitrifiée avec l’alkali fixe du nitre.

On attend que la matiere du creuset ait perdu à-peu-près son ignition, pour la jetter dans l’eau : sans cela elle éclabousseroit & feroit explosion ; parce que l’eau déjà chaude étant tout-à-coup frappée & mise en expansion par un corps embrasé, ne manqueroit pas de le faire sauter de toutes parts, au danger de l’artiste : c’est pour la même raison qu’on n’en jette dans l’eau que peu-à peu & aux bords de la terrine. Une petite quantité présente plus de surface à l’eau, à proportion de son volume ; & s’il arrive qu’elle soûleve l’eau qui la couvre, elle en fait moins jaillir aux bords de la terrine, où elle est moins profondément plongée.

La chaux de l’antimoine sortant du creuset est, abstraction faite de la grande quantité du tartre vitriole & de la petite portion du nitre, un alkali fixe rendu caustique par la chaux demi-métallique de l’antimoine. Voyez ci-dessous céruse d’antimoine. C’est à-dessein de lui enlever ces différens sels qu’on repete les lavages, & de favoriser par-là la division des molécules d’antimoine diaphorétique, que ces sels interposés tenoient unis par leur intermede. C’est encore pour la même raison qu’on sait ces sortes de lavages en grande eau ; car plus il y en a, plus les molécules ont dequoi s’étendre, & plus elles sont divisées ; sans compter que les sels en sont mieux dissous.

De huit onces d’antimoine & de vingt-quatre de nitre, Lemery a eu onze onces un gros d’antimoine diaphorétique : les calculs de Mender se trouvent à-peu-près les mêmes. Comme cette accrétion de poids vient, selon toute apparence, des débris des sels, au moins pour la plus grande partie, il n’est pas étonnant qu’on n’en retire pas autant de régule à proportion, si on réduit l’antimoine diaphoretique. Voyez Réduction.

Selon la doctrine commune des chimistes, si au lieu d’employer un creuset, on projette la matiere en de très-petites quantités dans une cornue de terre tubulée & rougie au feu, & laquelle on adapte plusieurs ballons enfilés dont le dernier est ouvert, les vapeurs noirâtres & épaisses dont nous avons parlé, passent dans les récipiens, & s’y condensent. On y trouve un antimoine diaphorétique très-divisé, & un phlegme legerement acide & alkali volatil, ainsi qu’on peut s’en convaincre par l’expérience : c’est la petite portion de l’acide nitreux, qui ayant été dégagée par l’acide vitriolique du soufre, est échappée à l’embrasement. Le phlegme est de l’acide vitriolique & de l’acide nitreux décomposés : ces vapeurs ainsi retenues reçoivent le nom de clyssus simple d’antimoine. Quelques auteurs prétendent aussi qu’il y a de l’acide vitriolique ; & en ce cas elles doivent prendre celui de clyssus composé, selon Mender.

On fait encore, selon Lemery, l’antimoine diaphorétique dans les vaisseaux fermés, en se servant d’un pot ou d’une cucurbite de terre, surmontée de trois aludels aussi de terre, & d’un chapiteau de ver-