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mome, qu’on appelle autrement graine de paradis, vous appercevrez d’abord une substance poisseuse noire, contenant une matiere blanche en forme radiée, semblable à du sel très-blanc ; & c’est aussi probablement un mélange de sel volatil & de concrétion farineuse, du-moins sa structure étoilée & son goût piquant favorisent cette opinion. Mais ce dont on ne peut douter, & qui est encore plus curieux, le centre de chaque graine est rempli d’un petit morceau de camphre parfait, le même, à tous égards, que celui de nos boutiques ; il est toûjours de la figure des bouteilles qui ont un ventre large & arrondi, avec un cou long & étroit.

La graine du grand érable, qu’on nomme improprement sycomore, présente au microscope un insecte qui a ses aîles étendues ; les aîles sont finement vasculaires, & les enveloppes couvertes d’un duvet blanc & soyeux contiennent une petite pelote ronde & compacte. Après avoir ôté la pellicule brune qui y est fermement attachée, on découvre une plante toute verte, singulierement repliée ; le pédicule a environ, , & chaque feuille séminale de pouce de longueur : les germes y sont de la plus grande perfection.

La poussiere des graines de la plûpart des pavots étant exposée au microscope, est transparente comme la graine même, & lui ressemble entierement.

La substance farineuse des féves, des pois, du froment, de l’orge, & autres grains, est enfermée dans de petites membranes qui sont comme autant de petits sacs percés de trous à-travers desquels on peut voir la lumiere, & qui paroissent des restes de vaisseaux coupés ; ensorte que probablement chaque particule de farine est nourrie par des vaisseaux dont on ne voit plus que des extrémités tronquées. Il est vraissemblable que toutes les graines farineuses sont formées de petits globules renfermés dans des membranes qui sont un amas de vaisseaux destinés à nourrir les divers globules qu’elles contiennent.

L’huile des amandes & de toutes les graines oléagineuses, est contenue dans de petits vaisseaux qui vûs au microscope, naissent des membranes dont ils font partie. Comme la substance oléagineuse reçoit son accroissement des vaisseaux qui sont dans les cellules, & que la plante se forme pendant le tems que la graine est en terre, les orifices sont formés de maniere à admettre le passage intérieur de l’humidité qu’ils attirent en eux pendant leur séjour en terre : ainsi la graine doit enfler successivement, & faire croitre la plante en grosseur, jusqu’à ce que la racine soit devenue capable de lui fournir par elle-même la nourriture de la terre.

Le lecteur trouvera un nombre infini d’autres belles choses de ce genre, recueillies & décrites exactement par le docteur Parsons, dans son ouvrage intitulé A microscopic theatre of seeds. Je le cite en anglois, car nous n’avons pas été encore assez curieux pour le traduire en notre langue. Je remarquerai seulement en faveur de ceux qui voudront s’attacher à ces sortes d’observations, qu’elles demandent beaucoup d’adresse dans la dissection, & que la plûpart des especes de graines doivent être préparées pour l’examen microscopique en les trempant dans l’eau chaude, jusqu’à ce que leurs enveloppes soient enlevées ; & alors, par exemple, leurs feuilles séminales peuvent être ouvertes sans déchirement.

Ce n’est pas au hasard ni pour la simple vûe qu’est fait l’appareil merveilleux des graines ; on sait aujourd’hui qu’il n’y a pas une seule plante dans le monde, grande, médiocre ou petite, qui puisse se produire sans graine, soit que la graine ait été mise dans les lieux mêmes où ces plantes naissent par la main du créateur ou de l’homme, soit qu’elle y ait

été portée d’ailleurs au-travers de l’air par les pluies ou par les vents : il est vrai qu’on a été long-tems à chercher sans succès les graines des plantes capillaires, de plusieurs especes de fucus, de plantes marines, de mousses, &c. mais l’industrie du xvij. & du xviij. siecle, a découvert les graines de la plûpart de ces plantes, & nous fait présumer que les autres n’en sont pas destituées.

Les graines de la fougere & des plantes capillaires, d’abord vûes par Cæsius, ont été pleinement démontrées par M. Guillaume Cole & par Swammerdam. Voyez Fougere. Les graines de quelques plantes marines ont été découvertes par le comte de Marsigli & par M. de Reaumur. Voyez l’histoire de l’académie des Sciences, années 1711 & 1712. Les graines de quelques especes de fucus ont été découvertes par M. Samuel Doody : celles de quelques coralloïdes, par le docteur Tancred Robinson ; celles de plusieurs fungus, & en particulier des truffes, des vesses-de-loup, & d’autres de ce genre, par le docteur Lister. Voyez les Transactions philosophiques.

Quand toutes ces découvertes n’existeroient pas, il suffit de considérer la structure admirable des plantes, pour juger qu’il est impossible qu’elle résulte du concours fortuit de quelques sucs diversement agités, & que ce concours fortuit produise régulierement dans chaque espece des plantes toûjours parfaitement semblables. Enfin Malpighi a prouvé par ses expériences, confirmées depuis par tous les Physiciens, qu’une terre qui ne reçoit aucune semence, ne produit rien : c’est donc une vérité de raisonnement & de fait, que toute plante vient d’une graine.

Arrêtons-nous ici quelques momens à considérer les différentes voies dont se sert la nature pour semer les graines des plantes aussitôt qu’elles sont mûres ; & c’est ce qu’elle exécute non-seulement en ouvrant la capsule où la graine est enfermée, mais aussi en donnant à la graine une structure convenable pour se répandre près ou loin. Or, 1°. les graines de plusieurs plantes qui demandent un terroir particulier, comme celles du pié-de-veau, du pavot, &c. sont assez pesantes & menues pour tomber droit en-bas & s’insinuer dans la terre, sans qu’elles ayent besoin d’autre secours : 2°. lorsqu’elles sont assez grosses & legeres pour pouvoir être enlevées par le vent, elles ont souvent un simple crochet comme la benoite, ou plusieurs petits crochets, qui les arrêtent & les empêchent d’être portées trop loin de leur place ; telles sont les graines de l’aigremoine & du grateron : 3°. il y a au contraire des semences garnies d’ailes ou de plumes, tant pour être dispersées par le vent, lorsqu’elles sont mûres, comme celles du frêne, qu’afin qu’elles puissent s’écarter sans tomber les unes sur les autres ; ainsi les graines de la dent de lion & la plûpart des graines à aigrettes, ont quantité de petites plumes longues qui les mettent en état de se répandre de tous côtés : 4°. il y a des graines, comme celle de l’oseille sauvage, qui sont dardées au loin avec force, par le secours d’une pellicule ou coque blanche, épaisse, tendineuse & élastique, qui étant desséchée se creve, & de cette maniere élance fortement la graine, comme dans la langue-de-cerf & la persicaire acre & siliqueuse ; toute la différence est que dans les unes le ressort se roule en-dedans, & dans les autres l’action se fait du dedans en-dehors.

Ainsi tantôt le créateur a renfermé les graines dans des capsules élastiques dont les ressorts les écartent à une distance convenable ; tantôt il a donné aux graines une espece de duvet ou d’aigrettes qui leur servent d’aîles pour être jettées par le vent ; & tantôt dans les graines legeres, il leur a mis des crochets pour empêcher d’être portées trop loin.

Telles sont les vûes constantes de la nature pour la conservation & la propagation des especes par le