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Le dégoût, l’agitation, l’inquiétude, l’action de l’animal qui se couche, se releve, & regarde sans cesse son flanc, & le battement plus ou moins violent de cette partie, en sont des signes fréquens, mais équivoques. Celui qui lui appartient essentiellement résulte de la présence d’une matiere visqueuse, épaisse & blanchâtre, qui se trouve mêlée avec les excrémens, & qui, sous la forme d’une espece de toile, en enveloppe & en coeffe, pour ainsi dire, les parties marronnées. C’est ce symptome univoque qui en a grossierement imposé, lorsque l’on s’est persuadé que cette humeur muqueuse & cette prétendue membrane ne sont autre chose que la graisse fondue, comme si le tube intestinal en étoit intérieurement & considérablement garni, & comme si, du tissu cellulaire du péritoine dans lequel elle est répandue, elle pouvoit en se fondant se frayer une route dans ce canal, & être dès-lors & par ce moyen évacuée avec la fiente.

Quiconque envisagera la maladie dont il s’agit sous l’aspect d’une affection inflammatoire du bas-ventre, & spécialement du mésentere & des intestins, concevra une juste idée de son génie & de son caractere. En effet si l’on suppose, ensuite d’un exercice outré & de l’extrème accélération du mouvement circulaire, une phlogose fixée plus particulierement, & à raison de certaines dispositions, sur les parties de l’abdomen : ou, si l’on imagine, ensuite d’un repos trop long & conséquemment à la stase des humeurs, un engorgement dans le tissu vasculeux de ces mêmes parties, nécessairement enflammées, dès que leurs fibres nerveuses tiraillées, ou dès que les humeurs stagnantes ayant acquis un degré d’acrimonie susciteront des oscillations plus fréquentes & plus fortes, & donneront lieu à une effervescence ; tous les signes qui caractérisent la gras-fondure, ne présenteront rien qui ait droit de surprendre ; & l’on verra sans peine comment le mucus, toûjours abondant dans les intestins qu’il lubréfie, & qui d’ailleurs est de la nature des sucs albumineux que la chaleur durcit, peut, dans un lieu que la main même du maréchal trouve brûlant, être parvenu au point de consistance qu’il a acquis, lorsqu’il est entraîné avec les crotins qu’il recouvre.

La phlogose qui se manifeste violemment dans la région abdominale est-elle universelle ? la gras-fondure sera jointe à la courbature, ou à quelque autre maladie aiguë. Les engorgemens qui ont lieu dans le tissu vasculeux dont j’ai parlé, sont-ils accompagnés de celui des vaisseaux lymphatiques des parties membraneuses qui enveloppent les articulations ? il y aura fourbure & gras-fondure en même tems. L’inflammation enfin est-elle très-legere & bornée seulement aux intestins ? les desordres qu’elle suscitera seront à peine sensibles.

Du reste c’est une erreur née de la fausse idée que l’on s’est formée de cette maladie, de croire que les chevaux chargés de graisse soient les seuls qui puissent y être exposés ; la masse des humeurs contenant en eux, il est vrai, une grande quantité de parties sulphureuses, est très-susceptible d’alkalisation & d’explosion ; mais d’une autre part, la force & la rigidité des solides dans les chevaux maigres ne les y rend pas moins sujets.

Lorsque la gras-fondure est simple, il est rare que les suites en soient funestes. Elle est aussi plus ou moins dangereuse, selon ses diverses complications ; elle cede néanmoins, dans tous les cas, à un traitement méthodique, pourvû que les secours qu’elle exige ne soient pas tardifs. Ce traitement méthodique consiste uniquement & en général, dans des saignées plus ou moins multipliées, dans l’administration d’un plus ou moins grand nombre de lavemens émolliens, & dans le soin de tenir exactement l’ani-

mal à un régime, humectant & délayant ; car on doit

absolument proscrire tous remedes cordiaux & purgatifs, capables d’enflammer, d’irriter encore davantage, & d’occasionner infailliblement la mort de l’animal. (e)

GRASSE ou GRACE, en latin Grinnicum, (Géog.) petite ville de France en Provence, avec un évêché suffragant d’Embrun. Elle est sur une montagne, à six lieues O. de Nice, cinq N. O. d’Antibes, vingt-six N. E. d’Aix. Longit. 24. 36. 5. lat. 43. 39. 25. (D. J.)

Grasse Bouline, (Marine.) Voyez Bouline.

GRASSEL, s. m. (Manége & Maréch.) Le grassel termine la portion de l’arriere-main, que je nomme la cuisse. Il occupe conséquemment la partie supérieure de celle que l’on doit appeller la jambe, suivant la nouvelle distinction que j’ai cru devoir faire, eu égard aux extrémités postérieures de l’animal. Voyez les élémens d’Hipp. vol. I.

Il est formé par un os d’une figure à-peu-près quarrée, désigné par le nom de rotule, qui se trouve sur l’éminence antérieure, lisse & polie de l’extrémité inférieure du fémur. Cet os est maintenu par les ligamens capsulaires de l’articulation qu’il recouvre, & par les tendons des muscles extenseurs de la jambe, qui s’y attachent avant de parvenir au tibia. Il fait l’office d’une poulie, en glissant lors de la contraction de ces muscles sur l’éminence dont j’ai parlé.

Les chevaux peuvent boiter du grassel. Voyez Effort. (e)

GRASSETTE, s. f. pinguicula (Hist. nat. botan.) genre de plante à fleur monopétale anomale, ouverte des deux côtés, mais ressemblante à la fleur de la violette, presque divisée en deux levres, & terminée par une sorte de queue. Il sort du calice un pistil qui passe dans la partie postérieure de la fleur, & qui devient un fruit ou une coque qui s’ouvre en deux pieces, & qui renferme de petites semences attachées à un placenta. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

GRASSEYEMENT, s. m. (Voix.) défaut de l’organe qui gâte la prononciation ordinaire, celle que nous desirons dans la déclamation & dans le chant, sur-tout dans celui du théatre. Voyez Grasseyer. On parle gras, on chante gras, lorsqu’on donne le son r comme si elle étoit précédée d’un c ou d’un g, & qu’on dit l comme si elle étoit un y, sur-tout quand elle est double. Ainsi le mot race dans la bouche de ceux qui grasseyent, sonne comme le mot grace ou trace dans celle des gens qui parlent ou chantent bien ; & au lieu de dire carillon, groseille, on prononce niaisement caryon, groseye. Voyez les articles B & L.

Le grasseyement sur les autres lettres de la langue sont au-moins aussi insupportables. Il y en a sur le c qu’on prononce comme s’il étoit un t. On a mis sur le théatre des personnages de ce genre qui y ont beaucoup grasseyé & fait rire. Il y a eu un motif raisonnable de ridiculiser ce défaut, rarement naturel, & qui presque toûjours n’est produit que par l’affectation ou la mignardise.

On a vû sur le théatre lyrique une jeune actrice qui auroit peut-être distrait les spectateurs de ce défaut, si sa voix avoit secondé son talent. Elle arriva un jour sur la scene par ce monologue qu’on eut la mal-adresse de lui faire chanter :

Déesse des amours, Vénus, daigne m’entendre,
Sois sensible aux soupirs de mon cœur amoureux.

Il est rare que dans les premiers ans on ne puisse pas corriger les enfans de ce vice de prononciation, qui ne vient presque jamais du défaut de l’organe : celui de r, par exemple, n’est formé que par un mouvement d’habitude qu’on donne aux cartilages de la gorge, & qui est poussé du dedans au-dehors. Ce