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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/916

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routes nouvelles, il a rapproché la gravure de son vrai point de vûe, qui est de rendre toutes sortes d’objets uniquement par l’ombre & la lumiere, en les opposant alternativement avec tant d’entente, qu’il en résulte le relief le plus séduisant.

Il envisagea son art comme la scene où les caracteres ne frappent point s’ils ne sont exagérés : il crut devoir s’abandonner à une impétuosité qui produit souvent un certain desordre dans le faire ; mais ce desordre ne peut rebuter que ceux dont les idées superficielles cherchent dans la gravure des travaux refroidis ; trop faits aux afféteries de nos modernes, ils sont insensibles aux beautés fortes du Rembrand. Elles doivent sans doute trouver de l’indulgence pour les négligences de détail qu’on remarque dans ses estampes, parmi lesquelles la piece où J. C. guérit les malades (piece connue sous le nom de cent florins, parce qu’il la vendoit ce prix-là, même de son vivant) prouve décidemment que cette maniere est susceptible du fini le plus flatteur.

Il seroit encore à souhaiter que ce célebre artiste se fût appliqué à varier ses productions ; les objets déjà si séduisans par le charme de son clair-obscur, en eussent été mieux caractérisés. Enfin Rembrand ne connut point l’élégance du Dessein ; fils d’un artisan, il modela ses pensées sur les objets qui meubloient sa chaumiere : trop heureux s’il eût adhéré aux idées judicieuses de son propre pere, qui remarquant en lui avec plaisir un esprit au-dessus de son âge, l’envoya étudier à Leyde ; mais il ne sut pas profiter de ce tems précieux où l’education pouvoit si bien corriger le vice du terroir ; son goût seroit insensiblement devenu délicat & correct ; ensuite considérant son art sous un autre coup-d’œil, il l’auroit embelli, comme l’Albane, des dépouilles de la Littérature. On a fait à Paris un catalogue raisonné de l’œuvre du Rembrand.

Romain de Hooge, hollandois, a terni ses talens par la corruption de son cœur ; on lui reproche encore l’incorrection du Dessein, & le goût des sujets allégoriques ou d’une satyre triviale.

Roullet, (Jean Louis) né à Arles en 1645, mort à Paris en 1699, se rendit à Rome pour y exercer la Gravure ; de retour en France, ses talens ne furent point oisifs. On loue ses ouvrages pour la correction du Dessein, la pureté, & l’élégance.

Sadeler, (Jean) né à Bruxelles en 1550, mort à Venise, fit, ainsi que son frere Raphaël, des ouvrages assez estimés ; mais ils eurent l’un & l’autre un neveu, Gilles Sadeler, qui les surpassa de loin par la sévérité du Dessein, par le goût & la netteté de son travail : les empereurs Rodolphe II. Matthias, & Ferdinand II. se l’attacherent par leurs bienfaits.

Saerdam, (Jean). Les estampes de ce maître sont goûtées de quelques curieux, mais la correction du Dessein manque à l’artiste.

Silvestre, (Israël) né à Nancy en 1621, & mort à Paris en 1691, devint célebre par le goût & l’intelligence qu’il a mis dans divers paysages & dans différentes vûes gravées de sa main. Louis XIV. occupa ses talens & les récompensa.

Simonneau, (Charles) né à Orléans vers l’an 1639, mourut à Paris en 1728. Après avoir été éleve de Noël Coypel dans le Dessein, il le devint de Château pour la Gravure, mais enfin il ne consulta plus que son génie : il grava le portrait, les figures, & des sujets d’histoire avec une grande vérité. Plusieurs vignettes de son invention peuvent aussi le mettre au rang des compositeurs ; mais il se distingua davantage par les médailles qu’il grava pour servir à l’histoire métallique de Louis XIV.

Spierre, (François) a fait des ouvrages rares & estimés ; son burin est gracieux, & les estampes de sa

composition prouvent ses talens. On estime fort la Vierge qu’il a gravée d’après le Correge.

Stella, (Mademoiselle) niece de Jacques Stella, peintre, a mis dans ses gravures beaucoup de goût & d’intelligence.

Suyderhoef, (Jonas) hollandois, s’est plus attaché à mettre dans ses productions un effet pittoresque & piquant, qu’à faire admirer la propreté & la délicatesse de son burin ; il a gravé plusieurs portraits d’après Rembrand. La plus considérable de ses estampes est celle de la paix de Munster, ou il a saisi le gout de Terburg, auteur du tableau original, dans lequel ce peintre a représenté près de soixante plénipotentiaires qui assisterent à la signature de cette paix.

Thomassin, pere & fils, graveurs françois, ont publié d’assez bons morceaux, sur-tout le fils ; on connoit sa mélancolie d’après le Féty, & c’est une estampe précieuse.

Vichem, allemand, est le plus célebre graveur en bois du dix-septieme siecle. On voit de ses gravures depuis 1607 jusqu’en 1670 ; il a manié la pointe à graver en bois avec une liberté & une hardiesse surprenantes.

Villamene, (François) italien, éleve d’Augustin Carrache, est recommandable par la correction de son dessein & par la propreté de son travail ; mais on lui reproche d’être trop maniéré dans ses contours.

Vosterman, (Lucas) graveur hollandois dont les estampes sont très-recherchées ; il a contribué à faire connoître le mérite de Rubens, & à multiplier ses belles compositions. On trouve dans les estampes de Vosterman une maniere expressive & beaucoup d’intelligence.

Warin, (Jean) graveur & sculpteur, natif de Liége en 1604, mort à Paris en 1672. Après avoir fait long-tems ses délices du Dessein, il s’exerça à la gravure, & y réussit parfaitement ; enfin il inventa des machines très-ingénieuses pour monnoyer les médailles qu’il avoit gravées. On connoît le sceau de l’académie françoise, où il a représenté le cardinal de Richelieu d’une maniere si ressemblante. Ce grand maître a encore gravé les poinçons des monnoies de France sous Louis XIII. & sous la minorité de Louis XIV. Je ne parle pas de quantité de belles médailles dont on lui est redevable, j’ajoûterai seulement qu’il travailloit à l’histoire métallique du roi quand il mourut.

Wischer, (Corneille) est le maître qui fait le plus d’honneur à la Hollande ; on ne peut guere graver avec plus de finesse, de force, d’esprit & de vérité. Son burin est en même tems le plus savant, le plus pur, & le plus gracieux ; ses desseins dénotent encore l’excellent artiste ; les estampes de son invention prouvent son goût & son génie. Louis & Jean Wischer se sont aussi distingués par les estampes qu’ils ont gravés d’après Berghem & Wouwermans, mais il est difficile d’atteindre à la supériorité de Corneille.

Il y a d’illustres graveurs qui vivent encore, dont nous ne pouvons parler, mais dont les ouvrages feront passer les noms à la postérité. (D. J.)

GRAVIER, s. m. voyez Arene.

Gravier, (Hist. nat.) On donne le nom de gravier à un amas prodigieux de petites pierres, & surtout de petits cailloux ; il ne differe du sable que parce que ses parties sont plus grossieres & moins homogenes que les siennes. Le gravier se trouve ordinairement sur le bord des rivieres & dans quelques endroits de la campagne, où il est répandu par couches qui varient infiniment pour l’étendue, la profondeur, & la nature des pierres qui le composent. En général pourtant le gravier, dans quelque endroit qu’il se trouve, semble toûjours y avoir été apporté