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couche dans un pot plein de terre, & fendu par un côté, afin d’y passer la branche & de l’attacher au gros de l’arbre, ou à quelqu’autre appui que ce soit. Le tems favorable à marcotter les grenadiers est le printems, pour qu’on puisse voir en automne si les marcottes ont pris racine, afin de les sevrer de leur mere branche, & de les planter ailleurs.

Les grenadiers se perpétuent aussi de bouture, & c’est une bonne méthode. Pour cet effet, on choisit les branches les plus droites & les plus unies, qu’on coupe à un pié de longueur ; avant que de les mettre en terre, on en ratisse un peu l’écorce par le bas l’espace de deux travers de doigt ; on rogne le haut, puis on les fiche dans quelque caisse ou pot rempli de terre convenable, & ensuite on les arrose. L’expérience a fait connoître qu’une branche de grenadier, accommodée de cette façon, prenoit aisément racine.

Le froid est l’ennemi mortel des grenadiers. Pour les en garantir, on met ceux qui sont en caisse dans une serre à l’épreuve de la gelée. A l’égard des grenadiers en pleine terre, on les conserve contre les rigueurs du froid, si on met à leur pié beaucoup de fumier, & si l’on couvre de paillassons toute la palissade.

Les grenadiers à fleur double, & qui ne donnent point de fruit, commencent à fleurir au mois de Mai, & durent en fleurs jusqu’en Août, pourvû qu’ils soient bien gouvernés. Les Anglois ont éprouvé que le grenadier à fruit, à fleur simple, & à fleur double, supportoient très-bien les hyvers de leur climat ; les uns les taillent en pomme, d’autres les mettent en espalier ou en treille, & d’autres préferent de les planter en haie, ou dans des bosquets pour les moins exposer à sentir la serpette & le ciseau.

Le grenadier nain d’Amérique que les habitans cultivent dans leurs jardins, parce qu’il porte des fleurs & des fruits la plus grande partie de l’année, s’éleve rarement au-dessus de trois piés, produit un fruit qui n’excede pas la grosseur d’une noix, & qui n’est pas trop bon à manger. Cet arbrisseau est fort délicat ; cependant il prospere à merveille, si on le tient constamment dans la serre avec les autres plantes du même pays, & à un degré de chaleur modéré. (D. J.)

Grenadier, s. m. (Art milit.) soldat d’élite, l’exemple & l’honneur de l’infanterie.

La création des grenadiers dans l’infanterie françoise est de l’année 1667. L’objet de leur institution étoit de se porter en avant pour escarmoucher & jetter des grenades parmi les troupes ennemies, afin d’y mettre le desordre au moment d’une action. C’est de ce service primitif qu’est dérivé leur nom. Les armés à la legere dans la légion romaine, & les ribauds dans les troupes de nos anciens rois, faisoient à-peu-près le même service que les grenadiers dans nos armées.

Toutes les puissances de l’Europe ont des grenadiers ; quelques princes en ont même des corps entiers. Nous n’examinerons ici ni leur forme, ni leur établissement ; notre objet est de faire connoître leur service dans les troupes de France.

Loüis XIV. en établit d’abord quatre par compagnie d’infanterie ; ils furent ensuite réunis, & formerent des compagnies particulieres, à l’exception de quelques régimens étrangers au service du Roi, qui les ont conservés jusqu’ici sur le pié de leur premiere distribution. Sa Majesté établit aussi en 1744 des compagnies de grenadiers dans chacun des bataillons de milice ; nous en parlerons à l’article Grenadiers royaux.

Le corps des grenadiers est le modele de la bravoure & de l’intrépidité. C’est dans ce corps redoutable que l’impétuosité guerriere, caractere distinctif du soldat françois, brille avec le plus d’éclat. No-

tre histoire militaire moderne fourmille de prodiges

dûs à sa valeur. Les grenadiers sont des dieux à la guerre. Ils joüissent de l’honneur dangereux de porter & de recevoir les premiers coups, & d’exécuter toutes les opérations périlleuses. Il y a constamment une compagnie de ces braves à la tête de chaque bataillon. Cette portion précieuse en est l’ame & le soûtien. Elle est composée des soldats les plus beaux, les plus lestes, & les plus valeureux, fournis par les autres compagnies du bataillon. Un soldat doit avoir servi plusieurs années en cette qualité, avant de pouvoir obtenir le titre de grenadier. En le recevant, il contracte l’obligation de servir pendant trois ans au-delà du terme de son engagement ; mais il lui est libre d’y renoncer pour se conserver le droit d’obtenir son congé absolu à l’expiration de son service.

Le grenadier joüit d’une paye plus forte que le soldat, & d’autres distinctions. Une des plus flateuses est de porter un sabre au lieu d’épée, & dans le partage du service, d’occuper toûjours les postes d’honneur.

On conçoit que ces troupes, si souvent, & trop souvent exposées, essuient de fréquentes pertes, & ont besoin de réparations. On y fait remplir provisoirement les places vacantes par des grenadiers postiches. Ces postiches sont des soldats aspirans au titre de grenadier, designés pour l’ordinaire par le suffrage des grenadiers même, sous les yeux desquels ils font leurs preuves de vertu guerriere ; ainsi le service des postiches est le séminaire des grenadiers. Voyez Grenadier Postiche. Un soldat pour être brave, n’est pas toûjours jugé digne d’être grenadier ; il doit encore être exempt de tout reproche du côté de l’honneur & de la probité. Après des épreuves suffisantes, les grenadiers postiches sont enfin associés au corps des grenadiers ; ils en prennent bien-tôt l’esprit, & en soûtiennent la réputation. Malheur à celui qui y porte atteinte par quelque action honteuse.

Il est sensible que chaque soldat choisi sur ce qu’il y a de meilleur pour entrer aux grenadiers, fait une plaie au corps du bataillon, & que par cette raison il seroit dangereux pour le service d’en multiplier trop l’espece. C’est aux maîtres de l’art à déterminer jusqu’à quel point ils peuvent être portés. On s’est fixé en France à une compagnie de quarante-cinq grenadiers par bataillon composé de 685 hommes.

C’est encore aux grands capitaines à décider la question, si dans une action on doit faire donner les grenadiers de prime-abord, à distinguer les cas où l’on doit faire mouvoir à-la-fois tous les ressorts de la machine, de ceux où l’on peut reserver l’effort des grenadiers.

Dans le relâchement de la discipline, on a vû ce corps conspirant sa ruine, ne respirer que le duel, & ne mesurer sa considération que sur la quantité qu’il versoit de son propre sang. Cette fureur destructive s’est enfin ralentie. Le grenadier aujourd’hui moins féroce, plus docile, & toûjours également brave, n’exerce plus ordinairement son courage que contre les ennemis de l’état. Nous devons cet heureux changement & beaucoup d’autres avantages, au rétablissement de notre discipline militaire ; époque glorieuse du ministere de M. le comte d’Argenson. Cet article est de M. Durival le jeune.

Grenadiers a cheval (Compagnie des). Cette compagnie fut créée par Loüis XIV. au mois de Décembre 1676, & unie à la maison du roi, sans néanmoins y avoir de rang, ni de service auprès de la personne de S. M. Elle fut tirée du corps des grenadiers, & composée de quatre-vingt-quatre maîtres, non compris les officiers, pour marcher & combattre à pié & à cheval à la tête de la maison du roi. Elle a soûtenu dans toutes les occasions la haute ré-