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astringent que ce remede ; il est bien préférable aux caustiques qui laissent le danger du renouvellement de l’hémorrhagie à la chûte de l’escharre ; mais celui-ci consolide le vaisseau après avoir arrêté le sang. Il faut avoir attention en levant l’appareil, de ne pas tirer de force ce médicament, s’il est adhérent au vaisseau : il faut au contraire en remettre qui soit un peu plus liquide, & attendre qu’il tombe de soi-même. Si quelque obstacle s’opposoit à l’application ou à l’effet de ce remede, il faudroit avoir recours à la ligature du vaisseau. Tel est le précis de la doctrine de Lanfranc sur les hémorrhagies ; il me semble que les modernes n’ont rien dit de mieux ; le médicament qu’il propose vulnéraire & astringent, est supérieur à l’agaric. La méthode de tenir le bout du doigt pendant un tems assez long sur l’orifice du vaisseau, est excellente, & il est certain qu’avec cette attention il y a effectivement peu d’hémorrhagies qu’on ne doive arrêter avec sécurité & succès. Personne n’a prescrit des précautions plus sages pour les pansemens ; dans les observations que l’auteur rapporte, on voit qu’il ne levoit l’appareil que le quatrieme jour, qu’il ne touchoit point au fond de la plaie, & qu’il attendoit de la nature, la chûte du médicament qui avoit arrêté le sang. L’on acquiert bien peu d’expérience dans le cours de la plus longue vie ; il faut se rendre propre celle de tous nos prédécesseurs, ils ont laissé des préceptes & des exemples admirables qui sont trop peu connus.

La pratique présente quelquefois des cas singuliers & imprévus, où la présence d’esprit du chirurgien devient une ressource capitale. On arrête assez facilement l’hémorrhagie qui suit l’extraction d’une dent, en remplissant l’alvéole de charpie brute, en faisant avec des compresses graduées un point d’appui suffisant que l’action des dents opposées contient avec force. Ce moyen s’est trouvé infidele dans un cas particulier, où la portion de l’os maxillaire qui forme la paroi de l’alvéole étoit éclaté. Feu M. Belloy eut recours à un morceau de cire pétrie entre les doigts, dont il mastiqua pour ainsi dire l’alvéole, & il parvint par ce moyen à arrêter une hémorrhagie menaçante qui n’avoit cedé à aucune des tentatives les plus approuvées. M. Foucou, très habile dentiste, a imaginé depuis une machine fort ingénieusement composée, pour embrasser l’arcade alvéolaire dans le cas d’hémorrhagie, après l’extraction d’une dent. Cet instrument est gravé dans le troisieme tome des mémoires de l’académie royale de Chirurgie.

S’il est difficile d’arrêter le sang dans un endroit favorable au succès de la compression, que n’a-t-on pas à craindre, lorsque l’hémorrhagie vient d’un vaisseau ouvert dans l’épaisseur d’une partie dépourvûe de point d’appui, & qui est dans un mouvement continuel ? M. Belloy a observé une hémorrhagie après l’opération de la paracenthese. En retirant la cannule du trois-quart, le sang jaillit par la plaie, comme d’une grosse veine ouverte avec la lancette. L’appareil fut bien-tôt imbibé de sang, & aucune compression ne put parvenir à l’arrêter ; il fallut introduire dans la plaie un petit fausset de cire qui eut quelques inconvéniens que n’avoit pas une bougie. Quoique cette hémorrhagie soit rare, il est bon d’être informé de sa possibilité, & du moyen d’y remédier, parce que des chirurgiens qui n’auroient pas le génie de l’invention dans une pareille circonstance, pourroient avoir la douleur de voir périr sous leurs yeux un malade, à l’occasion d’une opération qui devoit lui être salutaire. (Y)

HEMORRHOIDAL (flux), Medecine. d’αἷμα, sang, & de ῤέειν, fluer, couler. Ce terme, pris à la lettre, signifie en général un écoulement, une perte de sang, & se trouve par-là synonyme d’hémorrhagie :

mais l’usage en a fixé le sens, pour exprimer en particulier la tuméfaction des veines de l’anus ou de l’extrémité de l’intestin rectum, devenue variqueuses (ce qu’Hippocrate designe par les mots de κονδυλώδης αἱματῖτις) ou susceptibles par quelque cause que ce soit, d’être gorgées de sang, au point qu’elles s’ouvrent souvent, & qu’il en résulte effectivement un écoulement de sang, une hémorrhagie.

Les Anatomistes ont aussi appellé hémorrhoïdaux, les vaisseaux tant artériels que veineux, qui se distribuent au fondement, & qui portent le sang dans cette partie, où peuvent se former des tumeurs sanguines ou des flux de sang tels qu’il vient d’être dit.

Il y a deux arteres, comme deux veines hémorrhoïdales : l’artere hémorrhoïdale interne est un rameau de la mesentérique inférieure, qui rampe le long de l’intestin droit, & se termine au fondement : l’artere hémorrhoïdale externe vient de l’hipogastrique. Les veines hémorrhoïdales, qui sont ordinairement le siége des symptômes des hémorrhoïdes, sont distinguées en deux rameaux, dont l’un qui est aussi dit interne ou supérieur, appartient à la branche mesentérique de la veine-porte, & communique avec la branche splénique ; circonstance qui avoit donné lieu à l’erreur des anciens, qui croyent que c’est par ces vaisseaux que se dégorge l’artere dans les flux hémorrhoïdaux ; erreur qui a été reconnue par la découverte de la circulation du sang, & par la connoissance de son véritable cours acquise en conséquence : d’où il résulte, qu’il n’y a aucune influence directe de ce viscere sur les vaisseaux de l’anus. L’autre rameau des veines hémorrhoïdales, dites externes ou inférieures, se joint à la veine hypogastrique, qui s’insere à la veine-cave ; en sorte que l’origine des vaisseaux qui se distribuent à l’intestin rectum, répond à ses différentes connexions, savoir au mesocolon & à l’os sacrum.

De cette distribution de vaisseaux il s’ensuit, qu’une partie de ceux de l’intestin rectum & du cou de la matrice ayant la même origine, communiquent entre eux par ce moyen ; (voyez Matrice.) ce qui peut servir à rendre raison, pourquoi le flux hémorrhoïdal est souvent un supplément au flux menstruel, (voyez Menstrues.) & pourquoi les douleurs hémorrhoïdales s’étendent souvent aux parties génitales.

Il y a différentes sortes d’hémorrhoïdes : on distingue principalement celles qui restent fermées, d’avec celles qui sont ouvertes. Celles-là sont aussi appellées aveugles, cæcæ, parce que la tumeur hémorrhoïdale qui forme comme un œil, n’est point ouverte ; & furentes, comme furieuses, lorsque dans ce cas elles sont accompagnées de beaucoup de douleur. On distingue encore les hémorrhoïdes en internes & en externes, selon qu’elles ont leur siége au-dehors ou au-dedans du fondement. Elles sont aussi dites critiques, lorsqu’elles sont l’effet des efforts salutaires de la nature, ce qu’on appelle vulgairement & assez à propos un bénéfice de nature, quand elles sont spontanées : on les nomme symptomatiques, lorsqu’elles naissent d’une maniere pernicieuse, & qu’elles sont la suite de quelque vice dans les visceres du bas-ventre ou de la partie affectée.

Les hommes sont plus sujets que les femmes aux hémorrhoïdes, sur-tout considérées comme critiques ; parce que le besoin de ce flux de sang est suppléé dans celles-ci par les menstrues : c’est aussi comme critiques principalement, que l’on observe que les hémorrhoïdes sont plus fréquentes dans les climats chauds, que dans les froids. Il est encore à remarquer qu’elles surviennent plus communément aux adultes, entre la jeunesse & la vieillesse, que dans