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Juifs s’en sont servis, & que ces derniers s’en servent encore, aussi-bien que les Turcs. On les appelle aussi heures planétaires, à cause que les Astrologues prétendent que chaque heure est dominée par une nouvelle planette ; & que le jour reçoit son nom de celle qui domine à la premiere heure, comme la lune au lundi, Mars au mardi, &c. Par exemple, le jour du soleil, c’est-à-dire le dimanche, la premiere heure que l’on compte au lever du soleil, est attribuée au soleil lui-même, & en prend le nom ; la suivante prend celui de Venus, la suivante de Mercure, ensuite de la lune, de Jupiter, de Saturne & de Mars, d’où il arrive que le jour suivant la premiere heure au lever du soleil tombe sur l’heure de la lune ; la premiere du jour d’après tombe sur l’heure de Mars, & ainsi de suite jusqu’à la fin de la semaine.

Les heures italiques sont des heures égales, que l’on commence à compter depuis le coucher du soleil.

Heures inégales, c’est la douzieme partie du jour, & aussi la douzieme partie de la nuit. L’obliquité de la sphere les rend plus ou moins inégales en différens tems ; & elles ne conviennent avec les heures égales comme les heures judaïques, qu’au tems des équinoxes.

Après les définitions que nous venons de donner des différentes heures, il est très-facile de les réduire les unes aux autres, & nous ne croyons pas qu’un plus grand détail soit nécessaire sur ce sujet. Voyez la Chronologie de Wolf, chap. j. d’où cet article est extrait en partie. Harris & Chambers. (G)

On connoît l’heure sur la terre ferme par le moyen des pendules & des montres. On peut se servir en mer pour le même objet, du second de ces instrumens, le premier étant sujet à trop de dérangemens par le mouvement du vaisseau. Mais faute de montres, on peut trouver aisément l’heure par un calcul fort simple. Connoissant la latitude du lieu où l’on est (Voy. Latitude.), & la déclinaison du soleil (Voyez Déclinaison), on observe la hauteur du soleil à l’heure qu’on cherche, & par la trigonométrie sphérique, on conclut aisément l’heure qu’il est. Voyez le traité de Navigation de M. Bouguer, p. 262 & suiv. où vous trouverez un plus grand détail sur ce sujet. (O)

Heures, (Théologie.) signifie certaines prieres que l’on fait dans l’église dans des tems réglés, comme matines, laudes, vêpres, &c. Voyez Matines.

Les petites heures sont prime, tierce, sexte & none. On les appelle ainsi à cause qu’elles doivent être récitées à certaines heures, suivant les regles & canons prescrits par l’Église, en l’honneur des mysteres qui ont été accomplis à ces heures-là. Ces heures s’appelloient autrefois le cours, cursus. Le P. Mabillon a fait une dissertation sur ces heures, qu’il a intitulée de Cursu Gallicano.

La premiere constitution qui se trouve touchant l’obligation des heures, est le vingt-quatrieme article du capitulaire qu’Heiton ou Aiton, évêque de Basle au commencement du ix. siecle, fit pour ses cures. Il porte que les prêtres ne manqueront jamais aux heures canoniales, ni du jour ni de la nuit.

Les prieres des quarante heures sont des prieres publiques & continuelles que l’on fait pendant trois jours devant le saint Sacrement, pour implorer le secours du ciel dans des occasions importantes. On a soin pendant ces trois jours que le saint Sacrement soit exposé quarante heures, c’est-à-dire treize ou quatorze heures chaque jour.

Heures, (Mythol.) en grec Ὧραι, filles de Jupiter & de Thémis, selon Hesiode, qui en compte trois, Eunomie, Dicé, & Irene, c’est-à-dire, le bon ordre, la justice, & la paix. Apparemment que cette fiction signifioit que l’usage bien fait des heures reglées, entretient les lois, la justice, & la concorde.

Homere nomme les heures les portieres du ciel, & nous décrit ainsi leurs fonctions : « Le soin des portes du ciel est commis aux heures ; elles veillent depuis le commencement des tems à la garde du palais de Jupiter ; & lorsqu’il faut ouvrir ou fermer ces portes d’éternelle durée, elles écartent ou rapprochent sans peine le nuage épais qui leur sert de barriere ».

Le poëte entend par le ciel, cette grande région de l’espace éthéré, que les saisons semblent gouverner ; elles ouvrent le ciel, quand elles dissipent les nuages ; & elles le ferment, lorsque les exhalaisons de la terre se condensent en nuées, & nous cachent la vûe du soleil & des astres.

La Mythologie greque ne reconnut d’abord que les trois heures, dont nous avons donné les noms, parce qu’il n’y avoit que trois saisons, le printems, l’été, & l’hiver ; ensuite quand on leur ajoûta l’autonne & le solstice d’hiver, ou sa partie la plus froide, la Mythologie créa deux nouvelles heures, qu’elle appella Carpo, & Thalatte, & elle les établit pour veiller aux fruits & aux fleurs ; enfin, quand les Grecs partagerent le jour en douze parties égales, les Poëtes multiplierent le nombre des heures jusqu’à douze, toutes au service de Jupiter, & les nommerent les douze sœurs, nées gardiennes des barrieres du ciel, pour les ouvrir & les fermer à leur gré ; ils leur commirent aussi le soin de ramener Adonis de l’Achéron, & le rendre à Vénus.

Les mêmes poëtes donnerent encore aux heures, l’intendance de l’éducation de Junon ; & dans quelques statues de cette déesse, on représente les heures au-dessous de sa tête.

Elles étoient reconnues pour des divinités dans la ville d’Athènes, où elles avoient un temple bâti en leur honneur par Amphiction. Les Athéniens, selon Athénée, leur offroient des sacrifices, dans lesquels ils faisoient bouillir la viande au lieu de la rotir ; ils adressoient des vœux à ces déesses, & les prioient de leur donner une chaleur moderée, afin qu’avec le secours des pluies, les fruits de la terre vinssent plus doucement à maturité.

Les modernes représentent ordinairement les heures accompagnées de Thémis soûtenant des cadrans ou des horloges.

Le mot ὧραι, designoit anciennement chez les Grecs les saisons ; ensuite, après l’invention des cadrans solaires, le même terme se prit aussi pour signifier la mesure du tems que nous nommons heure. Voyez Heure. (D. J.)

HEUREUX, HEUREUSE, HEUREUSEMENT, (Grammaire, Morale.) ce mot vient évidemment d’heur, dont heure est l’origine. De-là ces anciennes expressions, à la bonne heure, à la mal’heure, car nos peres qui n’avoient pour toute philosophie que quelques préjugés des nations plus anciennes, admettoient des heures favorables & funestes.

On pourroit, en voyant que le bonheur n’étoit autrefois qu’une heure fortunée, faire plus d’honneur aux anciens qu’ils ne méritent, & conclure de-là qu’ils regardoient le bonheur comme une chose passagere, telle qu’elle est en effet.

Ce qu’on appelle bonheur, est une idée abstraite, composée de quelques idées de plaisir ; car qui n’a qu’un moment de plaisir n’est point un homme heureux ; de même qu’un moment de douleur ne fait point un homme malheureux. Le plaisir est plus rapide que le bonheur, & le bonheur plus passager que la félicité. Quand on dit je suis heureux dans ce moment, on abuse du mot, & cela ne veut dire que j’ai du plaisir : quand on a des plaisirs un peu répétés, on peut dans cette espace de tems se dire heureux ; quand ce bonheur dure un peu plus, c’est un