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par ce qu’elles étoient lorsque Huyghens les imagina. Les premieres horloges à pendule qui furent faites sur ces principes alloient 30 heures avec un poids de six livres, dont la descente étoit de cinq piés ; & je viens d’en terminer une qui va un an avec un poids qui pese deux livres, & dont la descente est de cinq piés.

Au reste cette perfection que l’Horlogerie a acquise n’a rien changé aux principes, même depuis cent ans ; ainsi le pendule est encore le meilleur régulateur des horloges, qu’on nomme aussi pendules, & le balancier gouverné par le spiral est le meilleur régulateur des montres.

Jusques à Huyghens l’Horlogerie pouvoit être considérée comme un art méchanique qui n’exigeoit que de la main d’œuvre ; mais l’application qu’il fit de la Géométrie & de la Méchanique pour ses découvertes, ont fait de cet art une science où la main-d’œuvre n’est plus que l’accessoire, & dont la partie principale est la théorie du mouvement des corps qui comprend ce que la Géométrie, le calcul, la Méchanique & la Physique ont de plus sublime.

La grande précision avec laquelle le pendule divise le tems, facilita & donna lieu à de bonnes observations ; ce qui fit appliquer des nouvelles divisions aux machines qui mesurent le tems. On divisa donc la 24e partie du jour, c’est-à-dire l’heure, en 60 parties, qu’on appelle minutes. La minute en 60 parties que l’on nomme secondes, & la seconde en 60 parties que l’on nomme tierces, & ainsi de suite. Ainsi la révolution journaliere du soleil d’abord divisée en 24 parties, l’est maintenant en 86400 secondes que l’on peut compter. On commença de faire d’après ces divisions, des horloges ou pendules qui marquerent les minutes & secondes ; pour cet effet on disposa ces machines de maniere que tandis que la roue qui porte l’aiguille des heures, fait un tour en 12 heures, une autre roue fait un tour par heure ; celle-ci porte une aiguille qui marque les minutes sur un cercle du cadran qui est divisé en 60 parties égales, dont chacune répond à une minute, & les 60 divisions à une heure. Enfin, pour faire marquer les secondes, on disposa la machine de maniere qu’une de ses roues fit un tour en une minute : l’axe de cette roue porte une aiguille qui marque les secondes sur un cercle divisé en 60 parties, dont chacune répond à une seconde, & les 60 à une minute ; on ajoûta de même ces sortes de divisions aux montres.

Dès que l’on fut ainsi parvenu à avoir des machines propres à diviser & à marquer exactement les parties du tems, les artistes Horlogers imaginerent à l’envi différens méchanismes, comme les pendules à réveils, celles qui marquent les quantiemes du mois, les jours de la semaine, les années, les quantiemes & phases de la lune, le lever & le coucher du soleil, les années bissextiles, &c. Mais parmi toutes les additions que l’on a faites aux pendules & aux montres, il y en a entr’autres deux qui sont très-ingénieuses & utiles : la premiere est la répétition, cette machine soit montre ou pendule, au moyen de laquelle on sait les heures & les quarts à tous les momens du jour ou de la nuit. La seconde est l’invention des pendules & des montres à équation. Pour connoître le mérite de ces sortes d’ouvrages, il faut savoir que les Astronomes ont découvert après bien des observations, que les révolutions journalieres du soleil ne se font pas tous les jours dans le même tems, c’est-à-dire, le tems compris depuis le midi d’un jour au suivant, n’est pas toûjours le même, mais qu’il est plus grand dans certains jours de l’année, & plus court en d’autres.

Or le tems mesuré par les pendules étant uniforme par sa nature, il arrive que ces machines ne peuvent suivre naturellement les écarts du soleil. On a donc imaginé un méchanisme qui est tel que tandis que l’aiguille des minutes de la pendule tourne d’un mouvement uniforme, une seconde aiguille des minutes suit les variations du soleil. Enfin, les plus belles machines que l’Horlogerie ait produites jusques ici sont, les spheres mouvantes & les planispheres.

On appelle sphere mouvante, une machine tellement disposée, qu’elle indique & imite à chaque moment la situation des planetes dans le ciel, le lieu du soleil, le mouvement de la lune, les éclipses : en un mot, elle représente en petit le système de notre monde. Ainsi, selon le dernier système reçû par les Astronomes, on place le soleil au centre de cette machine, qui représente la sphere du monde. Autour du soleil, tourne mercure ; ensuite sur un plus grand cercle on voit vénus, puis la terre avec sa lune ; après elle mars, ensuite jupiter avec ses quatre satellites, & enfin saturne avec ses cinq satellites ou petites lunes ; chaque planete est portée par un cercle concentrique au soleil ; ces différens cercles sont mis en mouvement par des roues de l’horloge, lesquelles sont cachées dans l’intérieur de la machine. Chaque planete employe & imite parfaitement dans la machine le tems de la révolution que les Astronomes ont déterminé ; ainsi mercure tourne autour du soleil en 88 jours, vénus en 224 jours 7 heures, la terre en 365 jours 5 heures 49 minutes 12 secondes. La lune fait sa révolution autour de la terre en 29 jours 12 heures 44 minutes 3 secondes ; mars en un an 321 jours 18 heures, jupiter en onze ans 316 jours, & saturne en 29 ans 155 jours 18 heures. La sphere mouvante n’est pas d’invention moderne, puisque Archimede qui vivoit il y a deux mille ans, en avoit composé & fait une qui imitoit les mouvemens des astres. On a fait dans ces derniers tems plusieurs spheres mouvantes ; mais la plus parfaite dont on ait connoissance, est celle qui est placée à Versailles, laquelle a été calculée par M. Passement, & exécutée par d’Authiau.

On a aussi composé des pendules qui marquent & indiquent le mouvement des planetes, comme le fait la sphere ; mais avec cette différence, que dans les machines qu’on nomme planispheres, les révolutions des planetes sont marquées sur un même plan par des ouvertures faites au cadran sous lequel tournent les roues qui représentent les mouvemens célestes.

On a ainsi enrichi l’Horlogerie d’un grand nombre d’inventions qu’il seroit trop long de rapporter ici ; on peut consulter les ouvrages d’Horlogerie, comme le traité de M. Thiout, du P. Alexandre, & de le Paute ; on trouvera sur-tout dans le livre de M. Thiout un grand nombre de machines très ingénieusement imaginées pour parvenir à exécuter aisément toutes les parties qui composent la main-d’œuvre ; il y a d’ailleurs toutes sortes de pieces : cet ouvrage est proprement un recueil de machines d’Horlogerie.

On voit par ce qui précede une partie des objets que l’Horlogerie embrasse ; on peut juger par leur étendue combien il faut réunir de connoissances pour posséder cette science.

L’Horlogerie étant la science du mouvement, cet art exige que ceux qui le professent connoissent les lois du mouvement des corps ; qu’ils soient bons géometres, méchaniciens, physiciens ; qu’ils possedent le calcul, & soient nés non seulement avec le génie propre à saisir l’esprit des principes, mais encore avec les talens de les appliquer.