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anciennes horloges, que celles-ci étoient au-dessus des clepsydres & horloges d’eau.

Huyghens ayant appliqué le pendule aux horloges, s’apperçut que les vibrations par les grands arcs du pendule étoient d’une plus grande durée que les vibrations par les petits arcs, & que par conséquent l’action du poids sur le pendule venant à diminuer lorsque les frottemens des roues seroient augmentés & les huiles épaissies, il arriveroit nécessairement que l’horloge avanceroit. Pour parer cette difficulté, il chercha les moyens de rendre les oscillations du pendule isochrones ou égales en durée, quelle que fut l’étendue des arcs ; pour cet effet, il découvrit par ses recherches la propriété d’une courbe, qu’on appelle la cycloïde, laquelle est telle que si on laisse tomber un corps de différentes hauteurs de cette courbe, la descente du corps se fait toûjours dans le même tems : il appliqua donc à l’endroit où le fil, qui suspend le pendule, est attaché, deux lames pliées en cycloïde entre lesquelles le fil passoit ; ensorte qu’à mesure que le pendule décrivoit des plus grands arcs, & qu’il auroit dû faire l’oscillation en un plus grand tems, à mesure aussi le pendule s’accourcissoit, & son mouvement devenoit plus accéleré ; & tellement que soit que le pendule décrivît des plus grands ou des plus petits arcs, le tems des oscillations étoient toûjours le même. Quoique le succès n’ait pas répondu à cette théorie, elle n’en est pas moins admirable, & c’est à elle que nous devons la perfection actuelle de nos pendules ; car, malgré que l’on ne fasse plus usage de la cycloïde, c’est de cette théorie que nous avons appris que les petits arcs de cercle ne different pas sensiblement des petits arcs de cycloïdes ; & qu’ainsi en faisant parcourir de petits arcs au pendule, les tems des vibrations ne changeront qu’infiniment peu, quoique la force motrice changeât au point d’en doubler l’étendue.

Le pendule circulaire, que l’on appelle piroüette, est encore de l’invention de M. Huyghens. Ce pendule au lieu de faire ses oscillations dans un même plan, décrit au contraire un cone ; & tourne toûjours du même côté, y étant obligé par l’action des roues. Ce pendule est tellement composé qu’il peut parcourir de plus grands ou de plus petits arcs, selon que la force motrice agit plus ou moins, ensorte que les tours que ce pendule trace dans l’air, ont des bases plus grandes ou plus petites, selon l’inégalité de la force motrice ; mais quoique le pendule décrive ainsi des cones inégaux, cela ne change point les tems des révolutions du pendule ; car, soit que la force motrice soit foible, & que la force centrifuge du pendule lui fasse décrire un petit cône, ou soit que la force motrice venant à augmenter, la force centrifuge du pendule lui fasse alors parcourir un plus grand cercle, le tems des révolutions est toûjours le même ; ce qui dépend de la propriété d’une certaine courbe, sur laquelle s’applique le fil qui porte le pendule. Cet isochronisme des révolutions du pendule est fondé sur une théorie qui m’a toûjours paru admirable, ainsi que celle de la cycloïde ; & quoique l’on ne fasse usage de l’une ni de l’autre méthode, on ne doit pas moins essayer d’en suivre l’esprit dans les machines qui mesurent le tems, toute leur justesse ne pouvant être fondée que sur l’isochronisme des vibrations du régulateur quel qu’il soit : ces inventions furent contestées à Huyghens, comme il le dit lui-même au commencement de son livre intitulé, de horlogio oscillatorio. Je rapporterai ses propres paroles.

« Personne ne peut nier qu’il y a seize ans qu’on n’avoit soit par écrit, soit par tradition, aucune connoissance de l’application du pendule aux horloges, encore moins de la cycloïde dont je ne

sache pas que personne me conteste l’addition.

» Or il y a seize ans actuellement (en 1658) que j’ai publié un ouvrage sur cette matiere ; donc la date de l’impression differe de sept années celle des écrits où cette invention est attribuée à d’autres ; quant à ceux qui cherchent à en attribuer l’honneur à Galilée, les uns disent qu’il paroît que ce grand homme avoit tourné ces recherches de ce côté ; mais ils font plus, ce me semble, pour moi que pour lui, en avouant tacitement qu’il a eu dans ses recherches moins de succès que moi. D’autres vont plus loin, & prétendent que Galilée ou son fils a effectivement appliqué le pendule aux horloges ; mais quelle vraissemblance y a-t-il qu’une découverte aussi utile, non-seulement n’eût point été publiée dans le tems même où elle a été faite, mais qu’on eût attendu pour la revendiquer huit ans après la publication de mon ouvrage ? dira-t-on que Galilée pouvoit avoir quelque raison particuliere pour garder le silence pendant quelque tems ? Dans ce cas, il n’est point de découvertes qu’on ne puisse contester à son auteur »…

L’application de la cycloïde aux horloges, toute admirable qu’elle est dans la théorie, n’a pas eu le succès que M. Huyghens s’en étoit promis ; la difficulté de tracer exactement une telle courbe a dû y contribuer ; mais la principale cause dépend de ce qu’elle exigeoit que le pendule fût suspendu par un fil flexible ; or ce fil étoit susceptible des effets de l’humidité & de la sécheresse ; & d’ailleurs il ne pouvoit supporter qu’une lentille legere, qui parcourant de grands arcs, éprouvoit une grande résistance de l’air, ses surfaces étant d’autant plus grandes, que les corps sont plus petits. Or cette lentille devenoit sujette par ces raisons à causer des variations à l’horloge, & d’autant plus que la force motrice, soit le poids qui entretient le mouvement de la machine, devenoit plus grand, ce qui produisoit des frottemens. D’ailleurs toute la théorie de la cycloïde portoit sur les oscillations du pendule libre, c’est-à-dire, qui fait ses oscillations indépendamment de l’action réitérée d’un rouage. Or un tel pendule ne peut servir que pendant quelques heures à mesurer le tems ; & lorsqu’il est appliqué à l’horloge, ses oscillations sont troublées par la pression de l’échappement qui en entretient le mouvement ; ensorte que, selon la nature de l’échappement, c’est-à-dire, que selon que l’échappement est à repos ou à recul, les oscillations se font plus vîte ou plus lentement, comme nous le ferons voir. Aussi a-t-on abandonné depuis la cycloïde, qui a cependant produit une grande perfection aux horloges à pendules, c’est de nous apprendre que les petits arcs de cercles ne different pas sensiblement des petites portions de cycloïde ; ensorte qu’en faisant décrire au pendule de petits arcs, les oscillations en seroient isochrones, quoique les arcs décrits par le pendule vinssent à augmenter ou à diminuer par le changement de la force motrice.

Le docteur Hook fut le premier en Angleterre qui fit usage des petits arcs ; ce qui donna la facilité de faire en même tems usage des lentilles pesantes. Le sieur Clément, horloger de Londres, fit dans le même tems des pendules qui décrivoient de petits arcs avec des lentilles pesantes. Ce principe a été suivi depuis ce tems par tous les horlogers qui ont aimé à faire de bonnes machines. M. le Bon à Paris, a été un des premiers qui en ait fait usage ; il fit même des lentilles pesant environ 50 à 60 livres ; c’est le même système qu’a suivi de nos jours M. Rivaz.

On peut juger de la perfection où on a porté la construction & l’exécution des pendules astronomiques,