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spécifique éprouvé contre l’épilepsie. Si cette vertu est confirmée par des observations décisives, ces observations ne sont pas encore publiques. Les quatre autres s’emploient extérieurement, quoiqu’assez rarement, à titre de très-puissant résolutif. L’huile de cade est retirée de l’oxycedre, ou grand genevrier. Voyez Genevrier, (Chimie & Mat. méd.) L’huile des philosophes, ou de briques, de l’huile d’olive. Voyez Olive.

Rapport (habitus) des huiles en général avec quelques autres substances.

L’huile est immiscible à l’eau, aux sels neutres & aux acides végétaux & animaux vulgaires, tels que le tartre, le vinaigre & l’esprit de fourmi ; aux sucs aqueux végétaux, à la gomme, au mucilage, au corps doux (excepté qu’il ne soit dans un état éminemment concret, comme le sucre), à la lymphe & à la gelée animale.

L’huile est miscible au soufre, aux baumes, aux résines, aux graisses, aux bitumes, au phosphore de Kunckel ; elle s’unit au sucre & au jaune d’œuf, & devient miscible aux liqueurs aqueuses par l’intermede de ces substances ; elle dissout le cuivre & le plomb, principalement les chaux de ces métaux, & sur-tout celles de plomb ; elle se combine avec les sels alkalis sous la forme de savon. Voyez Savon. Les acides minéraux agissent puissamment sur elle, principalement le vitriolique & le nitreux ; car l’acide du sel marin les attaque à peine, du moins dans les mélanges ordinaires. L’acide vitriolique, médiocrement concentré & aidé d’une foible chaleur, se combine avec l’huile la plus pure, c’est-à-dire l’huile essentielle, ou l’huile empyreumatique rectifiée. Ce mélange produit un corps concret de nature résineuse, & d’un rouge brun plus ou moins foncé. L’acide vitriolique concentré éprouve même à froid avec la même huile une violente effervescence, accompagnée d’épaisses fumées & de chaleur considérable, & se combine avec en un corps noirâtre, résineux, cassant. L’effervescence est plus prompte & plus violente, si on a exposé le mélange à l’action du feu. Voyez Résine artificielle à l’article Résine. L’acide nitreux produit avec l’huile dans les mêmes circonstances des effets semblables. Le phénomene le plus remarquable de l’action mutuelle des acides vitrioliques ou nitreux, & des huiles, c’est l’inflammation spontanée, ou excitée sans le concours d’aucune chaleur étrangere. Ce phénomene singulier mérite d’être considéré avec quelque détail.

Inflammation des huiles. Les expériences successives de Glauber, de Beccher, de Borrichius, de Boyle, de Tournefort, de Homberg, de Rouviere, de François Hoffman, de Geoffroy le cadet, & enfin de M. Rouelle, nous ont appris que toutes les huiles sans exception, aussi bien que les baumes liquides, étoient inflammables lorsqu’on les mêloit à froid au double de leur poids d’un acide, composé de parties égales d’esprit de nitre bien concentré, & d’huile de vitriol.

Ces proportions varient dans les expériences de ces auteurs. Ils augmentent la dose de l’acide composé, & la proportion de l’acide nitreux dans l’acide composé à mesure que l’huile, mise en expérience, est plus difficile à enflammer. La proportion que nous venons d’assigner est pourtant assez géneralement efficace ; car les huiles d’une médiocre inflammabilité prennent feu mêlées à partie égale d’acide nitreux, & à une demi-partie d’acide vitriolique.

Cet acide composé est l’instrument général de l’inflammation de toutes les huiles, & des substances éminemment huileuses, telles que les baumes liquides ; mais il n’est nécessaire que pour produire ce phénomene dans les plus rebelles de ces substances.

Beccher a dit (Physica subterranea, sect. V, cap. iij, n°. 106.) que l’huile de vitriol & l’esprit de vin, l’un & l’autre très-rectifiés, prenoient feu dès l’instant qu’ils étoient mêlés ; & même que si on éteignoit ce feu en bouchant le vaisseau qui contenoit le mélange, il se rallumoit dès qu’on le débouchoit. Homberg assure avoir enflammé par l’huile de vitriol déphlegmée autant qu’il est possible, l’huile de térébenthine, épaisse comme du syrop, & de couleur rousse, qui passe la derniere dans la distillation. Mém. de l’Acad. royale des Scien. 1701. Borrichius rapporte, Acta medica & philosophica Hafnienasium ann. 1761. que l’esprit de nitre récent enflamme l’huile de térébenthine nouvellement tirée.

L’inflammation de l’esprit-de-vin par l’huile de vitriol est aujourd’hui généralement contestée ; & beaucoup de chimistes doutent de celle de l’huile épaisse de térébenthine par l’acide du vitriol seul.

Tous les chimistes qui avoient répété le procédé de Borrichius, l’avoient fait sans succès, lorsqu’enfin M. Rouelle publia en 1747, dans les Mémoires de l’académie des Sciences, des expériences, par lesquelles non-seulement il prouve la réalité du phénomene annoncé par Borrichius, mais même fixe le succès de cette expérience par un manuel fondé sur des observations très-ingénieuses, & sur la meilleure théorie chimique. Ce manuel consiste à appliquer à un charbon rare, spongieux, sec, embrasé, qui s’éleve au sein du mélange pendant la plus vive effervescence, quelques gouttes d’acide nitreux. Cette application se fait quelquefois par hasard, & presque toûjours dans les huiles les plus propres à s’enflammer ; & alors l’inflammation se fait d’elle-même : c’est pour cela que les arbitres, qui n’avoient découvert ni cette cause ni le moyen de l’appliquer a volonté, ont réussi assez constamment sur les huiles de cette derniere classe.

Nous avons déja parlé plusieurs fois d’une différence observée entre les différentes huiles, relativement à des degrés d’inflammabilité. Les éminemment inflammables sont les huiles essentielles pesantes, denses, des substances végétales aromatiques des Indes ; certaines huiles empyreumatiques, & les baumes liquides viennent ensuite ; les huiles essentielles très-subtiles, telles que l’huile de térébenthine, de cédra, de lavande, sont plus difficiles à s’enflammer que toutes les précédentes ; enfin, les plus difficiles absolument, les plus difficiles de toutes les huiles, sont les huiles par expression ; & les éminemment difficiles dans cette classe, sont les plus douces ou les plus mucilagineuses, telles que celles d’amandes douces, d’olive, de fêne & de navette.

Ce sont ces dernieres huiles seulement que M. Rouelle n’a pu enflammer par l’acide nitreux seul, lors même qu’il l’a porté jusqu’à un degré de concentration auquel il est vraisemblable qu’on ne l’avoit pas porté avant lui. Il a été obligé de concentrer encore davantage l’acide nitreux qu’il a employé, en le mêlant, à parties égales de bon acide vitriolique ; car il est connu en Chimie que l’acide vitriolique a plus de rapport avec l’eau que l’acide nitreux : le premier doit donc l’enlever au dernier, lorsqu’on les applique intimement l’un à l’autre en les mêlant. Voilà du moins la théorie qu’adopte M. Rouelle. Il prétend que l’acide vitriolique ne contribue d’ailleurs en rien à la production de la flamme ; d’où il est aisé de conclure qu’il regarde comme impossible l’inflammation des huiles par l’acide vitriolique seul. Pour moi je doute peu de la vérité du phénomene rapporté par Homberg, & je n’apperçois dans la bonne théorie, dans l’ensemble des faits chimiques fondamentaux, rien qui puisse justifier le doute qu’on pourroit concevoir sur le fait,