Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/340

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

& encore moins qui puisse porter à le regarder comme impossible.

Pour donner une idée complette de toute la manœuvre nécessaire dans l’exécution du procédé de l’inflammation des huiles en général, voici celui de M. Rouelle sur la plus difficile de toutes les huiles, sur l’huile d’olive. « Je prends de l’huile d’olive, de l’acide nitreux le plus concentré, nouvellement fait, & de l’acide vitriolique concentré, de chacun une demi-once. Je mêle d’abord ensemble l’acide nitreux & l’acide vitriolique, & je les verse sur l’huile, qui est contenue dans une capsule ou segment de balon : ces matieres sont un instant sans agir ; mais le mouvement s’excite bientôt, & elles entrent dans une violente effervescence ; alors ayant à la main une fiole, où il y a une demi-once du même acide nitreux concentré, j’en verse environ un tiers sur les matieres : ce nouvel acide accélere considérablement l’effervescence : les vapeurs qui s’élevent sont beaucoup plus considérables & plus blanches. Un instant après je verse dessus l’autre tiers de l’acide nitreux ; pour lors le mouvement s’accélere, & l’effervescence acquiert une rapidité étonnante ; les vapeurs redoublent & sont très-blanches ; & je verse le reste de l’acide nitreux sur le charbon embrasé : il paroît tout-d’un-coup scintillant, & l’huile s’enflamme. Les espaces de tems pour verser ainsi les portions d’acide nitreux, doivent être momentanés, cependant sans précipitation ».

Les doses absolues employées dans cette expérience sont suffisantes ; mais en général, l’inflammation réussit d’autant mieux, qu’en emploie des quantités absolues plus considérables ; mais sur les huiles très-inflammables, l’expérience réussit à deux gros, & même à un de chaque matiere.

Huiles pharmaceutiques, ou par infusion & décoction. On fait infuser ou bouillir dans l’huile d’olive un grand nombre de substances végétales & quelques substances animales, comme les petits chiens, les lésards, les crapaux, les vers de terre, le castor, &c. On passe ensuite ces huiles, ou même on les garde sur le marc. Ces compositions sont destinées à l’usage extérieur, & elles sont, pour la plûpart, des préparations monstrueuses, parce que l’huile n’a aucune action sur la plus grande partie des matieres végétales qu’on y fait entrer ; & la décoction altere inutilement la nature de l’huile. Les vertus vraies ou prétendues de ces diverses huiles sont rapportées aux articles particuliers. Voyez, par exemple Chien, Lézard, Iris, Rose, Camomille, Mélilot, Mucilage, &c. (b)

Huile d’antimoine, d’arsenic, de Jupiter, de Mars, de Mercure, de Saturne, de Vénus. Ce sont des noms qu’on a donnés à des liqueurs épaisses, denses, approchant, quoique d’une maniere fort éloignée, de la consistence de l’huile commune, & qui sont des dissolutions des substances métalliques, dont chacune porte le nom dans divers acides. Voyez les articles particuliers des ces substances métalliques.

Huile de chaux. C’est le nom ordinaire du sel neutre, formé par l’union de l’acide marin & de la chaux, lorsqu’il est sous la forme d’une liqueur concentrée. Voyez Chaux (Chimie.)

Huile de tartre, huile de tartre par défaillance. On appelle communément ainsi le sel de tartre ou alkali-fixe ordinaire en état de défaillance ou deliquium. Voyez Tartre.

Huile de vitriol. C’est le nom vulgaire de l’acide vitriolique concentré. Voyez Vitriol. (b)

Falsification des huiles essentielles. Les huiles essentielles peuvent être falsifiées par le mélange d’une huile par expression, par celui d’un esprit de vin, ou par celui d’autres huiles essentielles.

Les huiles essentielles des aromates des Indes, que

les Hollandois nous vendent très-cher, sortent rarement de leurs boutiques sans quelque falsification. L’huile de cannelle, celle de girofle, de macis & de muscade, sont ordinairement mêlées d’huile d’amandes ou d’huile de ben. Cette fraude se découvre aisément : on n’a qu’à tenter de dissoudre dans l’esprit-de-vin une huile ainsi falsifiée ; car, comme l’esprit-de-vin est le menstrue des huiles essentielles, & qu’il ne touche point aux huiles par expression, il enlevera toute l’huile essentielle, & laissera au fond du vaisseau dans lequel on fera l’expérience, l’huile par expression très-pure, très-reconnoissable, & souvent en une quantité très-considérable.

Des fripons plus adroits mêlent l’huile de cannelle ou de girofle avec une quantité très-considérable d’esprit-de-vin : ce mélange peut être porté jusqu’à parties égales de chaque liqueur ; & il retient encore, à cette proportion, la couleur & l’odeur qui sont propres à ces huiles essentielles. Il n’est pas plus difficile de reconnoître cette fraude que la précédente. Si on noye d’une grande quantité d’eau une huile essentielle fourrée d’esprit-de-vin, on produit une liqueur laiteuse ; au lieu que ces mêmes huiles nagent sur l’eau, & s’en séparent sans la blanchir lorsqu’elles ne renferment point d’esprit-de-vin.

La troisieme espece de falsification, qui consiste à mêler une huile essentielle de vil prix à une autre huile essentielle plus chere, ne peut avoir lieu que pour les huiles qui ont une odeur forte, & capable de couvrir celle de l’huile qu’on y mêle, qui est toûjours celle de térébenthine. Les huiles des plantes à fleurs labiées de notre pays, telles que le thim, la menthe, l’origan, la sauge, le romarin, la lavande, &c. sont très-propres à être ainsi falsifiées. Mais cette fraude se découvre bientôt, & par l’action seule du tems ; car l’odeur spécifique & agréable des huiles de ces plantes se dissipe lorsqu’on les a gardées un certain tems, & l’odeur forte de l’huile de térébenthine perce & se fait reconnoître aux moins expérimentés. Mais il y a un moyen plus prompt & plus abregé pour produire dans ces huiles mélangées l’altération qui développe & fait dominer l’odeur de l’huile de térébenthine. On n’a qu’à imbiber de ces huiles des morceaux de linge ou de papier, & les approcher d’un corps chaud, des parois d’un fourneau, par exemple ; alors l’odeur plus subtile & plus douce de l’huile de lavande, de thym, &c. se dissipe la premiere, & il ne reste bientôt plus que l’odeur forte de l’huile de térébenthine. On peut ajoûter à cette épreuve deux signes assez démonstratifs de cette derniere falsification : le premier se déduit de ce que les huiles falsifiées par l’huile de térébentine sont plus limpides & plus fluides que ces huiles pures ; & le second, de ce que les étiquettes appliquées assez ordinairement sur le bouchon des fioles qui contiennent ces huiles, sont effacées en tout ou en partie par les exhalaisons de l’huile de thérébentine ; propriété qui est particuliere à cette derniere huile, & que n’ont pas au moins les huiles des plantes dont nous parlons.

On prétend encore que certains Artistes distillent les plantes qui ne donnent qu’une très-petite quantité d’huile essentielle, avec des substances très chargées d’huile par expression, la rue, par exemple, avec les semences de pavot ; & que dans cette opération, une assez bonne quantité d’huile par expression, qui est naturellement fixe, est enlevée dans la distillation par le secours de l’huile essentielle. Mais cette prétention a besoin d’être confirmée par des expériences ; & si elle se trouve fondée, il restera à savoir encore si l’huile par expression enlevée dans cette distillation, a changé de nature, & quel est son nouvel état. Voyez Frid. Hoffmann, Observat. physico-chimic. Lib. I, obs. ij.