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que, dans cette maladie invétérée, il survient des taches livides, des ulceres de mauvais caractere aux gencives, dans la bouche, dans différentes parties de l’habitude du corps, & particulierement aux jambes ; ainsi que quand les malades rendent du sang grumélé par la voie des selles, ou qu’ils deviennent sujets à des hémorrhagies, particulierement à celle des narines.

Les plaies, les ulceres des hydropiques sont très difficiles à guérir, parce que la cicatrice ne peut s’opérer qu’avec difficulté dans des solides qui ont perdu leur ressort, & parce que la masse des humeurs est appauvrie & presque totalement privée de son baume naturel.

L’hydropisie elle-même se guérit cependant quelquefois sans le secours de l’art, par différens bénéfices de nature ; comme lorsque les jambes enflées se crevent d’elles-mêmes, ou par accident, comme par quelque égratignure, quelque écorchure, ou blessure ou brûlure, & qu’il se fait une issue aux eaux contenues dans le tissu cellulaire, ou qui peuvent en être repompées des cavités où elles sont épanchées, en sorte qu’elles s’écoulent souvent en grande abondance, par cette voie & de proche en proche se portent où il y a moins de résistance ; d’où suit quelquefois une évacuation complette non-seulement des humeurs qui forment les enflures extérieures, mais encore de celles qui sont contenues dans les parties internes : de semblables vuidanges se sont faites quelquefois par la rupture des enveloppes du bas-ventre, sur-tout au nombril, ou par la voie de la matrice dans le tems ou à la suite des regles, des lochies ; ainsi que Fernel (Pathol. lib. VI.) rapporte en avoir vû des exemples.

Avant que d’entreprendre le traitement de l’hydropisie, il est de la prudence du medecin de bien examiner quelle est la nature de cette maladie, quelle en est la cause : parce que si le mal lui paroît incurable, ou que le vice qui a occasionné la collection des humeurs ne puisse pas être détruit, qu’il doive s’attendre à la voir se renouveller à mesure qu’il en procurera l’évacuation ; dans le cas où il ne peut parvenir à en tarir la source, il doit éviter, s’il y a moyen, de se charger de la cure, pour ne pas compromettre sa réputation, en paroissant avoir donné la mort à qui il n’étoit pas possible de conserver la vie ; ou, s’il ne peut pas refuser ses secours, il convient qu’il prévienne par un prognostic convenable sur l’évenement que la maladie doit avoir.

Quant à la maniere de traiter l’hydropisie, qui paroît susceptible de guérison, les indications principales sont de tâcher d’abord d’évacuer les eaux ramassées, & ensuite d’attaquer & de détruire le vice qui a donné lieu à leur collection dans quelque partie qu’elle soit faite : c’est ce dernier effet seul qui rend la curation complette, parce que l’évacuation des humeurs est de peu d’importance pour les suites, si elles peuvent se ramasser de nouveau & produire les mêmes effets. Mais comme les moyens à employer, pour emporter la cause, sont moins efficaces, tant que les parties affectées sont abreuvées, & que leur ressort est affoibli par le relâchement & la corruption occasionnés par la présence des eaux, qui, participant à la chaleur animale, en sont plus susceptibles de contracter des qualités propres à produire ces effets : il est donc nécessaire de s’occuper d’abord de l’indication la moins essentielle, parce qu’elle est comme préparatoire, pour pouvoir parvenir à remplir la plus importante.

Ainsi, dans le cas de l’hydropisie ascite, simple, qui n’est pas bien invétérée, on doit travailler à l’évacuation des humeurs par le moyen des purgatifs émétiques, hydragogues, ou par les diurétiques chauds, les plus forts, les plus actifs. La sueur

dans l’ascite est plus nuisible que profitable, parce qu’elle tend à priver le sang de la sérosité, qui lui sert de véhicule dans des parties éloignées de celles qui fournissent la matiere de la collection des eaux, c’est-à-dire à la circonférence du corps où la masse des humeurs en manque déja, à cause qu’il a été détourné ailleurs en trop grande quantité : les évacuations que l’on procure par la voie des selles ou des urines, sont les seules qui sont véritablement avantageuses.

On doit cependant observer que l’hydropisie dans son commencement doit être traitée, comme la cachexie ; & Vander Linden dit, fort à propos, que quiconque veut guérir l’hydropisie doit éviter l’usage trop fréquent des purgatifs, parce qu’ils affoiblissent de plus en plus le ton des solides, après en avoir excité l’érétisme outre mesure : l’atonie suit toûjours le trop de tension spasmodique ou convulsive, qui a lieu par l’effet irritant des purgatifs : ce n’est pas qu’il ne faille employer les plus forts remedes de ce genre, mais, après les avoir donnés d’abord coup-sur-coup, il faut n’y revenir ensuite que rarement, & il convient de faire usage dans l’intervalle des médicamens toniques, fortifians, tirés de la classe des amers, tels sur-tout que le kina, & des martiaux qui peuvent servir à tenir en regle les fonctions des organes de la digestion, & rétablir dans les solides en général la force que l’action des purgatifs leur a ôtée ; ce qui fait partie de l’indication principale à remplir. On doit par conséquent avant de faire usage de ces remedes, s’assûrer de ceux qui conviennent, eû égard à la facilité ou à la difficulté, avec laquelle les malades sont susceptibles d’être purgés ; parce que des purgatifs qui sont ordinairement d’une médiocre activité, sont souvent suffisans pour produire de grands effets dans les sujets qui sont, comme on dit, faciles à émouvoir, qui sont d’une constitution foible, délicate & sensible, comme les femmes sujettes aux vapeurs, les hypocondriaques.

Mais il est nécessaire que les purgatifs, quels qu’ils soient, operent beaucoup, parce que ceux qui ne produisent que peu d’effets, sont plus nuisibles qu’utiles ; ils fatiguent les malades, ils les affoiblissent, & ne diminuent pas la quantité des eaux que l’on doit tâcher d’évacuer le plus promptement qu’il est possible ; pour ne pas laisser trop augmenter le relâchement des parties qui les contiennent, qui en sont abreuvées ou qui y trempent, parce que l’équilibre y étant de plus en plus détruit, les humeurs sont déterminées à s’y porter & à s’y accumuler aussi de plus en plus. Voyez Équilibre, Economie animale.

Les purgatifs les plus usités dans le traitement de l’hydropisie, sont parmi les émétiques les préparations d’antimoine, de mercure de cette qualité, & particulierement le tartre, le vin stibié, le turbith minéral ; parmi les cathartiques, le jalap, la résine, la seconde écorce de sureau, la gomme-gutte, l’euphorbe, la coloquinte, le concombre sauvage, & sur-tout l’elaterium, selon Vander Linden, Lister, Sydenham ; la poudre cornachine, les fortes décoctions de senné, avec le syrop de nerprun, &c. la rhubarbe à grande dose peut être employée avec succès dans l’intervalle des autres purgatifs.

Mais dans les cas qui sont assez fréquéns, où les malades, à cause de la foiblesse ou de la délicatesse de leur tempérament, ne peuvent soûtenir l’effet d’aucun des purgatifs qui conviennent ; il faut absolument se retourner du côté des diurétiques, d’autant plus qu’ils ont souvent opéré, sans aucun secours, l’entiere évacuation des eaux, même dans les personnes les plus robustes ; & que rien ne donne plus de soulagement aux hydropiques qu’un flux