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abondant d’urine, quand il se fait sans trop affoiblir les malades : tous les sels sont diurétiques, mais on doit préférer à tous les autres le nitre & ses préparations de cette qualité, parce qu’il contribue beaucoup à éteindre la soif, qui est le symptome le plus inquiétant de cette maladie : on peut employer les nitreux dans des tisanes appropriées qui soient émulsionnées, ou dans du petit-lait, du vin du Rhin, ou d’une qualité approchante, mais toûjours employés en grande quantité. C’est pourquoi la plûpart des eaux minérales, qu’on appelle acidules, qui ne peuvent opérer quelqu’effet qu’étant prises à grandes doses, ont souvent réussi à guérir des hydropisies considérables & des plus rebelles, en évacuant abondament par la voie des urines, & en fortifiant en même tems lorsqu’elles sont martiales : on fait aussi usage avec succès du suc de la plante nommée kali ou soûde, des sels lixiviels, des infusions de cendres végétales, sur-tout de celles de genest, comme contenant plus d’alkali, de cendres animales telles que celles de vers de terre, & sur-tout de crapaud, dont Wierus, dans son livre intitulé de Larniis, prétend qu’un ancien hydropique fut guéri à Rome par sa femme, qui, ennuyée de la dépense qu’elle faisoit pour son mari sans succès, & voulant s’en défaire, lui donna des cendres de crapaud à plusieurs reprises dans le dessein de l’empoisonner ; ce qui produisit un effet tout contraire, car il recouvra la santé, ayant été délivré de son hydropisie par le grand flux d’urine que produisirent ces cendres : on attribue la même propriété aux œufs de fourmis, dont on donne la décoction dans du lait.

On doit observer que lorsqu’on entreprend la cure de l’hydropisie par le moyen des diurétiques, sur-tout des sels lixiviels avec effet, on ne doit point faire usage des purgatifs, mais seulement des corroborans, qui doivent être regardés comme les remedes essentiels ; entant qu’ils sont destinés à empêcher qu’après l’évacuation des eaux il ne s’en fasse une nouvelle collection ; ce qui est mettre véritablement le complément à la cure.

Le bon vin employé convenablement, est un des moyens les plus propres pour fortifier ; c’est pourquoi il est fort recommandé dans la cure de l’hydropisie, soit pur, soit rendu médicamentaire, & joignant à sa qualité propre celle des plantes aromatiques appropriées, telles que l’absynthe, le marrhube, l’aunée, & autres amers de cette nature ; le kina sur-tout, qui doit être regardé comme un excellent remede contre le relâchement, l’atonie des solides dans l’hydropisie, ainsi que dans les autres maladies qui y ont rapport. Voyez Fibre, Pathol.

S’il y a des obstructions auxquelles on soit fondé d’attribuer la cause de l’hydropisie, on doit joindre les apéritifs aux fortifians ; voyez Obstruction. Les martiaux sur-tout sont alors fort recommandés, & même les mercuriels, si l’épaisissement des humeurs est leur vice dominant ; mais ces derniers remedes seroient de vrais poisons, si elles péchoient par dissolution ; & dans ce cas, les laitages seroient un des remedes les plus indiqués, aussi bien que les émulsions, les mucilagineux, avec les diurétiques & les corroborans, quelquefois rendus acides & un peu aromatiques, à quoi l’on doit sur-tout joindre un régime sec.

Lister rapporte plusieurs exemples d’hydropiques, qui ont été guéris, en s’abstenant pendant long-tems de toute autre boisson, que de quelque peu de vin pur, dans les cas de foiblesse des visceres ; & d’autres, qui à cause de la dissolution des humeurs, avoient passé plusieurs mois sans prendre aucun liquide. De ces malades, quelques-uns pour appai-

ser leur soif, tenoient sur la langue une petite tranche

de pain roti & trempé dans l’eau-de-vie, ce qui leur faisoit venir beaucoup de salive à la bouche. On a aussi employé avec succès, pour cet effet, l’esprit de vitriol dans de l’eau, dont les malades se lavent souvent la bouche : on a aussi éprouvé du soulagement dans ce cas, de mâcher du citron sans l’avaller.

Si l’hydropisie doit être attribuée à quelque cause, qui resserre, qui comprime les vaisseaux, qui les force à se dilater outre mesure, ou à se rompre, ensorte que les fluides qui doivent être contenus, s’en échappent, il faut tâcher d’emporter ou de faire cesser cette cause, si elle en est susceptible. Ainsi, dans le cas qui est assez rare, où elle consiste dans l’éretisme, le spasme du genre nerveux, qui gêne le cours des humeurs dans les petits vaisseaux, qui les étrangle, pour ainsi dire, les relâchans, les bains aqueux tiedes produisent de bons effets, aussi bien que les antispamodiques, les narcotiques employés avec beaucoup de circonspection. Si la compression des vaisseaux provient des glandes obstruées, du skirrhe des visceres, il faut, comme ou l’a dit, attaquer ces vices par les moyens appropriés, contre les obstructions, les skirrhes. Voyez Obstruction, Skirrhe.

Tels sont en, général, les remedes internes qui sont indiqués dans l’hydropisie ; mais si l’on s’apperçoit bientôt qu’ils ne produisent aucun effet pour la guérison de cette maladie, en tant que l’on ne peut pas parvenir à procurer l’évacuation des eaux, ni par la voie des selles, ni par la voie des urines, particulierement dans l’ascite, il convient alors de recourir aux secours de la main, & d’en venir pour cette évacuation, à l’opération de la paracentèse, faite selon les regles de l’art, & avec les précautions convenables. Lorsque le malade est de bon âge, qu’il n’a pas perdu ses forces, que la maladie n’est pas invétérée, & qu’il y a lieu de présumer que les visceres sont en bon état ; c’est le moyen le plus sûr & le plus prompt, pour emporter la collection d’humeurs contre nature, pour prévenir tous les mauvais effets de leur séjour dans les parties qui les contiennent, & de la corruption dont elles sont susceptibles, & pour établir de la maniere la plus avantageuse, la disposition, à ce que l’on puisse employer avec succès, les remedes propres à détruire la cause du mal. Mais on ne doit jamais attendre l’extrêmité pour employer ce moyen, auquel l’expérience ne rend pas des témoignages aussi favorables qu’ils pourroient l’être, parce qu’on a recours presque toujours trop tard à cette opération, lorsque le mal a fait de si grands progrès, qu’il est devenu sans remede.

C’est pourquoi, il faudroit peut-être moins compter sur les secours à employer intérieurement, qui ont été proposés, & faire usage de la paracentèse dès le commencement de la maladie. Outre l’avantage de tirer promptement les eaux ramassées contre nature, cette opération procure encore celui de pouvoir mieux juger, par l’inspection de ces mêmes eaux, soit du caractere & de la cause particuliere qui l’a fait naître, soit du prognostic convenable que l’on doit porter en conséquence, & des indications qui se présentent à remplir, pour empêcher que la collection ne se renouvelle.

Dans les hydropisies enkistées, dans celles du péritoine, de l’omentum, des ovaires même, la paracentèse ne convient pas moins que dans l’ascite, lorsque l’on s’est assuré du véritable siége du mal, & que l’on peut y atteindre.

Mais, dans tous les cas où cette opération paroît praticable, si les dispositions de la part des malades, qui ont été mentionnées, ne se présentent