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cune partie extérieure de la génération, ni mâle, ni femelle, ni aucun vestige de ces organes. Les autres parties du corps étoient conformes à l’état naturel & ordinaire, excepté que vers le milieu de l’espace qui est entre le nombril & l’os pubis, se trouvoit une substance spongieuse, nue, sans prominence, tendre, fort sensible, percée de pores innombrables, desquels pores l’urine sortoit sans cesse. L’enfant a vêcu cinq ans, & est mort de la petite vérole. Mém. d’Edinb. ann. 1740. tom. V. p. 428.

Exemples de jeux de la nature qui peuvent être utiles dans la pratique. Il est possible quelquefois de trouver dans les jeux de la nature des variations, dont la connoissance peut avoir quelque utilité, c’est-à-dire peut servir dans l’explication des fonctions de l’économie animale ou des maladies, & peut faire éviter quelque erreur dans la pratique. Je compte au nombre de ces variations les os triangulaires, qu’on trouve quelquefois dans les sutures du crane, & plus fréquemment dans la suture lambdoïde, que dans aucune autre ; parce que, faute de connoître ces jeux, quelqu’un pourroit se tromper à l’égard de ceux qui ont de pareils os, & prendre une légere plaie pour une fracture considérable.

Observation générale. Enfin, personne n’ignore les jeux de la nature qui s’étendent sur les proportions des parties du corps d’un même individu, car non seulement les mêmes parties du corps n’ont point les mêmes dimensions proportionelles dans deux personnes différentes ; mais dans la même personne une partie n’est point exactement semblable à la partie correspondante. Par exemple, souvent le bras ou la jambe du côté droit n’a pas les mêmes dimensions que le bras ou la jambe du côté gauche. Ces variétés sont faciles à comprendre ; elles tirent leur origine de celle de l’accroissement des os, de leurs ligamens, de leur nutrition, des vaisseaux qui se distribuent à ces parties, des muscles qui les couvrent, &c. C’est à l’art du dessein qu’on doit les idées de la proportion ; le sentiment & le goût ont fait ce que la méchanique ne pouvoit faire, & comme dit encore M. de Buffon, on a mieux connu la nature par la représentation que par la nature même. (D. J.)

Jeux de la Nature, lusus naturæ. (Hist. nat. Lithologie.) Les Naturalistes nomment ainsi les pierres qui ont pris par divers accidens fortuits une forme étrangere au regne minéral, & qui ressemblent ou à des végétaux, ou à des animaux, ou à quelques-unes de leurs parties, ou à des produits de l’art, &c. sans qu’on puisse indiquer la cause qui a pû leur donner la figure qu’on y remarque. Ces pierres ainsi conformées ne different point dans leur essence des pierres ordinaires ; ce sont ou des cailloux, ou des agates, ou des pierres à chaux, ou du grès, &c. toute la différence, s’il y en a, vient de la curiosité & de l’imagination vive de ceux qui forment des cabinets d’histoire naturelle, & qui attachent souvent de la valeur à ces pierres, en raison de la bizarrerie de leurs figures. Wallerius à raison de dire que dans ces sortes de pierres la nature n’a fait qu’ébaucher des ressemblances grossieres, que l’imagination des propriétaires supplée à ce qui leur manque, & qu’on pourroit plûtôt les nommer lusus lithophilorum que lusus naturæ.

On doit placer parmi les jeux de la nature les pierres ou marbres de Florence sur lesquelles on voit des ruines, les priapolites, les dendrites, les agates herborisées, les agates & les jaspes, & les marbres sur lesquels on remarque différens objets, dont la ressemblance n’est formée que par l’arrangement fortuit des veines, des taches, & des couleurs de ces sortes de pierres.

Bruckmann, grand compilateur d’histoire natu-

relle, rapporte une dissertation, intitulée de Papatu à naturâ detestato ; l’auteur de cette ridicule dissertation

est un nommé Gleichmann. Il y est question d’une pierre, sur laquelle on voyoit, ou du moins on croyoit voir, une religieuse ayant une mitre sur sa tête, vêtue des ornemens pontificaux, & portant un enfant dans ses bras. Il dit que la papesse Jeanne se présenta aussitôt à son imagination, & il ne douta pas que la nature en formant cette pierre n’eût voulu marquer combien elle avoit d’horreur pour le papisme. Voyez Bruckmann, Epistolæ itinerariæ, centuriâ I. epistol. lvj. On conserve deux agates dans le cabinet d’Upsal, sur l’une desquelles on dit qu’on voit le jugement dernier, & sur l’autre le passage de la mer Rouge par les enfans d’Israël. Voyez Wallerius, Minéralogie, tome I.

Il y a des gens qui connoissant le goût de quelques collecteurs d’histoire naturelle pour le merveilleux, savent le mettre à profit, & leur font payer cherement, comme jeux de la nature, des pierres chargées d’accidens, qu’ils ont eu le secret d’y former par art, ou du-moins dans lesquelles ils ont aidé la nature, en perfectionnant des ressemblances qu’elle n’avoit fait que tracer grossierement, avec de la dissolution d’or, avec celle d’argent, &c. On peut tracer des desseins assez durables sur les agates ; il est aussi fort aisé d’en former sur le marbre, &c. Voyez la Minéralogie de Wallerius, tome I. page 172 de la traduction françoise, & tome II. page 128.

On ne doit point confondre avec les jeux de la nature les pierres qui doivent leurs figures à des causes connues, telles que sont celles qui ont été moulées dans des coquilles, celles qui ont pris les empreintes des corps marins qui se trouvent dans le sein de la terre, celles dans lesquelles on voit des empreintes de végétaux & de poissons, les bois pétrifiés, les crabes pétrifiés, &c. ce n’est point le hasard qui a produit les figures qu’on y remarque. Voyez Fossiles.

Il ne faut point non plus appeller jeux de la nature les corps que la nature produit toûjours sous une forme constante & déterminée, tels que les crystallisations, les marcassites, &c. & encore moins ceux qui sont des produits de l’art des hommes. Voyez Figurées Pierres. (—)

Jeu de mots, (Gramm.) espece d’équivoque, dont la finesse fait le prix, & dont l’usage doit être fort modéré. On peut la définir, une pointe d’esprit fondée sur l’emploi de deux mots qui s’accordent pour le son, mais qui different à l’égard du sens. Voyez Pointe.

Les jeux de mots, quand ils sont spirituels, se placent à merveille dans les cris de guerre, les devises & les symboles. Ils peuvent encore avoir lieu, lorsqu’ils sont délicats, dans la conversation, les lettres, les épigrammes, les madrigaux, les impromptus, & autres petites pieces de ce genre. Voltaire pouvoit dire à M. Destouches,

Auteur solide, ingénieux,
Qui du théatre êtes le maître,
Vous qui fîtes le Glorieux,
Il ne tiendroit qu’à vous de l’être.

Ces sortes de jeux de mots ne sont point interdits, lorsqu’on les donne pour un badinage qui exprime un sentiment, ou pour une idée passagere ; car si cette idée paroissoit le fruit d’une réflexion sérieuse, si on la débitoit d’un ton dogmatique, on la regarderoit avec raison comme une petitesse frivole.

Mais on ne permet jamais les jeux de mots dans le sublime, dans les ouvrages graves & sérieux, dans les oraisons funebres, & dans les discours oratoires. C’est par exemple un jeu de mots bien misérable que ces paroles de Jules Mascaron, évêque de Tulles,