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ici, en le nommant, un témoignage public de reconnoissance : c’est peut-être le plus modeste & le plus habile joüeur de harpe. Il y joint la connoissance de la plus profonde & brillante harmonie au goût noble d’un homme de qualité qui a bien profité d’une éducation proportionnée à sa haute naissance. (B)

Harpe, (Mythologie.) c’est un symbole d’Apollon ; de sorte que sur les médailles, une ou deux harpes marquent les villes où ce dieu étoit adoré comme chef des Muses. Quand la harpe est entre les mains d’un centaure, elle désigne Chiron, maître d’Achille ; quand elle est jointe au laurier & au couteau, elle marque les jeux apollinaires. (D. J.)

Harpe, (Hist. nat.) c’est le nom que l’on donne à une coquille bivalve, à cause de sa ressemblance avec une harpe : il y a des auteurs qui l’appellent la lire.

* Harpe, (Art milit.) espece de pont-levis ainsi appellé de sa ressemblance avec la harpe, instrument de Musique. Ce pont de membrures appliqué perpendiculairement contre la tour, avoit, comme la harpe, des cordes qui l’abaissoient sur le mur, par le moyen de poulies ; & aussi-tôt des soldats sortoient de la tour pour se jetter sur le rempart par ce passage. Dictionn. de Trév.

Harpes, (Maçonnerie.) pierres qu’on laisse alternativement en saillie à l’épaisseur d’un mur, pour faire liaison avec un autre qui peut être construit dans la suite. On appelle aussi harpes les pierres plus larges que les carreaux dans les chaînes, jambes-boutisses, jambes sous poutre, &c. pour faire liaison avec le reste de la maçonnerie d’un mur. (P)

HARPÉ, s. m. (Littérature.) ce mot se trouve dans Ovide & dans Lucain ; c’étoit une espece de grand coutelas dont Mercure & Persée se servirent, disent les poëtes, l’un pour tuer Argus, & l’autre pour couper la tête à Méduse. Mercure en fut surnommé harpédophore.

Vertit in hunc harpen spectata cæde Medusæ.

Ovid. Metam. lib. V. v. 69.

Perseos aversi Cyllenida dirigit harpen.

Luc. lib. IX. v. 676.

C’étoit aussi cette épée recourbée dont les gladiateurs nommés thraces s’escrimoient dans les jeux publics. (D. J.)

Harpé, adj. (Vénerie.) On dit d’un chien qui a les hanches larges, qu’il est bien harpé.

HARPEAU, (Marine.) voyez Grapin d’abordage.

HARPEGEMENT, s. m. (Musique.) ce mot vient de l’italien, & signifie une maniere particuliere de toucher successivement les différens tons dont un accord est composé, au lieu de les frapper à la-fois & en plein. Communément on monte de la tonique à la tierce, quinte, octave, ou septieme, &c. d’où l’on redescend ensuite par les mêmes intervalles : cela fait l’harpegement complet d’un accord.

L’harpegement est soumis au doigter de l’instrument, sur les instrumens qui ont un grand nombre de cordes, comme le clavecin, la harpe, le luth, &c. on ne change guere la marche d’un accord ; l’on monte & descend uniformément de la tierce à la quinte, de la quinte à l’octave, &c. mais sur les instrumens de peu de cordes, comme le violon, le violoncelle, &c. le doigter oblige souvent, pour rendre un accord complet, de chercher une tierce ou une quinte dans l’octave au-dessus ou au-dessous.

On ne peut harpeger long-tems sur des instrumens de peu de cordes ; le doigter s’y oppose : mais on se sert de cette maniere fréquemment sur le clavecin, la harpe, le luth, & sur d’autres instrumens qu’on pince.

On fait usage de l’harpegement dans les préludes & dans les morceaux de fantaisie, où un musicien s’abandonne aux idées que son génie lui inspire sur le

champ : c’est-là où il peut montrer une science profonde dans l’art des modulations, des liaisons, des passages d’un ton à un autre, &c. L’harpegement devient alors nécessaire sur les instrumens qu’on touche ou qu’on pince. Les accords frappés en plein l’un après l’autre, offenseroient l’oreille à la longue. L’harpegement en ôte la sécheresse & la dureté.

On n’harpege presque jamais dans les accompagnemens : le goût & la sagesse proscrivent tout ce qui pourroit distraire du chant & de son expression ; & le secret de ne point couvrir la voix consiste moins dans l’art de joüer doux, que dans celui de supprimer cette note de l’accord, qui en se faisant entendre, nuiroit aux accens & à l’effet du chant. Aussi trouve-t-on dans les partitions d’un homme de goût les accords rarement remplis & le plus communément la quinte ne joue plus que la basse dès que la voix commence à chanter. Cette sagesse qui défend de remplir les accords dans les accompagnemens, s’opppose à plus forte raison à l’harpegement.

Pour accompagner le récitatif, le compositeur n’écrit que la note de la basse ; mais celui qui accompagne du clavecin frappe l’accord en plein & à sec aussi souvent que cette note change ; & celui qui accompagne du violoncelle, donne le même accord par harpegement, pour aider & soûtenir le chanteur dans le ton. Alors le compositeur doit chiffrer sa basse, du-moins dans les endroits difficiles. Voyez Accompagnement, Accord, Doigter, Luth, Clavecin, &c.

HARPIES, s. f. (Mytholog.) monstres fameux dans la fable, & que les Poëtes représentent avec un visage de fille, des oreilles d’ours, un corps de vautour, des aîles aux côtés des piés, & des mains armées de griffes longues & crochues. Virgile ne nomme que Celeno ; mais Hésiode en compte trois, Iris, Ocypeté & Aëllo. On disoit qu’elles causoient la famine par-tout où elles passoient, enlevant les viandes jusque sur les tables, infectant tout par leur mauvaise odeur : c’est ainsi qu’elles persécuterent Phinée, roi de Thrace, qui n’en fut délivré que par la valeur de Zethus & de Calaïs, deux des Argonautes, qui étant fils de Borée & ayant des aîles comme leur pere, donnerent la chasse à ces monstres jusqu’aux îles Strophades, où les harpies firent ensuite leur demeure ; c’est-là, selon Virgile, qu’elles vinrent fondre sur les tables des compagnons d’Enée. Les auteurs qui ont voulu ramener ces fictions à un sens historique, conjecturent que ce qu’on nomma harpies étoient des corsaires dont les incursions troubloient le commerce & la navigation des états voisins, & y causoient quelquefois la famine. D’autres prétendent que ces harpies n’étoient autre chose que des sauterelles qui ravageoient des contrées entieres ; que le mot grec Ἁρπηία est dérivé de l’hébreu arbeh, locusta, sauterelle ; que Celeno, nom de la principale des harpies, signifie en syriaque sauterelle ; & qu’Acholoë, nom d’une autre d’où Hésiode a fait Aëllo, vient d’achal, manger, parce que les sauterelles dévorent toute la verdure ; qu’elles furent chassées par les fils de Borée, c’est-à-dire par les vents septentrionaux qui balayent en effet ces nuées de sauterelles ; & enfin que ces insectes causent la famine, la peste, & inquietent par-là les souverains mêmes jusque dans leurs palais ; caracteres qui conviennent aux harpies qui desoloient le roi de Thrace. L’auteur de l’histoire du ciel, sans s’éloigner absolument de cette derniere opinion, y prête une nouvelle face. « Les trois lunes d’Avril, de Mai, & de Juin, dit-il, surtout les deux dernieres, étant sujettes à des vents orageux qui renversoient quelquefois les plants d’oliviers, & à amener du fond de l’Afrique & des bords de la mer Rouge des sauterelles & des hannetons qui ravageoient & salissoient tout, les an-