Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/616

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au contraire il y a quelque mot à supprimer, il faut mettre la ligne dans le composteur, ôter ce qui est à supprimer, rapprocher les mots qui doivent se suivre, tirer de la forme la ligne suivante, la mettre couchée sur le bord du chassis, en prendre le nombre de syllabes nécessaire pour remplir la ligne où est la suppression, justifier cette ligne en ajoutant quelques espaces de plus entre les mots, & la remettre dans la forme. Il faut ensuite remettre dans le composteur le restant de la ligne dans laquelle on a pris pour remplir la précédente, tirer de la forme la ligne suivante, la mettre de même couchée sur le bord du chassis, en prendre ce qui sera nécessaire pour parfaire la ligne qui la précede, la justifier en mettant quelques espaces de plus entre les mots, la remettre dans la forme, & continuer ainsi d’emprunter d’une ligne à l’autre jusqu’à ce qu’il soit tombé juste en ligne. Il est presque impossible que ces deux inconvéniens ne nuisent à l’économie de l’ouvrage. Les lignes où l’on a été obligé d’ajouter quelque mot, sont plus serrées que les autres, c’est-à-dire qu’il y a moins d’espace entre les mots ; au contraire dans celles dont on a retranché quelque chose, les lignes en paroissent plus au large. Il vaut mieux dans l’un & l’autre cas remanier quelques lignes de plus, pour éviter toute difformité. Ce ne sont jusqu’ici que les corrections ordinaires. Quand le compositeur a corrigé la premiere forme, que nous avons supposé être le côté de la deux & trois, il compose les lettres qui sont restées de sa correction, les va distribuer, leve la correction de la seconde forme, en commençant par la premiere page de la feuille ; passe la deux & la trois, leve la correction de la quatre & de la cinq ; passe la six & la sept, leve la correction de la huit & la neuf ; passe la dix & la onze, leve la correction de la douze & la treize ; passe la quatorze & la quinze, leve la correction de la seize qui est la derniere. Il retourne au marbre, regarde s’il n’est rien resté sur la forme, serre les coins avec la main, taque la forme, la serre avec le marteau, la sonde, la leve sur le marbre, regarde s’il n’en est rien tombé, & la porte aux environs de la presse aux épreuves. Ensuite il desserre l’autre forme qui est le côté de la premiere, & la corrige de même & dans le même ordre qu’il a corrigé l’autre forme qui étoit le côté de la deux & trois.

Nous n’avons parlé jusqu’à présent, comme nous venons de le dire, que des corrections ordinaires. Quand il y en a d’extraordinaires, c’est-à-dire que le compositeur a fait quelque bourdon ou omission considérable, par exemple de huit lignes ; alors, après avoir fait dans les deux formes les corrections ordinaires, telles que celles dont nous venons de parler, il faut composer le bourdon tout simplement, si c’est un alinéa qui a été omis : si au contraire le bourdon est au milieu d’un alinéa & au milieu d’une ligne, il faut prendre dans la forme la ligne où il est marqué, la mettre dans le composteur, mettre à part ce qui ne doit aller qu’après le bourdon, le composer, & faire ensorte en mettant un peu plus ou un peu moins d’espaces entre les mots, de tomber en ligne juste avec ce qui a été mis à part. Ensuite il faut mouiller les deux formes avec l’éponge, les desimposer, c’est-à-dire en ôter la garniture, & remanier en cette sorte. Supposons donc, comme nous avons dit, que le bourdon soit de huit lignes, & qu’il tombe à la neuvieme page de la feuille, il faut y placer les huit lignes du bourdon, puis ôter huit lignes du bas de cette page, pour les mettre au haut de la dix, ôter huit lignes du bas de la dix, & les mettre au haut de la onze, & ainsi porter du bas d’une page au haut de la suivante, jusqu’à la derniere de la feuille, & même jusqu’à la derniere qui sera en page, à-moins qu’il ne se trouve au bas d’une

page quelque blanc occasionné par un titre qui n’a pas pû entrer, ou qu’il a fallu faire commencer en page ; en ce cas s’il se trouve assez de place pour les huit lignes qu’il y a de trop, le compositeur ne touchera point aux pages suivantes.

Si au contraire le compositeur a fait un doublon, c’est-à-dire s’il a composé deux fois la même chose, & que ce doublon soit d’un alinéa entier, il faut séparer la page en deux dans sa longueur, soit avec un couteau, soit en pressant les lignes par les extrémités en sens contraire, & enlever le doublon, puis rapprocher les lignes qui doivent se suivre. Mais si le doublon se trouve au milieu d’un alinéa & au milieu d’une ligne, il faut mettre cette ligne dans le composteur, ôter de cette ligne ce qu’il y a à supprimer, ôter les lignes suivantes jusqu’à la fin du doublon, parfaire la ligne qui est dans le composteur, & faire en sorte en remaniant quelques lignes, s’il est nécessaire, & mettant un peu plus ou un peu moins d’espaces entre les mots, de tomber en ligne ; ensuite en supposant toûjours le doublon de huit lignes, & qu’il se trouve à la neuvieme page de la feuille, il faut prendre huit lignes du haut de la dix, & les mettre au bas de la neuf pour la completter ; prendre huit lignes du haut de la onze, & les mettre au bas de la dix, & ainsi prendre du haut d’une page pour porter au bas de la précédente, jusqu’à la derniere de la feuille, dont il faudra remplir le vuide avec de la nouvelle composition ; à-moins, comme nous venons de le dire, qu’il ne se trouve au haut d’une page un titre qui ne puisse entrer dans le vuide de la précédente, ou qui doive absolument commencer en page ; en ce cas on met un petit fleuron au bas de la page qui précede le titre, & les pages suivantes restent dans le même état. Les mouvemens tant pour l’augmentation que pour la suppression se peuvent faire aisément sur le marbre quand les pages ne sont pas additionnées ; mais quand elles le sont, & qu’il y a des additions à porter d’une page à l’autre, il faut mettre les pages dans la galée ; il ne seroit guere possible de justifier sur le marbre les colonnes d’addition.

Quand le bourdon n’est que d’une, deux, trois, & même de quatre lignes, le compositeur peut s’exempter de remanier la feuille entierement, en regagnant quelques lignes, s’il est possible, c’est-à-dire en supprimant les lignes qui à la fin d’un alinéa ne sont composées que d’une, ou de deux syllabes, & en faisant entrer ces syllabes dans la ligne précédente en diminuant les espaces. Il peut aussi faire deux pages longues, c’est-à-dire y mettre une ligne de plus, pourvû que ces deux pages se rencontrent l’une sur l’autre, l’une au folio recto, l’autre au folio verso ; mais cela ne peut se faire qu’aux pages où il n’y a point de signature. Il en est de même quand le compositeur n’a doublé que deux ou trois lignes ; il pourra en alonger quelqu’une, s’il se trouve que la fin d’un alinéa remplisse justement la ligne, & que cette ligne, ou même celle qui la précede se trouve un peu serrée : alors il ne sera pas difficile de rejetter une syllabe de la pénultieme ligne de cet alinéa dans la derniere, & de prendre dans cette derniere ligne une syllabe ou deux pour former une ligne de plus. Il pourra aussi faire deux pages courtes, c’est-à-dire y mettre une ligne de moins, soit qu’il y ait une signature, soit qu’il n’y en ait point, en observant aussi que les deux pages courtes se rencontrent l’une sur l’autre, c’est-à-dire l’une au folio recto, l’autre au folio verso. Au moyen de cette ressource qui est un peu contraire à la régularité de l’ouvrage, le compositeur trouve le moyen, sans remanier beaucoup de pages, de placer un bourdon & de remplir un doublon de quelques lignes.

Voilà enfin la premiere épreuve corrigée. Le