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compositeur serre les deux formes, les porte à la presse aux épreuves, & avertit les imprimeurs qu’il y a une seconde à faire. Les imprimeurs font cette seconde épreuve comme nous avons vû qu’ils ont fait la premiere, reportent les formes à la place du compositeur, & donnent l’épreuve au prote, qui l’envoye avec la copie à l’auteur ou au correcteur. Cette seconde épreuve ne devroit servir que pour suppléer à ce qui a été omis à la premiere, soit de la part du prote en lisant, soit de la part du compositeur en corrigeant : mais il y a des auteurs qui par négligence ou autrement attendent l’épreuve pour mettre la derniere main à leur ouvrage, & font des changemens, des augmentations, des suppressions qui rendent la correction de la seconde épreuve beaucoup plus épineuse que celle de la premiere ; ensorte qu’il faut une troisieme & même quelquefois une quatrieme épreuve. Le compositeur est obligé de corriger la seconde épreuve, mais c’est quand il n’y a que quelques lettres à changer & que les corrections sont légeres : quand elles sont considérables, elles se font ordinairement par les compositeurs en conscience, qui sont des ouvriers capables d’aider le prote dans ses fonctions ; ou si c’est le compositeur qui les fait, il en est dédommagé à proportion du tems qu’il y a employé. La derniere épreuve étant corrigée, il porte les formes aux ouvriers de la presse qui doivent les tirer, & son ministere est entierement rempli pour cette feuille. Voyez Composition, Compositeur, & les mots marqués en lettres italiques. Voyez aussi, pour tout ce qui entre dans la composition, comme reglets, filets, vignettes, fleurons, lettres de deux points, &c. ces articles à leur ordre alphabétique.

Impression. Quoique les opérations du compositeur pour la préparation des formes soient longues & demandent beaucoup d’attention, cependant son travail demeureroit dans l’obscurité sans le secours des ouvriers de la presse ; c’est la presse qui donne pour ainsi dire le jour & la publicité à l’ouvrage du compositeur : mais auparavant il y a plusieurs fonctions à faire, qui se partagent entre les deux compagnons, y ayant ordinairement deux ouvriers à chaque presse ; on les distingue par les noms de premier & de second.

Les fonctions des ouvriers de la presse sont de tremper le papier & le remanier, préparer les cuirs pour les balles, monter les balles & les démonter, laver les formes, mettre en train, &c.

Préparation du papier. L’imprimeur, après avoir mis des cuirs dans l’eau, pour l’usage dont nous parlerons dans la suite, doit tremper son papier ; & il le doit faire avec d’autant plus d’attention, que la bonne préparation du papier est une des choses qui contribuent principalement à la bonté de l’impression. Mais avant de le tremper, il doit s’informer, s’il y en a eu déja d’employé, combien de fois il le faut tremper la main. Si c’est la premiere fois qu’on en emploie, il examinera le format & le caractere de l’ouvrage ; parce que si le format est grand & le caractere petit, le papier doit être plus trempé que quand le format est petit & le caractere gros. Il y a même quantité de petits ouvrages, comme billets de mariage, billets de bout-de-l’an, avertissemens de communauté, quittances, &c. qui s’impriment à sec. Il examinera ensuite la qualité du papier, s’il est collé ou s’il ne l’est pas, une main de papier collé devant être trempée plus de fois qu’une main de papier non-collé, parce que le papier collé prend beaucoup moins d’eau, & que l’eau le pénetre peu. Il compte ensuite son papier & le partage par dix mains, qui doivent faire quand les mains sont à 25, deux cent cinquante feuilles ou une marque : les quatre marques font un mille. C’est un soin que

l’imprimeur doit prendre pour savoir si son papier est juste, & si celui qui le lui a donné ne s’est pas trompé. S’il lui manque quelques mains, il doit les demander, pour éviter les défets, qui malgré les soins ne sont toûjours que trop considérables.

Dans toutes les imprimeries il y a une bassine de cuivre ou un bacquet de bois ou de pierre, qui peut contenir trois ou quatre voies d’eau ; l’eau doit être nette : l’eau de fontaine ou de riviere est préférable à l’eau de puits. L’imprimeur étend d’abord une maculature grise sur une table ou sur un ais à côté de la bassine. Cette table doit être unie & ne doit pencher d’aucun côté, afin qu’en trempant le papier, l’eau ne se porte pas plus d’un côté que d’un autre. Dessus la maculature grise l’imprimeur doit mettre une maculature blanche, parce que la feuille blanche ou imprimée qui se trouve immédiatement dessus ou dessous la maculature grise, est presque toûjours gâtée, la maculature grise lui communiquant des taches. L’imprimeur jette avec la main un peu d’eau sur ces deux maculatures, plus ou moins selon qu’il le juge à propos. Ensuite d’une main il prend une main de papier par le dos, & par la tranche de l’autre main ; il la plonge d’une main par le dos dans l’eau, plus ou moins profondément & plus ou moins vîte en raison du caractere de l’ouvrage & de la qualité du papier, la retire de l’eau, & avec les deux mains la met vîte sur la maculature blanche, le dos de la main au milieu, en sépare sept à huit feuilles, les étend ; reprend par le dos le reste de la main, le plonge dans l’eau, le retire, le met sur la partie qui vient d’être trempée, en sépare sept à huit feuilles & les étend ; reprend encore par le dos le reste de la main, le plonge dans l’eau, le retire, l’ouvre juste par le milieu, & l’étend sur les deux parties qui viennent d’être trempées. Il prend une autre main de papier & la trempe de même, puis encore une autre, & la trempe encore de même, & ainsi de suite jusqu’à la quantité de quatre ou cinq marques, qui font mille ou douze cent cinquante feuilles, observant à chaque marque de plier une feuille en biais par le coin, de façon que le coin déborde le papier de huit ou dix lignes ; cette feuille ainsi pliée sert à marquer le papier, c’est-à-dire à le partager en marques, prenant garde qu’il ne se fasse des plis au papier, & ayant grand soin d’appuyer de tems en tems les deux mains sur le milieu du papier pour abaisser les dos : sans cette attention il se feroit une élévation au milieu qui empêcheroit l’eau d’y pénétrer, & qui la feroit s’écouler uniquement vers les bords ; d’où il s’ensuivroit que les bords du papier seroient plus trempés que le milieu. Nous avons supposé que le papier devoit être trempé trois fois la main. Quand il ne faut le tremper que deux fois, après avoir plongé la main dans l’eau, on en sépare dix ou douze feuilles, & on les étend ; on prend le reste de la main, on le plonge dans l’eau, on l’ouvre juste par le milieu, on l’étend, & la main est trempée deux fois. Il y a du papier qu’on ne trempe qu’une fois la main ; il y en a d’autre qu’on trempe trois fois les deux mains ; pour cela on trempe alternativement une main deux fois, & l’autre main une fois. Quand l’imprimeur a trempé son papier, il met dessus une maculature blanche, puis une maculature grise, sur laquelle il jette de l’eau avec la main autant qu’il le juge nécessaire ; ensuite il le met sur un ais aux environs de sa presse, met un autre ais par-dessus, avec une pierre ou un poids de quarante ou cinquante livres pour le charger. Si le papier est collé, l’imprimeur ne le charge pas tout de suite ; il le laisse quelque tems pour prendre son eau.

Remanier le papier. Sept à huit heures après que le papier a été trempé, il faut le remanier, c’est-à-dire changer la position des feuilles relativement les