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pû se relever, & qu’elle fut dissoute à l’expiration de son second octroi, le 20 Septembre 1674. Alors il se forma une nouvelle compagnie composée des anciens participans & de leurs créanciers ; c’est cette compagnie qui subsiste aujourd’hui, mais seulement avec quelques médiocres établissemens en Afrique, une portion dans la société de Surinan, & le reste de son commerce est presque réduit à une traite de Negres dans le peu de terrein qu’elle possede en Amérique. (D. J.)

Indes Orientales, compagnie des…… en Danemark, (Commerce.) Je me propose de tracer ici l’établissement, les vicissitudes & l’état présent de la compagnie des Indes orientales en Danemark : ce sera l’extrait fort abrégé d’un mémoire très-curieux sur ce sujet, que M. le comte d’Eckelbath, ci-devant ministre de S. M. D. en France, a bien voulu me communiquer, & pour lequel je lui renouvelle mes remerciemens.

Chrétien IV, roi de Danemark, voyant les avantages que des puissances voisines tiroient de la navigation de l’Inde, résolut d’encourager ses sujets à entreprendre ce même commerce : il y réussit, & il se forma sous ses yeux la premiere compagnie des Indes Orientales en Danemark, à laquelle il donna, par sa déclaration du 17 Mars 1616, un octroi pour 12 ans, lui accorda un privilege exclusif, lui fit présent des bâtimens nécessaires pour servir de magasins, lui permit d’employer des pilotes & des matelots de sa flotte, s’intéressa dans cette compagnie, & engagea les seigneurs de sa cour d’en faire autant, en assignant une part sur leurs appointemens pour être jointe au fonds de la compagnie.

Comme on s’occupoit à équiper trois vaisseaux, qui devoient partir pour les Indes sous la conduite de Roland Crape, & pour tenter d’obtenir de quelque prince indien la permission de fonder un établissement sur la côte de Coromandel ; un évenement favorable augmenta les espérances de l’entreprise.

Jean de Wesseck, directeur du comptoir hollandois de Caliacatta & de la côte de Coromandel, envoya en 1611 Marcellus Bosckhouwer, son facteur, à Ceylon, muni de lettres de créance du prince Maurice d’Orange & des états généraux, pour y négocier un traité de commerce avec l’empereur de Candy, le premier & le plus puissant des rois de Ceylon. Sa négociation fut heureuse, il la termina favorablement ; mais quand il voulut s’en retourner, l’empereur, qui l’affectionnoit, lui en refusa la permission, sous prétexte qu’il devoit rester en sa cour, en qualité de ministre ou d’otage, jusqu’à ce que sa nation eût rempli les conditions du traité, & fourni les troupes & l’artillerie stipulées pour chasser les Portugais de son empire. Cependant les Hollandois, déja assez occupés de leurs guerres dans l’Inde, négligerent cette affaire, & le secours promis n’arriva point.

Pendant ce tems-là Bosckhouwer s’avançoit toujours dans les bonnes graces de l’empereur Cenuwieraat Adascyn, qui l’élevoit aux plus grandes dignités. Il fut fait prince de Migomme, de Kokelecor, d’Anangepare & de Mivitigale, chevalier de l’ordre du soleil d’or, président du conseil de guerre, premier ministre de toutes les affaires, & amiral général des forces maritimes. Tel est le titre fastueux qu’il se donne dans sa lettre écrite au roi Chrétien IV, datée du cap de Bonne-Espérance le 27 Juillet 1619.

Bosckhouwer passa quatre années à la cour de Candy ; mais voyant que les Hollandois ne pensoient plus à lui, & s’ennuyant d’un esclavage honorable, il persuada l’empereur de lui permettre d’aller lui-même hâter le secours promis, & au cas qu’il ne pût l’obtenir des Hollandois, d’en traiter avec d’autres nations. L’empereur lui fit expédier des pleins pouvoirs pour toutes les puissances avec

lesquelles il jugeroit à-propos de négocier, & Bosckhouwer, chargé de ses lettres, partit de l’isle de Ceylon en 1615.

Il se rendit d’abord aux établissemens des Hollandois dans l’Inde ; mais les trouvant par-tout en guerre, & par conséquent hors d’état de faire une nouvelle entreprise, il passa la même année en Europe, & arriva en Hollande. La métamorphose d’un facteur en prince, les airs qu’il se donnoit, & le cérémonial qu’il exigeoit, déplurent à la compagnie des Indes & à ses anciens maîtres. Il en fut piqué ; & apprenant qu’on travailloit en Danemark à l’établissement d’une nouvelle compagnie des Indes, il partit pour Copenhague, & y arriva au mois de Juin 1617 avec sa femme, dite la princesse de Migomme.

Bosckhouwer fut bien reçu du roi de Danemark, qui accepta la proposition d’un traité avec l’empereur de Candy, & le signa le 2 d’Août 1618. En conséquence sa majesté fit armer deux vaisseaux de guerre, l’Elephant & le Christian, avec la Yacht l’Oresund, & en donna le commandement à Ove Giedde, alors âgé de 26 ans, qui mourut en 1661 amiral & sénateur du royaume. La compagnie arma de son côté le David, la Patience & le Copenhague. Tous ces vaisseaux partirent du Sond le 29 Novembre 1618, & firent route ensemble jusqu’au-delà du cap de Bonne-Espérance, où Roland Crape se sépara de M. de Giedde, & se rendit avec les trois vaisseaux de la compagnie, sur la côte de Coromandel, pour laquelle il étoit destiné.

Après une navigation fort pénible, M. de Giedde arriva le 16 Mai 1620 sur les côtes de Ceylon, & le 12 Juin il jetta l’ancre au port de Cotjares, situé dans la baie de Trinquemale. Les Portugais, qui vouloient encore faire les maîtres de la mer de l’Inde, lui avoient enlevé le Yacht l’Oresund. Mais ce qui dérangea le plus cette expédition, ce fut le décès de Bosckhouwer, qui, après avoir doublé le cap, mourut à bord de M. de Giedde.

L’empereur de Candy reçut d’abord assez bien les Danois, & fit rendre plusieurs honneurs à leur amiral ; mais ayant appris la mort de son ministre, que selon les apparences on avoit eu soin de lui cacher en arrivant, il changea de sentiment, refusa de ratifier le traité, & accusa Bosckhouwer d’avoir passé les bornes de son pouvoir, & d’avoir promis au delà de ce qu’il étoit possible d’exécuter. Les Portugais de leur côté appuyerent sous main les sentimens de l’empereur, & lui offrirent leur assistance en cas que ces nouveaux hôtes voulussent entreprendre de le chagriner.

M. de Giedde, après être resté quatre mois sans fruit à Ceylon, partit du port de Cotjares, & arriva à Tranquebar, sur la côte de Coromandel, le 25 d’Octobre 1620. En quittant la rade, il eut le malheur de voir son vaisseau le Christian toucher & s’engrever tellement, qu’il fut obligé de l’abandonner. Les Portugais en profiterent, & garnirent des canons qu’ils tirerent de ce navire, un fort qu’ils construisirent dans la baie de Trinquemale immédiatement après le départ des Danois.

Roland Crape, pendant ce tems-là, avoit fait son trajet fort heureusement. Arrivé à la côte de Coromandel, il s’arrêta devant Carikal, ville maritime du Tanjour, y mit pié à terre, & se rendit auprès du Naïcke, ou prince Malabare, nommé Ragounade, duquel il obtint en propre pour la compagnie, le village de Trangambar, aujourd’hui Tranquebar, à un mille & demi au nord de Carikal. Il y fit bâtir des habitations & un comptoir en maçonnerie, qu’il assura du côté de la terre par deux bastions garnis de fauconneaux, & enferma la place d’un bon mur. Il jetta encore les fondemens d’une citadelle à quatre bastions, & lui donna le nom de Dansborg. Elle