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Après avoir pris tous ces arrangemens, pourvu à la sûreté de la colonie, & fait prêter le serment à Roland Crape & aux autres officiers, il mit à la voile avec le vaisseau l’Eléphant, resta quelque-tems sous Ceylon, arriva à la rade de Copenhague le 30 Mars 1622, & y fut suivi un mois après par le vaisseau le David, capitaine Niels Rosemkranz, chargé pour le compte de la compagnie.

Ce commerce naissant donna d’abord quelque jalousie aux Hollandois, & les états généraux défendirent à tous leurs sujets de s’y intéresser, sous peine de confiscation de leurs biens. Cependant, sur les représentations de M. Carisius, ministre du roi de Danemark, il fut sursis à l’exécution de ces ordonnances, & on lui déclara qu’on agiroit là-dessus d’accord avec les Anglois, & qu’on suivroit leur exemple. Le ministre résident du roi à Londres, le sieur Sinkler, soutenu par M. Carisius, qui y passa en 1619, firent si bien auprès du roi Jacques I. qu’il donna permission à tous ses capitaines expérimentés dans la navigation, aux pilotes & aux matelots de s’engager au service de la compagnie danoise lorsqu’elle pourra en avoir besoin.

Toutefois comme le fonds de la compagnie n’étoit encore en 1624 que de 189614 reichsdahlers, cette somme se trouva presque absorbée par les acquisitions & les établissemens aux Indes ; de sorte que le roi soutint lui seul la dépense de ce commerce à ses propres frais pendant plusieurs années.

En 1639 il nomma quatre directeurs, du nombre desquels étoit Roland Crape & Guillaume Leyel, natif d’Elsenoër, qui avoit longtems parcouru la Perse & les Indes. Cette nouvelle direction expédia deux vaisseaux, le Soleil, commandé par Clans Rytter, & le Christianshaven par M. Leyel ; mais l’un de ces deux vaisseaux périt aux Dunes à son retour en 1644, & l’autre fut jetté aux isles Canaries, où le gouverneur espagnol s’en empara.

Leyel ayant cependant trouvé le moyen de se rendre à Tranquebar, acheva les fortifications de Dansborg, continua avec les trois vaisseaux qu’il avoit, le commerce de Ceylon & autres endroits de l’Inde ; accueillit les Portugais, qui, expulsés & pourchassés par les Hollandois, se réfugioient à Tranquebar, & leur permit d’y bâtir une église. Il manda ces petits succès en cour, & fit dans ses derniers rapports, datés du 15 Novembre 1646, des mémoires qui marquoient beaucoup de connoissances & de lumieres. Mais le roi Chrétien IV. décéda le 28 Février 1648, & les guerres occuperent trop le commencement de Fréderic III. pour qu’on pensât à Copenhague aux affaires de Tranquebar.

Leyel mourut peu de tems après. Ses successeurs se brouillerent avec le Naïck de Tanjour, qui en 1648, mit le siége devant Tranquebar, afin de venger un more employé à la douane, & chassé pour ses malversations. Cependant on trouva le moyen d’appaiser le Naïck ; mais la colonie dépérissoit sans ressource faute de secours d’Europe, & ne se soûtenoit que par un petit commerce avec l’intérieur du pays, ayant des démêlés continuels avec les Indiens pour celui de Bellesor ; en un mot, les Danois s’y éteignirent peu-à-peu, de sorte qu’en 1665, il n’en resta vivant qu’un seul homme, Eskild Andersen, qui de canonnier qu’il avoit été, fut proclamé commandant par les habitans. Celui-ci engagea un sergent, nommé Gert von Hagen, qui servoit alors à Nagapatnam, de porter en Danemark le triste tableau de leurs miseres ; c’est ce qu’il exécuta fidellement.

Il arriva à Copenhague en 1668, & ses dépêches disposerent le roi Fréderic III. à faire équiper une

frégate pour y transporter une centaine de personnes. Henri Eggers fut envoyé en qualité de commandant. La frégate mouilla heureusement devant Tranquebar en 1669, & y fut reçue avec une joie inexprimable ; mais cette petite recrue ne put rétablir un commerce qui étoit éteint.

Cependant au commencement du regne de Chrétien V. il se forma une nouvelle compagnie des Indes, qui, le 28 Novembre 1670, obtint un octroi pour 40 ans. Le fonds de cette compagnie consistoit en vaisseaux & effets, dont S. M. lui fit présent, estimés 79073 reichsdahlers. Les intéressés y ajoûterent pour premier paiement la somme de 162800 écus de banque.

En 1673 la compagnie commença à expédier ses vaisseaux pour l’Inde. Les premieres années furent assez favorables. En 1680 on avoit partagé entre les intéressés, tous frais faits, 48840 écus ; mais ensuite la perte du vaisseau le Dansborg, qui périt sous les isles de Ferroë, & qu’on n’avoit pas fait assurer, fit tomber ses actions : les intéressés augmenterent néanmoins leur fonds de 12 pour cent, 20963 écus de banque. Enfin leur commerce essuya un échec terrible en 1682, par la perte de la loge de Bantam, où les Hollandois avoient tellement gagné le dessus, qu’ils en avoient expulsé les Danois aussi bien que les Anglois.

Le roi, pour relever le courage abattu de la malheureuse compagnie, lui fit présent en 1685 de quatre frégates, & envoya à Tranquebar, en qualité de son commissaire, Wulff Henri de Callnein, lieutenant-colonel d’infanterie. Cet officier remporta de grands avantages dans la guerre que la colonie eut à soûtenir contre les Mores, & depuis 1688 jusqu’en 1698, les intéressés eurent un revenant-bon de 217747 écus. Dans la même année 1698, la paix se conclut avec les mores de Bengale ; & le roi, pour animer le commerce de l’Inde, prolongea pour 40 ans l’octroi donné en 1670 ; ce qui fut confirmé par Fréderic IV.

Depuis 1699 jusqu’en 1709, le négoce de l’Inde rendit encore 189665 écus, ensuite il tomba totalement. La peste, la guerre, les troubles dans l’Inde, le second siége que le Naïck de Tanjour mit devant Tranquebar en 1698, la mauvaise conduite de plusieurs officiers & employés, la perte de 13 de ses vaisseaux, & sur-tout celle de la plûpart de ses établissemens, acheverent de ruiner la compagnie, au point que ne pouvant plus se soûtenir, & ne voyant pas de moyens de se relever, les intéressés abandonnerent entierement le négoce de l’Inde en 1729, & se séparerent en 1730, en remettant au roi son octroi, qui avoit encore 20 ans à courir. Fréderic IV. fut le seul qui ne perdit point courage. Il tenta de faire continuer un commerce qu’il ne voyoit abandonné par ses sujets qu’avec beaucoup de regret ; & quelques particuliers s’étant associés de nouveau par ses pressantes sollicitations, il leur fit expédier une permission d’envoyer deux vaisseaux à Tranquebar, & les deux vaisseaux mirent à la voile.

Jusqu’ici la compagnie danoise s’étoit bornée au commerce de l’Inde, sans avoir essayé en droiture celui de la Chine, qui, depuis qu’il est connu, a toûjours passé pour le plus riche de tous ceux de l’Asie. Cette même année un nommé Pieter Baschers, natif de Bremen, qui avoit longtems vécu dans l’Inde, vint à Copenhague, & présenta un plan pour former ce commerce, & le réunir avec celui de Tranquebar. Ses propositions furent goûtées, & S. M. accorda à ceux qui s’y intéresseroient deux octrois, l’un du 10 Février, & l’autre du 15 Mars 1730. On dressa la maniere de former les souscriptions, & les associés de l’année précédente eurent la préférence d’y prendre telle part qu’il leur plairoit.