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foliis, Breyn. Prodr. 2. 91. Ameri, Hort. Malab. 1. 926. Phaseolus americanus, vel Brasilianus sextus, C. B. P. 242. Isatis indica, foliis rorismarini glasto affinis, ejusdem 113. Hin awaru, polygala indica, ex quâ indigo minor, Herm. Mus. Zeil. 43. Indicum, Offic. Dapper appelle cette plante banquets. Les Anglois la nomment the indigo plant, & les François indigotier.

Ses caracteres. Cette plante est de courte durée ; ses feuilles sont rangées par paires, sur une côte terminée à l’extrémité par une seule feuille ; ses fleurs sont du genre des fleurs légumineuses, pour la plûpart disposées en épis, & composées de cinq pétales ; le pétale supérieur ou l’étendard est plus large que les autres ; les pétales inférieurs sont courts & terminés en pointe. Au milieu de la fleur, est situé le pistil, qui devient ensuite une gousse articulée, contenant une graine cylindrique dans chaque cellule exactement fermée.

Ses especes. Il y a trois especes connues d’indigotier.

1°. Anil, sive indigo americana, siliquis in faculoe modum contortis. Marchand, Mém. de l’acad. royale des scien. ann. 1718.

2°. Anil, sive indigo, americana, fruticosa, argentea, floribus è viridi purpureis, siliquis falcatis, Coluteæ affinis, fruticosa, argentea, floribus spicatis, è viridi purpureis, siliquis falcatis, Sloan. Cat. Jam.

3°. Anil, sive indigo siliquis latis, aliquantulùm incurvis ; Emerus, Indicus, siliquâ aliquantulùm incurvâ, ex quo indigo, Breyn.

Description de la premiere espece. Comme la premiere espece est la principale ; qu’on lui a vû porter en Europe des fleurs & des graines dans sa perfection, & qu’elle procure le meilleur indigo, j’en vais donner ici la description de M. Marchand, faite d’après nature.

Son port représente une maniere de sous-arbrisseau, de figure pyramidale, garni de branches depuis le bas jusque vers son extrémité, revêtues de plusieurs côtes feuillées plus ou moins chargées de feuilles, suivant que ces côtes sont situées sur la plante.

Sa racine est grosse de trois à quatre lignes de diametre, longue de plus d’un pié, dure, coriace, cordée, ondoyante, garnie de plusieurs grosses fibres étendues çà & là & un peu chevelues, couverte d’une écorce blanchâtre, charnue, qu’on peut facilement dépouiller de dessus la partie interne dans toute sa longueur. Cette substance charnue a une saveur âcre & amere ; le corps solide a moins de saveur, & toute la racine a une légere odeur, tirant sur celle du persil.

De cette racine s’éleve immédiatement une seule tige, haute d’environ deux piés ou davantage, de la grosseur de la racine, droite, un peu ondoyante de nœud en nœud, dure & presque ligneuse, couverte, d’une écorce légerement gercée & rayée de fibres, de couleur gris-cendré vers le bas, verte dans le milieu, rougeâtre à l’extrémité, & sans apparence de moëlle en-dedans.

Les branches & les épis de fleurs sortent de l’aisselle du côté feuillé, & chaque côté selon sa longueur est garni depuis cinq jusque à onze feuilles rangées par paires, à la réserve de celle qui termine la côte, laquelle feuille est unique. Les plus grandes de ces feuilles ont près d’un pouce de long, sur demi pouce de large ; elles sont toutes de figure ovale, lisses, douces au toucher & charnues ; leur couleur est verd foncé en-dessous, sillonnées en-dessus, & attachées par une queue fort courte.

Depuis environ le tiers de la tige jusque vers l’extrémité, il sort de l’aisselle des côtés des épis de fleurs longs de trois pouces, chargés de douze à

quinze fleurs, alternativement rangées autour de l’épi. Chaque fleur est composée de cinq pétales, disposés en maniere de fleurs en rose, plus ou moins foiblement teintes de couleur de pourpre, sur un fond verd blanchâtre ; le milieu de la fleur est garni d’un pistil verd.

La fleur n’a point d’odeur, mais les feuilles de la plante étant froissées ou mâchées ont une odeur & une saveur légumineuse. Lorsque les pétales sont tombés, le pistil s’allonge peu-à-peu, & devient une silique cartilagineuse, courbée, longue de plus d’un pouce, articulée dans toute sa longueur ; cette silique étant mûre est de couleur brune, lisse, & luisante en-dehors, blanchâtre en-dedans, & contient six à huit graines, renfermées dans des cellules séparées par de petites cloisons membraneuses. Les graines sont cylindriques, fort dures, & d’un goût légumineux.

La seconde espece s’éleve à la hauteur de cinq ou six piés, & peut subsister deux ou trois ans, mise en hiver dans une bonne serre. On pourroit la cultiver par-tout, où la premiere manqueroit.

La troisieme espece se cultive comme la premiere, & est employée indifféremment avec elle dans les Indes à la préparation de l’indigo.

Culture de l’indigotier en Europe par les curieux. Cette plante est annuelle en Europe. On dit qu’elle dure deux années dans les Indes occidentales, dans le Brésil & au Mexique, où on la cultive en abondance, ainsi qu’on fait depuis long-tems dans l’Egypte, au Mogol, &c.

On seme ici cette plante sur couche au printems, & quand elle a poussé des rejettons à la hauteur de deux ou trois pouces, on les transporte dans de petites caisses remplies de bonne terre, & on plonge ces caisses dans un lit chaud de tan. Quand ces plantes ont acquis quelque force, on leur donne beaucoup d’air, en ouvrant les vitrages des caisses, & au mois de Juin elles produisent des fleurs, qui sont bientôt succédées par des siliques.

Son utilité pour les arts. Quelles que soient les prétendues vertus médicinales qu’on lui attribue, selon Commelin, aux Indes, nous ne les reconnoissons point en Europe, & nous nous contentons d’admirer les usages réels qu’on a su tirer de tems immémorial de la fécule de cette plante.

On appelle ses feuilles préparées inde & indigo, drogue qui est si utile aux Peintres & aux Teinturiers, qu’ils ne sauroient s’en passer pour leur bleu. L’inde donne cette couleur en peinture étant broyé & mêlé avec du blanc, & il donne une couleur verte étant broyé avec du jaune ; les Blanchisseuses en emploient pour donner une couleur bleuâtre à leur linge, & les Teinturiers s’en servent avec le voüéde pour faire leur beau bleu.

Les anciens n’ont point connu l’origine de l’indigo. Pline croit que c’est une écume de roseaux, qui s’attache à une espece de limon qui est noir quand on le broie, & qui fait un beau brun mêlé de pourpre quand on le délaye. Dioscoride pense que c’est une pierre, mais aujourd’hui nous savons non-seulement que l’indigo est une fécule, ou un suc épaissi qu’on tire aux Indes par artifice de la tige & des feuilles de l’indigotier ; nous sommes encore très instruits de la manœuvre de l’opération.

Comme le détail en est fort curieux, & qu’il intéresse le commerce, les Arts, la Physique & la Chimie, j’ai tâché d’en puiser quelques lumieres dans les meilleures sources.

Culture de l’indigotier aux Indes pour le commerce. Pour éviter toute équivoque, je nommerai anil ou indigotier la plante ; & inde ou indigo la fécule qu’on en tire, & dont on fait tant d’usage. Les Espagnols nomment cette fécule anillo.