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qui cæteris sacra, &c. La vanité rend indiscret. Mais l’indiscrétion n’est pas seulement relative à la confiance ; elle s’étend à d’autres objets. On dit d’un zele qu’il est indiscret ; d’une action qu’elle est indiscrete. Cette indiscrétion a lieu dans toutes les circonstances où nous manquons par étourderie ou par faux jugement. Une femme tendre compte sur la discrétion de l’homme qu’elle favorise ; c’est une condition tacite qu’il ne faut jamais oublier, pas même avec son ami. Pourquoi lui confiriez-vous un secret qui n’appartient point à vous seul. Il y a beaucoup d’amans indiscrets, parce qu’il y a peu d’hommes honnêtes. Après l’indiscrétion des amans heureux, la plus commune est celle des bienfaiteurs. Il n’y en a guere qui sentent combien il est doux de savoir seul l’action généreuse qu’on a faite. Que celui même que vous avez secouru l’ignore s’il se peut. Pourquoi appeller en confidence un tiers entre le ciel & vous ? J’aime à me persuader pour l’honneur du genre humain, qu’il y a eu des ames généreuses qui ont gardé en elles-mêmes des actions héroïques pendant toute la vie, & qui sont descendues sous la tombe avec leur secret.

* INDISPENSABLE, adj. (Gram.) il se dit des devoirs & des lois. Un devoir indispensable est celui qu’on ne peut ni omettre ni oublier sans être coupable. Une loi indispensable est celle à laquelle on ne peut se soustraire sans crime. Les secours qu’on doit à son pere & à son ami sont indispensables. L’observation des loix naturelles est indispensable.

* INDISPOSÉ, adj. (Gram.) qui ne jouit pas de toute sa santé, dont le corps a souffert quelque dérangement léger. Il ne faut pas négliger les indispositions, on peut en faire des maladies ; mais il y a peut-être plus de danger encore à les écouter. Combien la nature en auroit guéri d’elle même, si le médecin ne s’y étoit pas opposé !

Indisposé a une autre acception. Il se dit au moral d’un état de l’ame dans lequel les hommes répugnent à faire ce que nous en desirons. Nous les plaçons nous-mêmes dans cet état par maladresse, ou les autres les y placent par méchanceté. S’il y a des fautes qu’on ne peut s’empêcher de punir, il y en a sur lesquelles il faut fermer les yeux ; c’est lorsque les châtimens au lieu de rendre les personnes meilleures, ne serviroient qu’à les indisposer. Dictionn. de Trévoux.

* INDISSOLUBLE, adj. (Gram.) qui ne peut être dissous, rompu. Le mariage est un engagement indissoluble. L’homme sage frémit à l’idée seule d’un engagement indissoluble. Les législateurs qui ont préparé aux hommes des liens indissolubles, n’ont guere connu son inconstance naturelle. Combien ils ont fait de criminels & de malheureux ?

* INDISTINCT, adj. (Gram.) dont toutes les parties ne se séparent pas bien les unes des autres, & ne font pas une sensation claire & nette. On dit que la mémoire ne nous laisse quelquefois des choses éloignées que des notions indistinctes ; mais qu’est-ce que cela signifie ? que nous nous rappellons seulement quelques circonstances d’un fait qui restent isolées, faute d’autres circonstances dont le souvenir est effacé. Il en est de même des images indistinctes que le sommeil nous présente, & des objets que nous n’appercevons que dans un trop grand éloignement. Les figures se séparent ; l’ensemble qu’elles formoient disparoît, & nous n’en pouvons plus juger : c’est une machine desassemblée, & à laquelle il manque encore des pieces.

INDIVIDU, s. m. (Métaphysiq.) c’est un être dont toutes les déterminations sont exprimées. Quand il reste des déterminations à faire dans la notion de l’espece, & qu’on les assigne toutes d’une maniere qui ne répugne pas à l’espece, on parvient à l’individu ;

car l’espece n’exprimant que les choses communes aux individus, omet les différences qui les distinguent. Indiquez-donc ces différences, & vous dépeindrez par-là même l’individu. L’espece de cheval renferme tout ce qui se trouve dans chaque animal de cette espece, certaine figure, proportion de parties ; & ajoûtez-y tel poil, tel âge, telle conformation précisément déterminée, tel lieu où un cheval se trouve, & vous aurez l’idée d’un individu de cette espece ; & voilà le vrai principe d’individuation, sur lequel les scholastiques ont débité tant de chimeres. Ce n’est autre chose qu’une détermination complette, de laquelle naît la différence numérique. Pierre est un homme, Paul est un homme, ils appartiennent à la même espece ; mais ils different numériquement par les différences qui leur sont propres. L’un est beau, l’autre laid ; l’un savant, l’autre ignorant, & un tel sujet est un individu suivant l’étymologie, parce qu’on ne peut plus le diviser en nouveaux sujets qui ayent une existence réellement indépendante de lui. L’assemblage de ses propriétés est tel, que prises ensemble elles ne sauroient convenir qu’à lui. Les scholastiques expriment les circonstances d’où l’on peut recueillir ces propriétés par le vers suivant,

Forma, figura, locus, stirps, nomen, patria, tempus.

Les différentes subtilités qu’ils proposent là-dessus ne méritent pas de nous arrêter ; il vaut mieux lire le chapitre du Traité de l’entendement humain, où M. Loke examine ce que c’est qu’identité & diversité. Je rapporterai ici une partie de ce qu’il dit liv. II. chap. 27, v. 3. « Il est évident que ce qu’on nomme principium individuationis dans les écoles, où l’on se tourmente si fort pour savoir ce que c’est ; il est, dis-je, évident que ce principe consiste dans l’existence même, qui fixe chaque être, de quelque sorte qu’il soit, à un tems particulier, & à un lieu incommunicable à deux êtres de la même espece… Supposons, par exemple, un atôme, c’est-à-dire un corps continu sous une surface immuable qui existe dans un tems & dans un lieu déterminé. Il est évident que dans quelque instant de son existence qu’on le considere, il est dans cet instant le même avec lui-même ; car étant dans cet instant ce qu’il est effectivement, & rien autre chose, il est le même, & doit continuer d’être tel aussi long-tems que son existence est continuée ; car pendant tout ce tems il sera le même, & non un autre… Quant aux créatures vivantes, leur identité ne dépend pas d’une masse composée des mêmes particules, mais de quelque autre chose ; car en elles un changement de grandes parties de matiere ne donne point d’atteinte à l’identité. Un chêne qui d’une petite plante devient un grand arbre, est toûjours le même chêne. Un poulain devenu cheval, tantôt gras, tantôt maigre, est toûjours le même cheval ». Voyez Identité.

INDIVIS, adj. (Jurisprud.) se dit de quelque chose qui n’est pas divisé ou partagé ; on dit en ce sens un héritage indivis, une succession indivise.

Quelquefois par le terme d’indivis simplement on entend l’état d’indivision dans lequel les co-propriétaires jouissent ; on dit en ce sens que plusieurs personnes jouissent par indivis, pour dire qu’ils possedent en commun.

Indivis est opposé à divis ; lorsqu’un héritage est partagé, chacun des co-partageans jouit à part & divis de sa portion.

Pour sortir de l’état d’indivis, il y a deux voies ; savoir, la licitation & le partage. Voyez ci-après Licitation & Partage. (A)

INDIVISIBLE, adj. (Géométrie.) on entend par