Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/737

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me contenterai de faire observer combien on pourroit tirer de lumieres d’une observation exacte des effets de la chaleur ; on pourroit se présenter d’avance le tableau des maladies qui régneront, du caractere générique qu’elles affecteront ; la connoissance qu’on auroit de ces maladies seroit bien plus exacte, & la pratique plus sure. On ne peut qu’applaudir au zele des Medecins qui s’appliquent aux observations météorologiques, tels que les Medecins d’Edimbourg & l’auteur du journal de Medecine à Paris. On pourroit seulement exiger un peu plus de détails, & qu’à mesure qu’on raconte, on fît les applications nécessaires qui se présentent, & sur-tout qu’on comparât les résultats avec ceux d’Hippocrate.

Influence physique de la lune. On a absolument rejetté toute influence de la lune, excepté celle qui dépend de sa gravitation, que nous avons appellée méchanique ; & lorsque les femmes ont objecté qu’elles s’appercevoient que les rayons de la lune brunissoient leur teint, on a fait des expériences pour chercher l’explication d’un fait qui paroissoit assez constaté par la relation des femmes dans un point le plus intéressant pour leur vanité ; on exposa un miroir ardent aux rayons de la lune, qu’on ramassa de façon à leur donner un éclat prodigieux, on mit au foyer un thermometre extrèmement mobile, la liqueur n’en reçut aucune impression, ne monta pas sensiblement ; on en conclut avec raison que les rayons de la lune n’étoient pas capables de produire de la chaleur ; & sur cela on décida qu’ils ne pouvoient pas brunir, & qu’ainsi l’observation des femmes étoit une de ces erreurs populaires que le philosophe doit nier lorsqu’il ne sait pas les expliquer ; il eût été plus sage de bien constater le fait, d’en chercher une autre cause, ou de le croire sans l’approfondir, sans en pénétrer la cause, comme l’on fait dans bien d’autres cas. Voici quelques autres observations qui démontrent cette action physique de la lune, dûe vraissemblablement à sa lumiere : la lumiere ne seroit-elle qu’une émanation ? seroit-elle, comme l’a pensé Hierne, combinée, lorsqu’elle sort de la lune, avec quelques vapeurs, avec quelques corps étrangers ? quoi qu’il en soit, voici le fait. Mathiolus Faber rapporte qu’un jeune mélancholique quelques jours avant l’éclipse de lune, devint plus triste, plus sombre qu’à l’ordinaire, & qu’au moment de l’éclipse il devint furieux, courant de côté & d’autre dans sa maison, dans les rues & les carrefours, l’épée à la main, tuant & renversant tout ce qu’il trouvoit sur ses pas, hommes, animaux, portes, fenêtres, &c. Miss. natur. curiosor. in appendic. dec. II. ann. 19. pag. 49. Baillou raconte qu’en 1691, vers le solstice d’hiver, il y avoit beaucoup de fluxions, de morts subites, especes d’apoplexies, & de sueurs angloises. Au mois de Décembre pendant la nuit, il se fit des changemens inouis, incroyables ; les corps les plus sains étoient languissans ; les malades sembloient tourmentés par des démons, prêts à rendre l’ame ; il n’y avoit d’autre cause apparente qu’une éclipse ; « & comme nous ne l’appercevions pas, ajoute Baillou, nous ne pouvions assez nous étonner de tout ce que nous voyions, nous en ignorions absolument la cause ; mais ces délires soudains, les convulsions inattendues, les changemens les plus considérables & les plus prompts qu’on observa cette nuit dans les maladies, nous firent bien connoître que tous ces troubles étoient excités par les affections du soleil, de la lune & du ciel ». Ramazzini a aussi observé le danger que couroient les malades pendant les éclipses ; il remarque qu’une fievre pétéchiale, épidémique, dont il donne la description, étoit beaucoup plus fâcheuse après la pleine lune & dans les derniers quartiers, & qu’elle s’appaisoit vers la nouvelle lune ; mais que pendant une éclipse

de lune tous ces malades mouroient. Constit. annor. 1692 & 1693. On voit là quelques raisons qui justifient la crainte excessive que certains peuples avoient des éclipses, comme d’un signe de malheurs, opinion qui aussi a été appliquée aux cometes, peut-être pas sans fondement. On observe en Amérique, 1°. que le poisson exposé à la lueur de la lune, perd son goût, & devient mollasse ; les Espagnols l’appellent allunado. 2°. Que les mulets qu’on laisse coucher à la lune dans les prés, lorsqu’ils sont blessés, perdent l’usage de leurs membres, & la blessure s’irrite, ce qui n’arrive pas dans d’autres tems. 3°. Que les hommes qui dorment à la lune sont brisés & rompus à leur réveil ; les plus vigoureux n’y résistent pas : ces faits m’ont été attestés par un témoin oculaire, qui m’a rapporté qu’un de ses amis ajoutant peu de foi à ce que lui racontoient les habitans du pays, s’offrit de passer la nuit à sa fenêtre, bien exposé aux rayons de la lune ; il le fit en effet, & paya bien cher son incrédulité & sa fanfaronnade ; il resta pendant sept à huit jours sans pouvoir remuer ni piés ni mains. Il est fait mention dans les mélanges des curieux de la nature (dec. 1. ann. 1. observ. 19.), d’un vertige excité par les rayons de la lune. Il seroit à souhaiter que des observateurs éclairés & attentifs, s’appliquassent à vérifier & à confirmer ces observations ; peut-être dans le tems des éclipses pourroit-on prévenir les grands accidens qu’elles occasionnent. Dans ces pays les promenades à la lune sont moins nuisibles qu’en Amérique, les amans seuls se plaignent de cette incommode clarté ; si l’on s’y enrhume quelquefois, ou si l’on y prend des douleurs, on ne manque pas de les attribuer au serein ; est-ce avec raison ? ne tomberoit-il pas plus abondamment pendant que la lune luit ?

Influence physique des autres astres. Il ne vient absolument point de chaleur des planetes ni des étoiles fixes ; la lumiere qui s’en échappe est très-foible, très-peu propre à faire quelqu’impression sensible ; nous n’en voyons aussi aucun effet : la production des vents, de la pluie, &c. que Goad & Kook leur attribuent, si elle est réelle, vient sans doute de leur gravitation, & par consequent est une influence méchanique dont il sera question plus bas. L’influence physique des cometes mérite plus d’attention, quoiqu’elle soit assurément dépourvue de toute utilité ; ces especes de planetes peuvent s’approcher d’assez près de la terre pour lui faire éprouver & à ses habitans l’activité de leur influence. Voyez les ingénieuses conjectures de M. de Maupertuis. Voyez l’article Comete.

Influence méchanique du soleil. II. Cette influence est fondée sur l’action constante qui porte les planetes les unes vers les autres, & toutes vers le soleil, qui est à son tour attiré par chacune ; l’influence méchanique du soleil sur la terre n’est point un probleme, c’est un fait très-décidé ; c’est en obéissant à cette influence que la terre résistant à chaque point à sa force de projection, est comme obligée de former une courbe autour du soleil ; ses effets, quoique très réels sur l’homme, sont trop constans & trop nécessaires pour être beaucoup sensibles ; le mouvement de rotation de la terre ne fait de même sur eux aucune impression, cette influence croissant en raison inverse des quarrés des distances est dans certains tems beaucoup plus forte que dans d’autres. Les différences les plus remarquables s’observent aux solstices & aux équinoxes ; dans ces tems précisément on a apperçu quelques phénomenes, quelques variations dans les maladies, qu’on a jugé inexplicables, & tout de suite fausses, & qui pourroient vraissemblablement être rapportées à cette cause. Le tems des équinoxes est fort contraire aux phtisiques, aux hectiques, à ceux qui sont dans des fievres lentes ;