L’Encyclopédie/1re édition/COMETE

La bibliothèque libre.
COMETÉ  ►

COMETE, s. f. (Physiq. & Astron.) corps céleste de la nature des planetes, qui paroît soudainement & disparoît de même, & qui pendant le tems de son apparition se meut dans une orbite de même nature que celles des planetes, mais très-excentrique. Voy. Etoile & Planete.

Les cometes sont distinguées principalement des autres astres, en ce qu’elles sont ordinairement accompagnées d’une queue ou traînée de lumiere toûjours opposée au soleil, & qui diminue de vivacité à-mesure qu’elle s’éloigne du corps de la comete. C’est cette traînée de lumiere qui a occasionné la division vulgaire des cometes en cometes à queue, à barbe, & à chevelure : mais cette division convient plûtôt aux différens états d’une même comete, qu’aux phénomenes distinctifs de différentes cometes.

Ainsi lorsque la comete se meut à l’orient du soleil & s’en écarte, on dit que la comete est barbue, parce que sa lumiere va devant elle. Voyez Barbe.

Quand la comete va à l’occident du soleil & qu’elle le suit, on dit que la comete a une queue, parce que sa lumiere la suit.

Enfin quand la comete & le soleil sont diamétralement opposés (la terre étant entre eux), la traînée de lumiere qui accompagne la comete étant cachée par le corps de la comete, excepté les parties les plus extérieures qui débordent un peu la comete & l’environnent, on dit que la comete a une chevelure. Voyez la fig. 25. Planch. astr.

Nature des cometes. Les Philosophes ont été fort embarrassés sur la nature des cometes, à cause de la rareté de ces astres, & des irrégularités apparentes de leurs phénomenes. Avant Aristote on regardoit les espaces célestes comme remplis d’un nombre infini d’étoiles qui avoient chacune leur mouvement particulier, & dont la plûpart étoient trop éloignées ou trop petites pour pouvoir être apperçûes ; & l’on s’imaginoit qu’un certain nombre de ces petites étoiles venant à se rencontrer, & à ne faire pour les yeux qu’une seule masse, elles formoient par ce moyen l’apparence d’une comete, jusqu’à ce qu’elles se séparassent pour continuer leurs cours. Mais comment se peut faire la rencontre & la réunion de ces étoiles ? comment peut-il en naître un corps en forme de queue qui s’oppose toûjours au soleil, & comment ces étoiles peuvent-elles ensuite se séparer après la reunion ? c’est ce qui est difficile à concevoir.

Aristote a aisément réfuté cette hypothese, & lui en a substitué une autre où il prétend que les cometes sont des feux passagers, ou des météores composés d’exhalaisons élevées au-dessus de la région de l’air dans le lieu où, suivant lui, est le feu ; & il regardoit dans cette hypothese les cometes comme beaucoup au-dessous de la lune.

Cette hypothese n’a cependant pas plus de réalité que la premiere ; car il en résulte que la lumiere de la comete est indépendante du soleil ; d’où il s’ensuit évidemment que cette lumiere devroit se répandre de tous les côtés sans se disposer en forme de queue, ainsi qu’il arrive réellement : d’ailleurs, les cometes sont apperçûes en même tems des endroits de la terre les plus éloignés ; elles sont par conséquent fort élevées au-dessus de l’atmosphere terrestre, au contraire de ce qui arrive à l’égard de quelque météore que ce soit formé dans notre air, à cause de son peu d’élevation au-dessus de la surface de la terre.

De plus le peu de parallaxe des cometes prouve qu’elles sont à une plus grande hauteur que la lune. On peut prendre pour exemple la comete de 1577 : Tycho Brahé l’observoit à Uranibourg, & Hagecius à Prague en Bohème, c’est-à-dire à environ 150 lieues sous le même méridien. Or ils trouverent que la distance de la comete à la luisante du vautour étoit la même au même instant : d’où ils ont conclu que la comete n’avoit point de parallaxe sensible ; & comme la lune en a une fort considérable, il s’ensuit que cette comete étoit fort au-delà de la lune par rapport à la terre. Voyez les inst. astr. de M. le Monnier.

Comme c’est par le défaut de parallaxe du mouvement diurne qu’on est parvenu à prouver que les cometes étoient dans des régions fort au-dessus de la lune, c’est au contraire par la quantité observée d’une autre parallaxe, qui est celle de l’orbe annuel, qu’on peut prouver que ces astres descendent dans la région des planetes. Car les cometes qui s’avancent selon la suite des signes, nous semblent vers la fin de leurs apparitions, ou rallentir trop sensiblement leurs mouvemens, ou même rétrograder, & cela lorsque la terre est entre elles & le soleil. Au contraire elles paroissent se mouvoir trop rapidement, si la terre est en opposition, c’est-à-dire si elles se trouvent en conjonction avec le soleil : or c’est précisément ce que nous observons à l’égard des planetes. D’un autre côté celles qu’on nomme rétrogrades, parce qu’elles se meuvent en effet contre l’ordre des signes, semblent plus rapides vers la fin de leur apparition, si la terre est entre elles & le soleil. Enfin elles paroissent ou rallentir très-sensiblement leur cours, ou même rétrograder, si la terre est dans une situation opposée, c’est-à-dire si la comete paroît en conjonction avec le soleil. Il est donc aisé de voir que la cause de ces apparences est le mouvement de la terre dans son orbite, de la même maniere qu’il arrive à l’égard des planetes : car selon que le mouvement de la terre se fait dans le même sens, ou est contraire à celui de la planete, elle paroît tantôt rétrograder, tantôt se mouvoir trop lentement, & avec trop de rapidité. Newton, l. III.

Hevelius qui a fait un grand nombre d’observations sur les cometes, prétend qu’elles sortent du soleil, que ce sont les exhalaisons les plus grossieres que produit cet astre, & qu’elles sont de même nature que les taches du soleil.

Kepler pense, comme Aristote, que les cometes sont des exhalaisons, & croit qu’elles sont dispersées sans nombre dans le ciel ; & que si elles ne sont pas toutes visibles, c’est à cause de leur petitesse, ou parce qu’elles sont long-tems sous l’horison.

Mais indépendamment de la réfutation précédente, M. Newton a fait voir la fausseté de cette hypothese, en prouvant que la comete de 1680 auroit été entierement dissipée dans son passage auprès du soleil, si elle n’avoit été qu’un corps composé d’exhalaisons, soit du soleil, soit des planetes ; car la chaleur du soleil, comme on le sait, est en raison réciproque des quarrés des distances du soleil ; & la distance de cette comete au soleil dans son périhelie le 8 Décembre, étoit à la distance de la terre au soleil comme 6 à 1000 : d’où il suit que la chaleur communiquée par le soleil à la comete, devoit être alors à celle qu’on éprouve sur la terre au milieu de l’été, comme 1000000 à 36, ou comme 28000 à 1 : sachant ensuite par l’expérience que la chaleur de l’eau bouillante est un peu plus que triple de celle de la terre échauffée par les rayons du soleil au fort de l’été, & prenant la chaleur du fer rouge pour trois ou quatre fois plus grande que celle de l’eau bouillante, il en conclud que la chaleur du corps de la comete dans le tems de son périhelie, devoit être 2000 fois plus grande que celle du fer rouge.

La comete ayant acquis une aussi grande chaleur, doit être un tems immense à se refroidir. Le même auteur a calculé qu’un globe de fer rouge de la grosseur de la terre seroit à peine refroidi en 50000 ans. Ainsi quand même la comete se refroidiroit cent fois plus vîte que le fer rouge, elle ne laisseroit pas encore, à cause que sa chaleur est 2000 fois plus grande, de mettre un million d’années à se refroidir.

Jacq. Bernoulli, dans son Conamen novi systematis cometarum, imagine une planete principale qui fait sa révolution autour du soleil dans l’espace de quatre années & 157 jours, & qui est éloignée de cet astre de 2583 demi-diametres du grand orbe ; il veut que cette planete invisible par l’immensité de sa distance, ou par la petitesse de son disque, soit accompagnée de différens satellites plus ou moins éloignés ; & selon lui, ces satellites descendant quelquefois dans leur perigée aussi bas que l’orbite de Saturne, deviennent alors visibles pour nous, & sont ce que nous appellons cometes.

Descartes pense que les cometes sont des étoiles qui étoient d’abord fixes comme les autres, mais qui s’étant ensuite couvertes de taches & de croûtes, ont à la fin perdu entierement leur lumiere ; & que ne pouvant plus alors conserver leurs places, elles ont été entraînées par les tourbillons des étoiles voisines ; ensorte que suivant leurs différentes grandeurs & solidités elles ont pû être portées jusqu’à l’orbe de Saturne, distance à laquelle recevant les rayons du soleil avec assez de force, elles deviennent visibles. Voyez Cartésianisme.

Mais le peu de vérité de toutes ces hypotheses saute aux yeux par les phénomenes des cometes : nous allons exposer les principaux de ces phénomenes, comme étant la pierre de touche de toutes les théories.

1°. On observe des altérations sensibles dans la vîtesse apparente des cometes, selon qu’elles sont situées par rapport à la terre ; c’est ce que nous avons déjà remarqué plus haut.

2°. Tant que leur vîtesse augmente, elles paroissent décrire à-peu-près de grands cercles ; mais vers la fin de leur course elles s’écartent un peu de ces cercles ; & dans le cas où la terre va du même côté qu’elles, elles paroissent aller du côté opposé.

3°. Elles se meuvent dans des ellipses qui ont le soleil pour un de leurs foyers, & décrivent autour de ce foyer des aires proportionnelles aux tems.

4°. La lumiere de leur corps central ou tête augmente quoiqu’elles s’éloignent de la terre, lorsqu’elles s’approchent du soleil ; & elle décroît au contraire lorsqu’elles s’éloignent du soleil, quoiqu’elles deviennent plus proches de la terre.

5°. Leurs queues sont les plus grandes & les plus brillantes immédiatement après leur périhelie.

6°. Leurs queues s’écartent un peu de la direction du soleil au noyau ou corps de la comete, & se courbent vers le côté que la comete vient de quitter.

7°. Cette déviation, toutes choses égales, est la plus petite lorsque la tête de la comete approche le plus du soleil ; & elle est moindre auprès de la tête que vers l’extrémité de la queue.

8°. Les queues sont un peu plus brillantes & plus distinctement terminées dans leur partie convexe que dans la concave.

9°. Les queues paroissent toûjours plus larges vers l’extrémité qu’auprès du centre de la comete.

10°. Les queues sont transparentes, & les plus petites étoiles peuvent s’appercevoir au-travers.

Ce sont là les principaux phénomenes des cometes, que l’on voit aisément démentir les opinions étranges que les anciens avoient de ces astres, & peu cadrer avec les foibles conjectures de la plûpart des auteurs modernes. A la vérité il y a eu quelques anciens, comme Pline le rapporte, qui ont eu des idées plus justes sur les cometes, qui ont pensé que c’étoient des astres perpétuels qui faisoient leurs révolutions dans des orbites particulieres : il paroît même que les plus anciens philosophes avoient placé les cometes dans ces vastes régions du ciel qui sont au-dessus de l’orbite de la lune, selon le témoignage d’Aristote, de Plutarque, & de divers auteurs tant Grecs que Latins ; c’étoit le sentiment des Pythagoriciens & des autres philosophes de la secte italique ; c’étoit aussi celui d’Hippocrate de Chio, célebre par la quadrature des lunules qui portent son nom (Voy. Lunule) ; c’étoit enfin l’opinion de Démocrite. Séneque nous rapporte au liv. VII. ch. iij. de ses questions naturelles, ce qui en avoit été dit par ce philosophe, l’un des plus ingénieux, & peut-être le plus profond de toute l’antiquité : il dit qu’entre tous les astres qu’on avoit observés, on pourroit soupçonner qu’il y a encore un grand nombre d’autres planetes différentes de celles que nous connoissons ; ce qui doit s’entendre, comme l’on voit, des cometes, que l’on regardoit alors comme des étoiles errantes, c’est-à-dire qu’on mettoit au nombre des planetes. On ignore cependant si le nombre en a été fixé, ni si plusieurs de ces cometes ont été distinguées par des noms particuliers ; il est d’ailleurs incertain si l’on avoit quelque théorie du mouvement des cinq planetes qui nous environnent. Cependant Séneque ajoûte encore qu’Apollonius le Myndien, l’un de ceux qui avoient le plus de connoissance dans la Physique, étoit persuadé que les Chaldéens plaçoient depuis long-tems les cometes au nombre des étoiles errantes, qu’elles avoient un cours reglé, & dans des orbites particulieres qui leur étoient connues. Le même Apollonius soûtenoit aussi que les cometes étoient de véritables astres semblables au soleil & à la lune : leur cours, ajoûte-t-il, ne se fait pas dans l’univers sans être assujetti à quelque loi constante ; elles descendent & remontent alternativement au plus haut des cieux ; mais lorsqu’elles achevent de descendre, il nous est permis de les appercevoir, parce qu’elles décrivent la partie la plus basse de leur orbite.

Séneque paroît avoir adopté ce sentiment : « Je ne suis pas, dit-il, de l’opinion commune sur les cometes ; je ne les regarde pas comme des feux passagers, mais comme des ouvrages éternels de la nature. Chaque comete a un certain espace assigné à parcourir. Les cometes ne sont point détruites, mais elles se trouvent bientôt hors de la portée de notre vûe. Si on les met au nombre des planetes, il semble qu’elles ne devroient jamais sortir du zodiaque. Mais pourquoi le zodiaque renfermeroit-il le cours de tous les astres ? pourquoi les restraindre à un si petit espace ? Le petit nombre des corps célestes, qui sont les seuls qui paroissent se mouvoir, décrivent des orbites différentes les unes des autres ; pourquoi donc n’y auroit-il pas d’autres corps célestes qui auroient chacun leurs routes particulieres à parcourir, quoique fort éloignées de celles des planetes » ? Ce philosophe ajoûte encore qu’il faudroit, pour les reconnoître, avoir recueilli une suite non interrompue d’observations des anciennes cometes qu’on auroit vûes ; mais que faute d’un tel secours, ces observations ne lui étant pas parvenues, & l’apparition des cometes étant d’ailleurs assez rare, il ne croyoit pas qu’il fût possible, dans le siecle où il vivoit, de parvenir à regler leurs mouvemens, ni le tems de leurs révolutions périodiques ; qu’ainsi il ignore entierement le tems de leurs apparitions, & la loi suivant laquelle elles doivent revenir à la même distance de la terre ou du soleil. Enfin il ajoûte : « Le tems viendra que les secrets les plus cachés de la nature seront dévoilés & mis au plus grand jour, par la vigilance & par l’attention que les hommes y apporteront pendant une longue suite d’années. Un siecle ou deux ne suffisent pas pour une aussi grande recherche : un jour la postérité sera étonnée de ce que nous avons cherché l’explication d’un phénomene si simple, sur-tout lorsqu’après avoir trouvé la vraie méthode d’étudier la nature, quelque grand philosophe sera parvenu à démontrer dans quels endroits des cieux les cometes se répandent, & parmi quelles especes de corps célestes on doit les ranger ». Quoique ce passage soit un peu long, j’ai crû devoir le rapporter dans un ouvrage destiné principalement à l’histoire des sciences & de l’esprit. Je l’ai tiré des Inst. astr. de M. le Monnier.

La prédiction de Séneque a été accomplie de nos jours par M. Newton, dont la doctrine est celle-ci.

Les cometes sont des corps solides, fixes, & durables ; en un mot c’est une espece particuliere de planetes qui se meuvent librement & vers toutes les parties du ciel dans des orbites très-excentriques, & faisant de fort grands angles avec l’écliptique. Les cometes perséverent dans leur mouvement, aussi bien quand elles vont contre le cours des planetes ordinaires, que lorsqu’elles se meuvent du même côté ; & leurs queues sont des vapeurs fort subtiles qui s’exhalent de la tête ou noyau de la comete échauffée par la chaleur du soleil. Ce fait une fois établi, explique tous les phénomenes. Car 1°. nous avons déjà fait voir que les irrégularités dans la vîtesse apparente des cometes, viennent de ce qu’elles ne sont point dans les régions des fixes, mais au contraire dans celles des planetes, où suivant qu’elles ont des mouvemens conspirans avec celui de la terre, ou de direction opposée, elles doivent avoir les apparences d’accélération & de rétrogradation que l’on remarque dans les planetes. Voyez Retrogradation, &c.

2°. Si les cometes paroissent se mouvoir le plus vîte lorsque leur course est rectiligne, &c. la raison en est qu’à la fin de leur course, lorsqu’elles s’éloignent directement du soleil, la partie du mouvement apparent qui vient de la parallaxe a dans ce cas une plus grande proportion à la totalité du mouvement apparent ; c’est-à-dire cette partie de leur mouvement apparent qui vient de la parallaxe de l’orbe annuel, devient trop considérable par rapport au mouvement propre de la comete, ou au mouvement qu’elle paroîtroit avoir si la terre demeuroit au même point de son orbe : alors ces astres paroissent se détourner de leur route ordinaire, ou s’écarter de la circonférence d’un grand cercle ; ensorte que si la terre se meut d’un côté, elles semblent au contraire être emportées suivant une direction opposée. Les différence des parallaxes qui sont causées chaque jour par le mouvement de la terre sur son orbe étant donc très-sensibles, l’observation qui en a été faite plusieurs fois a enfin fait conclure que vers le commencement ou la fin de l’apparition des cometes, leur distance n’étoit pas si excessive que quelques philosophes l’avoient supposé, mais qu’elles se trouvoient alors bien au-dessous de l’orbite de Jupiter. De-là on est bientôt parvenu à conclure qu’au tems de leur périgée ou de leur périhelie, les cometes paroissant alors sous un bien plus grand angle, parce qu’elles sont beaucoup plus proches de la terre, elles devoient descendre au-dessous des orbites de Mars & de la terre ; quelques-unes aussi ont descendu au-dessous des planetes inférieures. Inst. astr.

3°. Les cometes, suivant les observations, se meuvent dans des ellipses qui ont le soleil à un de leurs foyers, &c. cela fait bien voir que ce ne sont pas des astres errans de tourbillons en tourbillons, mais qu’elles font partie du système solaire, & qu’elles reviennent sans cesse dans leurs mêmes orbes. Voy. Orbe.

Comme leurs orbites sont très-allongées & très-centriques, elles deviennent invisibles lorsqu’elles sont dans la partie la plus éloignée du soleil.

4°. La lumiere de leur tête augmente en s’approchant du soleil, &c. cela s’accorde avec les phénomenes des autres planetes.

Par les observations de la comete de 1680, M. Newton a trouvé que la vapeur qui étoit à l’extrémité de la queue le 25 Janvier, avoit commencé à s’élever du corps avant le 11 Décembre précédent, & qu’ainsi elle avoit employé plus de quarante-cinq jours à s’élever ; mais que toute la queue qui avoit paru le 10 Décembre s’étoit élevée dans l’espace de deux jours écoulés depuis le périhelie.

Ainsi dans le commencement, lorsque la comete étoit proche du soleil, la vapeur s’élevoit prodigieusement vîte ; & continuant ensuite de monter en souffrant du retardement dans son mouvement par la gravité de ses particules, elle augmentoit la longueur de la queue : & cette queue, malgré l’immensité de son étendue, n’étoit autre chose qu’une simple vapeur exhalée pendant le tems du périhelie ; la vapeur qui s’étoit élevée la premiere, & qui composoit l’extrémité de la queue, ne s’évanoüit que lorsqu’elle fut trop loin du soleil pour réfléchir une lumiere sensible.

On voit aussi que les queues des cometes qui sont plus courtes, ne s’élevent pas d’un mouvement prompt & continuel pour disparoître tout de suite ; mais que ce sont des colonnes permanentes de vapeurs qui sortent de la tête avec un mouvement très-modéré pendant un grand espace de tems, & qui en participant du mouvement qu’elles ont d’abord reçû de la tête, continuent à se mouvoir avec facilité dans les espaces célestes ; d’où l’on peut aisément inférer le vuide de ces espaces. Voy. Vuide.

5°. Les queues paroissent les plus grandes & les plus brillantes immédiatement après qu’elles ont passé près du soleil. Cela suit de ce que le corps central étant alors le plus échauffé doit exhaler le plus de vapeurs.

La lumiere du noyau ou étoile apparente de la comete, fait conclure que ces astres sont dans notre système, & qu’ils ne sont en aucune maniere dans la région des fixes, puisque dans ce cas leurs têtes ne seroient pas plus éclairées par le soleil, que les planetes ne le sont par les étoiles fixes.

6°. Les queues déclinent un peu de la ligne tirée par le soleil & par la comete, en se rapprochant vers le côté que la comete vient de quitter ; parce que toute fumée ou vapeur poussée par un corps en mouvement s’éleve obliquement, en s’éloignant un peu du côté vers lequel va le corps fumant.

7°. Cette déviation est plus petite auprès du corps de la comete que vers l’extrémité de la queue, & est la moindre lorsque la comete est dans sa plus petite distance au soleil ; parce que la vapeur monte avec plus de vîtesse auprès du corps de la comete qu’à l’extrémité de la queue, & qu’elle s’éleve aussi avec plus de vîtesse lorsque la comete est plus proche du soleil.

8°. La queue est plus brillante & mieux terminée dans sa partie convexe que dans sa partie concave ; parce que la vapeur qui est dans la partie convexe s’étant élevée la premiere, est un peu plus dense & plus propre à réfléchir la lumiere.

9°. La queue paroît plus large vers l’extrémité qu’auprès de la tête ; parce que la vapeur qui est dans un espace libre se raréfie & se dilate continuellement.

10°. Les queues sont transparentes, parce qu’elles ne sont que des vapeurs très déliées, &c.

On voit donc que cette hypothese sur les queues des cometes s’accorde avec tous les phénomenes.

Phases des cometes. Le noyau, qu’on appelle aussi corps ou tête de la comete, étant regardé au-travers d’un télescope, paroît d’une forme différente de celle des étoiles fixes ou des planetes.

Sturmius rapporte qu’en observant la comete de 1680 avec un télescope, il la trouva moins lumineuse vers les bords que dans le centre, & qu’elle lui parut plûtôt ressembler à un charbon enflammé d’un feu obscur, ou à une masse informe de matiere éclairée par une lumiere accompagnée de fumée, qu’à une étoile ronde & d’une lumiere vive.

Hevelius observant la comete de 1661, trouva que le corps étoit d’une lumiere jaunâtre, brillante, & terminée, mais sans étinceler, ayant dans le milieu un noyau rougeâtre de la grosseur de Jupiter, & environné d’une matiere beaucoup plus rare. Le 5 Février sa tête étoit un peu plus foncée & plus brillante que la couleur d’or, mais d’une lumiere plus sombre que le reste des étoiles : de plus le noyau lui parut divisé en plusieurs parties. Le 6 le disque étoit diminué, le noyau toûjours existant, mais moindre qu’auparavant : une de ces parties dont on vient de parler, celle qui étoit au bas de la comete & sur la gauche, sembloit plus dense & plus lumineuse que le reste : le corps entier étoit rond, & représentoit une étoile très-peu lumineuse, & le noyau paroissoit toûjours environné d’une matiere différente de la sienne. Le 10 la tête de la comete étoit un peu obscure, & le noyau moins terminé, mais plus brillant vers le haut que vers le bas. Le 13 la tête étoit fort diminuée, tant en grandeur qu’en lumiere. Le 2 Mars sa rondeur étoit altérée, & ses bords dentelés, &c. Le 28 Mars elle étoit très-pâle, & extrèmement rare, sa matiere fort dispersée, & sans noyau distingué du reste.

Weigelius qui en observant la comete de 1664, vit dans le même moment la lune & un petit nuage éclairé par le soleil, trouva que la comete, au lieu d’être d’une lumiere continue comme la lune, ressembloit au contraire à une espece de nuage : c’est ce qui lui avoit fait conclure que les cometes étoient, ainsi que les taches du soleil, des exhalaisons de cet astre. La longueur de la queue des cometes est variable ; celle de 1680, suivant Sturmius, n’avoit guere le 20 Décembre que vingt degrés de longueur : en peu de tems elle s’accrut jusqu’à soixante degrés ; ensuite elle diminua très-sensiblement. Wolff.

Formation des queues des cometes. M. Newton a fait voir que l’atmosphere des cometes peut fournir une vapeur suffisante pour former leurs queues ; il se fonde sur l’extrème dilatation de l’air à une certaine distance de la terre ; un pouce cube d’air commun élevé à la distance d’un demi-diametre de la terre, seroit suffisant pour remplir un espace aussi grand que toute la région des étoiles, c’est ce qu’a démontré M. Gregory dans son Astronomie physique. Puis donc que la chevelure ou l’atmosphere de la comete est dix fois plus haute que la surface du noyau, elle doit être prodigieusement rare, & il est tout simple qu’on voie les étoiles au-travers.

Quant à l’ascension des vapeurs qui forment la queue des cometes, Newton la suppose occasionnée par la raréfaction de l’atmosphere au tems du périhelie. La fumée comme tout le monde sait, s’éleve par l’impulsion de l’air dans lequel elle nage ; l’air le plus raréfié monte par la diminution de sa pesanteur spécifique, & enleve avec lui la fumée. Pourquoi ne supposeroit-on pas que la queue d’une comete seroit élevée de la même maniere par la chaleur du soleil ?

Les queues étant ainsi produites, la force qu’elles ont pour conserver leur mouvement & celle qui les pousse vers le soleil, les oblige à décrire des ellipses ainsi que la comete même, & à l’accompagner dans toute son orbite. En effet, la gravitation des vapeurs vers le soleil, n’est pas plus propre à détacher la queue d’une comete de sa tête & à la faire tomber sur le soleil, qu’à détacher la terre de son athmosphere ; mais leur gravitation commune est cause qu’elles se meuvent également, & qu’elles sont poussées de la même maniere.

Par ce moyen les queues des cometes produites pendant le tems de leurs périhelies, peuvent être entraînées avec ces astres dans les régions du ciel les plus reculées, & revenir ensuite avec les cometes au bout d’un grand nombre d’années : mais il est plus naturel qu’elles se détruisent peu-à-peu entierement, & qu’en se rapprochant du soleil les cometes en reprennent de nouvelles, d’abord très-peu sensibles, ensuite plus grandes par degrés jusqu’au périhelie, tems auquel elles reprennent toute leur grandeur, la comete étant alors le plus échauffée qu’il est possible.

Les vapeurs dont ces queues sont composées, se dilatant & se répandant dans toutes les régions célestes, sont vraissemblablement, ainsi que M. Newton l’observe, attirées par les planetes, & mêlées avec leurs atmospheres. Il ajoûte que les cometes semblent nécessaires pour l’entretien des liquides qui sont sur les planetes, lesquels s’évaporent continuellement par les végétations & les putréfactions, & se convertissent en terre seche. Car comme tous les végétaux se nourrissent & s’accroissent par les fluides, & qu’ils redeviennent terre pour la plus grande partie par la putréfaction (comme on le peut voir par le limon que les liqueurs putréfiantes déposent continuellement), il s’ensuit que pendant que la terre s’accroît sans cesse, l’eau diminueroit en même proportion, si la perte n’en étoit pas rétablie par d’autres matieres. M. Newton soupçonne que cette partie, la plus subtile & la meilleure de notre air, laquelle est absolument nécessaire pour la vie & l’entretien de tous les êtres, vient principalement des cometes.

D’après ce principe, il y auroit quelque fondement aux opinions populaires des présages des cometes, puisque les queues des cometes se mêlant ainsi avec notre atmosphere, pourroient avoir des influences sensibles sur les corps animaux & végétaux.

Il y a beaucoup de varietés dans la grandeur des cometes. Quelques-unes, indépendamment de leur queue, paroissent surpasser dans certaines circonstances favorables de leur apparition, les étoiles de la 1re & de la 2de grandeur. Enfin, si on consulte les historiens qui en ont parlé, il semble qu’aucune comete n’ait jamais paru aussi grande que celle qui fut observée du tems de Néron : cette comete, selon Seneque, égaloit le Soleil en grosseur. Hevelius en a cependant observé une autre en 1652 presqu’aussi grande que la Lune, mais elle étoit bien inférieure en lumiere à cette planete, étant extraordinairement pâle & comme enveloppée de fumées, qui, loin de lui laisser quelqu’éclat, rendoient son aspect assez triste & peu agréable aux yeux.

M. Fatio remarque que quelques-unes des cometes ayant leurs nœuds proche de l’orbite de la terre, il pourroit arriver que la terre se trouveroit dans la partie de son orbite, qui seroit voisine de ce nœud au tems où la comete viendroit à y passer ; & comme le mouvement apparent de la comete seroit alors si prompt, que sa parallaxe seroit très-sensible, & que la proportion de cette parallaxe à celle du soleil seroit donnée, on pourroit avoir en ce cas la parallaxe du soleil déterminée plus exactement que par aucune méthode.

La comete de 1472, par exemple, avoit une parallaxe qui surpassoit plus de vingt fois celle du soleil ; & celle de 1613 en auroit eu une beaucoup plus sensible, si elle fût arrivée à son nœud au commencement de Mars. Quoi qu’il en soit, aucune n’a plus menacé la terre de son voisinage que celle de 1680 ; car M. Halley a trouvé par le calcul, que le 11 Novembre cette comete avoit passé au nord de l’orbite de la terre à environ 60 demi-diametres de la terre, ensorte que si dans ce tems la terre avoit été dans cette partie de son orbite, la parallaxe de la comete auroit égalé celle de la Lune ; & il auroit peut-être résulté de ce voisinage un contact ou un choc des deux planetes : suivant M. Whiston il en seroit resulté un déluge. Voyez plus bas.

Mouvement des cometes. Le mouvement propre de chaque comete ne se fait pas, à beaucoup près, dans le même sens, puisqu’il est varié à l’infini, les unes s’avançant d’occident en orient, lorsqu’au contraire les autres se trouvent emportées contre l’ordre des signes, c’est-à-dire, dans un sens opposé à celui des planetes. Bien plus, depuis que l’on observe le cours des cometes avec quelque attention, on s’est apperçu qu’il se dirigeoit tantôt vers le nord, & tantôt vers le midi, & cela avec des inclinaisons si différentes, qu’il n’a pas été possible de les renfermer dans un zodiaque de la même maniere que les planetes ; car si elles se trouvent une fois dans ce zodiaque, elles en sortent bien-tôt avec plus ou moins de vîtesse & par différens côtés. Regiomontanus en a observé une qui paroissoit avoir une vîtesse bien extraordinaire, puisqu’elle parcourut en un jour 40 degrés. Enfin, il y a des cometes dont le mouvement est plus rapide au commencement qu’à la fin de leur cours ; d’autres au contraire se meuvent très-rapidement au milieu, & très-lentement, soit au commencement soit à la fin de leur apparition. Toutes ces variétés dans le mouvement des cometes, sur-tout la diversité de l’inclinaison de leurs orbites, & la direction si variée de leurs mouvemens, prouvent bien qu’elles ne sont point emportées par un fluide en tourbillon, qui devroit les diriger toutes dans le même sens, & à-peu-près dans le même plan : aussi est-ce une des objections des plus fortes contre le système des Cartésiens, & à laquelle ils n’ont jamais répondu.

Si on suppose avec quelques auteurs que les cometes parcourent des lignes exactement paraboliques, elles doivent venir d’une distance infiniment éloignée, en s’approchant continuellement du soleil par la force centripete, & acquérir par ce moyen assez de vîtesse pour remonter l’autre branche de la parabole en s’éloignant du Soleil jusqu’à l’infini, & de cette maniere ne revenir jamais. Mais la fréquence de leur apparition semble mettre hors de doute qu’elles se meuvent comme les planetes dans des orbites elliptiques fort excentriques, & qu’elles reviennent dans des périodes fixes quoique très-longues. Voyez Orbite & Planete.

Les Astronomes sont partagés sur leur retour : Newton, Flamsteed, Halley & tous les astronomes Anglois sont pour le retour de ces astres ; Cassini & plusieurs autres astronomes de France l’ont regardé aussi comme très-probable ; la Hire s’y oppose avec quelques astronomes, &c. Ceux qui sont pour le retour veulent que les cometes décrivent des orbes fort excentriques : selon eux ce n’est que dans une très-petite partie de leur révolution que nous les pouvons appercevoir ; au-delà de cette partie on ne sauroit plus les découvrir, ni à la vûe simple, ni avec les meilleurs télescopes. La question du retour des cometes est du nombre de celles que notre postérité seule pourra résoudre. Cependant l’opinion de Newton est la plus vraissemblable. En voici les preuves.

On ne sauroit regarder comme deux différentes planetes, celles dont les orbites coupent l’écliptique sous le même angle, & dont la vîtesse est la même dans le périhelie ; il faut donc aussi que deux cometes vûes dans differens tems, mais qui s’accordent à l’égard de ces trois circonstances, ne puissent être autre chose que la même comete ; c’est ce qu’on a observé, suivant quelques auteurs, pour différentes cometes, comme on le verra dans la suite de cet article ; cependant il n’est pas nécessaire que l’accord soit si exact pour conclure que deux cometes sont la même. La Lune qui est si irréguliere dans toutes ces circonstances, fait penser à M. Cassini qu’il en pourroit être de même des cometes, & qu’on en a pris pour de différentes plusieurs qui n’étoient que les mêmes.

La grande objection qu’on fait contre le retour des cometes, c’est la rareté de leurs apparitions par rapport au nombre de révolutions qu’on leur suppose.

En 1702 on vit à Rome une comete, ou plûtôt la queue d’une comete, que M. Cassini prit pour la même que celle qui fut observée par Aristote, & qui avoit reparu depuis en 1668, ensorte que sa révolution seroit de 34 ans ; mais il paroît bien étrange qu’une comete qui a une révolution si courte, & qui revient par conséquent si souvent, se montre cependant si rarement.

Dans le mois d’Avril de la même année 1702, MM. Bianchini & Maraldi observerent une comete, qu’ils regarderent comme la même que celle de 1664, tant par rapport à son mouvement qu’à sa vîtesse & à sa direction. M. de la Hire voulut que cette comete eût quelque relation à une autre qu’il avoit observée en 1698, & que M. Cassini rapporte à celle de 1652. Dans cette supposition la période de cette comete seroit de 43 mois ; & le nombre des révolutions qu’elle auroit eues de l’année 1652 à l’année 1698, seroit de quatorze.

Mais on ne peut supposer que dans un tems où le ciel est observé si soigneusement, un astre fît quatorze révolutions sans qu’on s’en apperçût, & surtout un astre dont les apparitions seroient de plus d’un mois, & souvent dégagées des crépuscules.

C’est pour cette raison que M. Cassini est très-reservé dans l’assertion du retour des cometes ; il regarde ces astres comme des planetes, à la vérité, mais sujettes à beaucoup d’irrégularités.

M. de la Hire fait une objection générale contre le système entier des cometes, qui sembleroit retrancher ces astres du nombre des planetes ; c’est que par la disposition donnée nécessairement à leur cours, elles devroient paroître aussi petites au commencement qu’à la fin, & augmenter jusqu’à ce qu’elles arrivent à leur plus grande proximité de la terre, ou du-moins que s’il ne leur arrive d’être observées que lorsqu’elles sont d’une certaine grandeur, faute d’y avoir fait attention auparavant, il faudroit au-moins qu’on les apperçût souvent avant qu’elles fussent arrivées à leur plus grand éclat ; cependant, ajoûte-t-il, aucune n’a été observée avant d’être arrivée à ce point.

Mais la comete que l’on a vû dans le mois d’Octobre 1723, à une si grande distance qu’elle étoit trop petite & trop obscure pour être apperçûe sans télescope, peut servir à refuter cette objection & à retablir les cometes au rang des planetes.

Le docteur Halley a donné une table des élemens astronomiques de toutes les cometes qui ont été observées avec quelque soin, par le secours de laquelle on pourra toûjours reconnoître si quelque comete qu’on viendra à observer ne pourroit pas être quelques-unes de celles qu’il a calculées, & savoir par conséquent & la période & la position de l’axe de son orbite.

La comete observée en 1532 a plusieurs circonstances qui la doivent faire croire la même que celle qui a été observée en 1607, par Kepler & par Longomontan, & que celle que le docteur Halley a observée ensuite en 1682. Tous les élemens s’accordent, & rien ne s’oppose à cette opinion que l’inégalité des tems des révolutions : mais suivant le docteur Halley on pourroit expliquer par des causes physiques cette inégalité ; & l’on en a un exemple dans Saturne, dont le mouvement est tellement troublé par les autres planetes, & principalement par Jupiter, que sa période varie de plusieurs jours. Pourquoi donc ne supposeroit-on pas de pareilles altérations dans les cometes, qui sont beaucoup plus éloignées que Saturne, & dont la vîtesse, avec la plus petite augmentation, pourroit donner au lieu d’une orbe elliptique une orbe parabolique ?

Ce qui confirme le plus cette identité, c’est l’apparition d’une autre comete dans l’été de 1456, qui à la vérité n’a pas été observée avec précision, mais se rencontre tellement avec les trois autres par rapport à la période & aux circonstances de sa route, que Halley ne fait point de difficulté de les regarder toutes comme la même comete, & il s’est avancé jusqu’à prédire le retour de cette comete pour l’année 1758.

La période de cette comete, selon M. Halley, est de 75 ans , & il en a déjà compté quatre revolutions, sa période se faisant en beaucoup moins de tems que celle des cometes. M. Machin croit que celle de 1737 a une période d’environ 180 ans, parce qu’elle lui paroît la même que celle qui a paru en 1556 ; voyez les Transactions philosophiques, n° 446. M. Halley a remarqué de plus qu’il avoit paru quatre fois de suite une comete dans l’intervalle de 575 ans ; savoir, au mois de Septembre, immediatement après la mort de Jules César, ensuite l’an de Jesus-Christ 531 sous le consulat de Lampadius & d’Orestes, puis au mois de Février 1106, & en dernier lieu sur la fin de l’année 1680 ; ce savant astronome conjecture de-là que la période de la fameuse comete de 1680 pourroit bien être de 575 ans ; c’est ce que nos descendans pourront vérifier. Il y a une chose singuliere sur cette période, c’est qu’en remontant de 575 ans en 575 depuis l’année de la mort de Jules César, où on croit que cette comete a paru, on tombe dans l’année du déluge ; c’est ce qui a fait penser à Whiston que le déluge universel pourroit bien avoir été occasionné par la rencontre ou l’approche de cette comete, qui se trouva apparemment alors fort près de la terre ; & cette opinion qui au fond ne doit être regardée que comme une conjecture assez legere, n’a rien en soi de contraire ni à la saine Philosophie qui nous apprend (quelque système que l’on suive) que l’approche d’une telle comete est capable de bouleverser le globe que nous habitons, ni à la foi, qui nous apprend que Dieu se servit du déluge pour punir les crimes des hommes. Car Dieu qui avoit prévû de toute éternité cette punition, avoit pû disposer le mouvement de cette comete de maniere que par son approche elle servît à sa vengeance. Whiston croit cependant que cette queue de comete auroit fait courir à l’arche un grand péril ; mais Dieu qui avoit fait construire l’arche veilloit à sa conservation. Voyez le système solaire de Whiston, où les orbites des différentes cometes sont tracées, & où l’on trouve les périodes de plusieurs qui sont connues.

Déterminer le lieu & le cours d’une comete. Observez la distance d’une comete à deux étoiles fixes dont les longitudes & les latitudes sont connues. Par le moyen de ces distances ainsi trouvées, calculez le lieu de la comete par la trigonométrie, en suivant la méthode enseignée à l’article Planete. Répétant ensuite ces observations & ces opérations pendant plusieurs jours consécutifs, le cours de la comete sera déterminé.

Déterminer le cours d’une comete méchaniquement & sans les instrumens ordinaires. L’ingénieuse méthode que nous allons expliquer, est dûe à Longomontan : elle consiste à observer, par le secours d’un fil, la comete dans l’intersection des deux lignes qui passent par deux étoiles : ce qui est fort facile dans la pratique. Supposons, par exemple, que le lieu de la comete soit en A (Pl. Astron. fig. 23.), entre les quatre étoiles B, C, D, E, dans l’intersection de la ligne qui passeroit par B & par D, & de celle qui passeroit par C & par E.

Ayant pris un globe où ces quatre étoiles soient marquées, on tendra un fil qui passe par B & par D, & un autre par D & par E : le point d’intersection sera le lieu de la comete. Répétant cette opération pendant plusieurs jours, on aura sur le globe le cours de la comete, qui se trouvera un grand cercle, par deux points duquel on trouvera aisément l’inclinaison à l’écliptique, & le lieu des nœuds ; en observant simplement le lieu où un fil tendu sur ces deux points coupe l’écliptique. Pour déterminer la parallaxe d’une comete, voyez Parallaxe.

Voilà à-peu-près tout ce que nous pouvons dire sur les cometes, dans un ouvrage de la nature de celui-ci. Tout ce que nous avons dit sur la nature des orbites que ces corps décrivent, & sur leurs mouvemens, peut être regardé comme vrai géométriquement. Il n’en est pas de même de leurs queues, & de la nature des particules qui les composent : nous n’avons fait qu’exposer sur cela les conjectures les plus probables. Les observations nous apprendront dans la suite ce qu’on doit penser de leur retour. Ce qu’on peut au moins assûrer, c’est qu’il résulte des observations que les cometes décrivent des orbites à-peu-près paraboliques, c’est-à-dire qui peuvent être traitées comme paraboliques dans la partie de l’orbite de la comete que nous pouvons appercevoir. Si ces orbites sont des ellipses, le retour de la comete est certain ; si ce sont des paraboles ou des hyperboles, le retour est impossible. Le célebre M. Newton nous a donné la méthode de calculer leurs mouvemens ; & ce problème, l’un des plus difficiles de l’Astronomie, est expliqué fort au long à la fin du troisieme livre de ses principes. M. le Monnier, de l’académie royale des Sciences, nous a aussi donné, en 1743, un ouvrage intitulé la théorie des cometes, in-8°. Cet ouvrage peut être conçu comme divisé en cinq parties. Dans la premiere, qui a pour titre discours sur la théorie des cometes, M. le Monnier expose les principaux phénomenes du mouvement des cometes, & les plus importans préceptes de l’Astronomie qui leur est propre. Il donne ensuite un précis de la doctrine de M. Newton sur les cometes ; & il termine ce discours par le calcul de l’orbite de la comete de 1742, d’après la méthode de M. Newton, à laquelle il a fait quelques changemens.

La seconde partie contient l’abregé de l’Astronomie cométique, ou la Cométographie de M. Halley, qui est imprimée en Latin à la fin de l’Astronomie de Gregori, & dont M. le Monnier nous donne la traduction avec les notes de M. Whiston insérées dans le texte, & accompagnée des remarques & des explications du traducteur.

La troisieme partie est un supplément qui contient une histoire abregée de ce qu’on a fait depuis le commencement de ce siecle, pour perfectionner la théorie des cometes.

Les deux autres parties contiennent des recherches sur les positions de différentes étoiles, & sur les tables du soleil, qui n’ont qu’un rapport indirect au fond de l’ouvrage, mais qui n’en sont pas moins utiles ni moins importantes. Cet ouvrage est encore orné du planisphere de Whiston, où sont représentées les trajectoires ou orbites de toutes les cometes les mieux connues, & les deux planispheres célestes de Flamsteed, réduits en petit avec beaucoup d’art & de propreté. Ainsi on peut assûrer qu’il est peu de livres qui dans un si petit volume, contiennent tant de choses curieuses & utiles sur la science qui en fait l’objet. Aussi l’académie a-t-elle jugé, comme on le voit par l’extrait de ses registres, imprimé au commencement de ce livre, qu’un ouvrage si utile à l’avancement de l’Astronomie & au progrès de la vraie physique céleste, ne pouvoit que faire honneur à son auteur, & étoit très-digne de l’impression.

Ceux qui voudront se contenter d’une exposition plus générale & plus simple de la théorie des cometes, pourront avoir recours au petit ouvrage de M. de Maupertuis, intitulé lettre sur la comete, qui parut en 1742, à l’occasion de la comete de cette année. L’auteur y explique avec beaucoup d’élégance & de clarté, le système de M. Newton sur les cometes, & y met ce système à la portée du commun des lecteurs.

M. Euler, géometre si célebre aujourd’hui dans toute l’Europe, a aussi fait imprimer à Berlin, en 1744, un ouvrage intitulé theoria planetarum & cometarum, dans lequel il donne une méthode nouvelle & différente de celle de M. Newton, pour déterminer le mouvement des cometes.

Il a paru depuis le commencement de ce siecle un assez grand nombre de cometes ; les principales ont été celle de 1723, dont M. Bradley a donné le calcul dans les transactions philosophiques de la société royale de Londres ; celle de 1729, celle de 1737, & celle de 1744. La premiere a été calculée par M. Delisle, la seconde par M. Bradley, la troisieme par M. le Monnier, & plusieurs autres Astronomes. Celle de 1723 a été rétrograde, les autres ont été directes ; celle de 1744 est la plus brillante & la plus remarquable qu’on ait vû depuis 1680.

Finissons ce long article par une observation bien propre à humilier les Philosophes. En 1596, dans un tems où l’on étoit fort ignorant sur les cometes, parut un traité des cometes du sieur Jean Bernard Longue, philosophe & medecin, où sont réfutés les abus & témérités des vains astrologues qui prédisent ordinairement malheurs à l’apparition d’icelles, traduit par Charles Nepveu chirurgien du roi ; cependant en 1680, les Philosophes étoient encore tellement dans l’erreur sur ce sujet, que le fameux Jacques Bernoulli dit, dans son ouvrage sur les cometes, que si le corps de la comete n’est pas un signe visible de la colere du ciel, la queue en pourroit bien être un. Dans ce même traité, il prédit le retour de la comete de 1680 pour le 17 Mai 1719, dans le signe de la Balance. Aucun astronome, dit M. de Voltaire, ne se coucha cette nuit-là ; mais la comete ne parut point. (O)

Comete, (Artificier.) Les Artificiers appellent ainsi les fusées volantes dont la tête est lumineuse aussi bien que la queue, à l’imitation des cometes : quelques-uns les appellent flamboyantes. Voy. Fusée volante.

Comete ou de Manille, (jeu de la) jeu de cartes qui se joüe de la maniere suivante : l’enjeu ordinaire est de neuf fiches, qui valent dix jettons chacune, & de dix jettons ; l’on peut comme l’on voit, perdre au jeu deux ou trois mille jettons dans une séance. On se sert de toutes les cartes, c’est-à-dire des cinquante-deux : & l’on peut y joüer depuis deux personnes jusqu’à cinq ; le jeu à deux n’est cependant pas si beau qu’à trois & au-dessus. Il y a de l’avantage à faire au jeu de la comete. Les cartes battues, coupées à l’ordinaire, se partagent aux joüeurs trois à trois, ou quatre à quatre, & de cette maniere ; vingt-six à chacun si on joüe deux personnes ; dix-sept, si c’est à trois, & il en reste une qu’on ne peut pas voir ; à quatre, treize ; & à cinq dix, & il en restera encore deux qu’on ne pourra point voir non plus.

Toutes les cartes étant données, on les arrange selon l’ordre naturel en commençant par l’as, qui dans ce jeu ne vaut qu’un, par le deux, le trois, ainsi du reste jusqu’au roi. On commence à joüer par telle carte qu’on veut, mais il est plus avantageux de joüer d’abord celle dont il y a le plus de cartes de suite : ainsi en supposant qu’il y ait depuis le six des cartes qui se suivent jusqu’au roi, on les jettera toutes l’une après l’autre, en disant six, sept, huit, neuf, dix, valet, dame, & roi ; mais s’il manquoit une de ces cartes, on nommeroit celle qui est immédiatement devant, & on diroit sans telle carte, qui seroit celle qui devroit suivre celle qu’on déclare ; si c’étoit le huit, par exemple, qui manquât dans sa séquence, on diroit sept sans huit, &c. le joüeur suivant qui auroit la carte dont l’autre manqueroit, continueroit en la jettant, & diroit comme le premier jusqu’à ce qu’il lui manquât quelque nombre dans sa suite ; auquel cas un autre qui auroit ce nombre, recommenceroit de la même maniere ; s’il avoit poussé jusqu’au roi, il continueroit de joüer par telle carte qu’il voudroit. La différence des couleurs ne fait rien à ce jeu, pourvû que les cartes que l’on a forment une suite juste. Le joüeur qui vient après celui qui a dit huit sans neuf, ou toute autre carte, reprend le jeu s’il a le nombre manquant ; si ni lui, ni les autres ne l’ont, le premier qui a dit huit sans neuf, continue à joüer le reste de son jeu par telle carte qu’il lui plaît, & se fait donner un jetton de chaque joüeur. Il faut autant qu’on le peut se défaire de ses cartes les plus hautes en point, parce que l’on paye autant de jettons que l’on a de points dans toutes les cartes qui restent dans la main à la fin du coup. Ceux qui joüent petit jeu, ne donnent qu’autant de jettons qu’il leur reste de cartes. Il n’est pas moins avantageux de se défaire des as, parce que si l’on attend trop tard à les jetter, on ne se remet dedans qu’avec peine, à moins qu’on n’ait un roi pour entrer. On doit donner une fiche ou moins, selon la convention, à celui qui joüe la comete ; il n’est plus reçu à la demander dès qu’elle est couverte de quelque carte, & elle est perdue pour lui. Celui qui gagne la partie se fait donner une fiche & neuf jettons, qui sont la valeur de la comete de celui qui l’ayant dans son jeu, ne s’en est point défait dans le tour. Celui qui jette sur table des rois qu’il a dans son jeu, gagne un jetton de chaque joüeur pour chacun de ses rois ; au lieu qu’il paye un jetton à chaque joüeur, & dix au gagnant, pour chacun des rois qui lui restent : si l’on paye par point, c’est celui qui a plûtôt joüé ses cartes qui gagne la partie & les fiches que chaque joüeur a mis au jeu, sans parler des marques qu’il se fait payer de chacun selon qu’il a plus ou moins de cartes ou de points dans sa main.

Il n’est pas permis de voir les cartes qu’on a déjà joüées, pour conduire son jeu & joüer plus avantageusement pour soi, à peine de donner un jetton à chaque joüeur ; à moins qu’on ne l’ait décide autrement avant de commencer.

Voilà les principales & premieres regles du jeu de la comete ; elles ont beaucoup changé, & vraissemblablement elles changeront encore beaucoup, si ce jeu continue d’être à la mode. On payera plus ou moins, quand on fera opéra : faire opéra, c’est joüer toutes ses cartes sans interruption ; on chargera de conditions l’emploi de la comete ; on fera payer plus ou moins selon la carte pour laquelle on la mettra : à présent on peut la mettre pour toute carte ; on fera perdre plus ou moins à celui dans la main de qui on la fera gorger, ou rester, c’est la même chose, &c. Nous ne nous piquons guere d’exactitude sur ces choses, elles en valent peu la peine ; d’ailleurs ce qui seroit exact dans le moment où nous écrivons, cesseroit bientôt de l’être par le caprice des joüeurs, qui ajoûtent des conditions au jeu, en retranchent, ou les alterent.