Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/781

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Copronyme, signifie Constantinus Leoni perpetuo Augusto, Multos annos, si M. du Cange ne l’avoit heureusement deviné. Les plus savans ont été arrêtés par le Κυ ΒοΗ Δυλω ϲου. Κύριε ΒοΗΘει Δουλω ϲοΥ, Domine Adesto servo tuo, faute de connoître les inscriptions dont nous parlons.

Ces sortes d’inscriptions peuvent s’appeller des acclamations ou des bénédictions, qui consistent à souhaiter à l’empereur la vie, la santé, la victoire. Telle est celle qu’on voit dans Constantin, Plura natalitia feliciter. Celle de Constans, Felicia Decennalia. Celle de Théophile, Θεοφιλε αυγουστε ϲυ νικας. Celle de Baduela, Baduela fleureas zemper. Cela nous fait souvenir d’une belle médaille d’Antonin Pie, qui peut avoir place parmi ces acclamations, Senatus populusque Romanus, Annum Novum Faustum, Felicem, Optimo Principi Pio. C’est ainsi que l’on doit expliquer ces lettres initiales, S. P. Q. R. A. N. F. E. Optimo Principi Pio.

Je ne dois point oublier ici celle de Constantin, qui a donné sujet à tant de fausses conjectures ; elle porte du côté de la tête Imp. C. Constantinus P. F. August. du côté du revers, Constantino. P. August. bapnat. Car pour n’avoir pas reconnu que l’a étoit une r à demi effacée, on a voulu que ce fût la mémoire du baptême de Constantin, au lieu qu’il faut lire Bono Rei Publicæ Nato. Le P. Hardouin a senti plus heureusement que d’autres cette vérité.

Je crois qu’on s’apperçoit assez du goût différent des anciens & des modernes pour les inscriptions. Les anciens n’ont point imaginé que les médailles fussent propres à porter des inscriptions, à moins que ces inscriptions ne fussent extrèmement courtes & expressives. Ils ont réservé les plus longues pour les édifices publics, pour les colonnes, pour les arcs de triomphe, pour les tombeaux ; mais les modernes en général, chargent les revers de toutes leurs médailles de longues inscriptions, qui n’ont plus rien, ni de la majesté, ni de la brieveté romaine. Je n’en veux pour preuve que celles de l’académie des Belles Lettres faites en l’honneur & à la gloire de Louis XIV.

Quelquefois même dans les inscriptions des médailles antiques, on ne trouve que le simple nom des magistrats, comme dans Jules, I. Œmilius, Q. F. Buca IIII. Vie A. A. A. F. F. dans Agrippa. M. Agrippa Cos. designatus. (D. J.)

Inscription, (Peinture.) Les peintres de Grece ne se faisoient point de peine de donner par une courte inscription la connoissance du sujet de leurs tableaux. Dans celui de Polygnote, qui représentoit la prise de Troie, & qui contenoit plus de cent figures, chaque figure principale étoit marquée par l’inscription du nom du personnage. On ne doit pas croire que ces inscriptions défigurassent leurs ouvrages & en diminuassent le mérite, puisqu’ils faisoient l’admiration d’un peuple dont le goût pour la Peinture & les beaux-arts valoit au moins le nôtre. En même tems que ces inscriptions fournissoient l’intelligence du tableau, elles mettoient les connoisseurs à portée de juger si le peintre avoit bien exécuté son sujet ; au lieu que parmi nous, un beau tableau est souvent une énigme que nous cherchons à deviner, & qui fait une diversion au plaisir qu’il devroit nous procurer.

Ce n’est que par une vanité mal entendue qu’un usage si commode a cessé, & bien des gens d’esprit desireroient qu’on le fît renaître ; mais personne n’en a mieux exposé l’utilité que M. l’abbé du Bos : laissons-le parler lui-même, pour ne rien ôter aux graces de son style.

« Je me suis étonné plusieurs fois, dit-il, que les Peintres, qui ont un si grand intérêt à nous faire reconnoître les personnages dont ils veulent se

servir pour nous toucher, & qui doivent rencontrer tant de difficultés à les faire reconnoître à l’aide seule du pinceau, n’accompagnassent pas toujours leurs tableaux d’histoire d’une courte inscription. Les trois quarts des spectateurs, qui sont d’ailleurs très-capables de rendre justice à l’ouvrage, ne sont point assez lettrés pour deviner le sujet du tableau. Il est quelquefois pour eux une belle personne qui plaît, mais qui parle une langue qu’ils n’entendent point ; on s’ennuie bientôt de la regarder, parce que la durée des plaisirs, où l’esprit ne prend point de part, est ordinairement bien courte.

» Le sens des peintres gothiques, tout grossier qu’il étoit, leur a fait voir la nécessité des inscriptions pour l’intelligence du sujet des tableaux. Il est vrai qu’ils ont fait un usage aussi barbare de cette connoissance que de leurs principes. Ils faisoient sortir de la bouche de leurs figures, par une précaution bizarre, des rouleaux, sur lesquels ils écrivoient ce qu’ils prétendoient faire dire à ces figures indolentes : c’étoit-là véritablement faire parler ces figures. Les rouleaux dont il s’agit se sont anéantis avec le goût gothique ; mais quelquefois les plus grands maîtres ont jugé deux ou trois mots nécessaires à l’intelligence du sujet de leurs ouvrages ; & même ils n’ont pas fait scrupule de les écrire dans un endroit du plan de leurs tableaux, où ils ne gâtoient rien. Raphaël & le Carrache en ont usé de cette maniere. Coypel a placé de même des bouts de vers de Virgile dans la galerie du palais-royal, pour aider à l’intelligence de ses sujets, qu’il avoit tirés de l’Enéide. Les peintres dont on grave les ouvrages ont tous senti l’utilité de ces inscriptions, & on en met toujours au bas des estampes qui se font d’après leurs tableaux ».

Il seroit donc pareillement à souhaiter que dans ces mêmes tableaux, & sur-tout dans tous ceux dont le sujet n’est pas parfaitement connu, on rétablît l’usage des inscriptions dont les Grecs nous ont donné l’exemple : peut-être qu’un peintre médiocre le tenteroit vainement ; mais un grand peintre donneroit le ton, auroit des sectateurs, & la mode en reviendroit sans doute. L’exemple a plus de puissance sur les hommes que tous les préceptes réunis ensemble. (D. J.)

Inscriptions et Belles-Lettres, (Académie royale des) Le feu roi Louis XIV, à qui la France est redevable de tant d’établissemens utiles aux lettres, étant persuadé que c’en seroit un fort avantageux à la nation, qu’une Académie qui travailleroit aux inscriptions, aux devises & aux médailles, & qui répandroit sur ses monumens le bon goût & la noble simplicité qui en font le véritable prix, ne tarda pas à y donner les mains après qu’il en eut eu la pensée. Il forma d’abord cette compagnie d’un petit nombre d’hommes, choisis dans l’académie Françoise, qui commencerent à s’assembler en 1663 dans la bibliotheque de M. Colbert, par qui ils recevoient les ordres de sa majesté En hiver ils s’assembloient le plus ordinairement le mercredi, & en été M. Colbert les menoit souvent à Sceaux, pour donner plus d’agrémens à leurs conférences, & en jouir lui-même avec plus de tranquillité. Un des premiers travaux de cette académie naissante fut le sujet des desseins des tapisseries du roi, tel qu’on les voit dans le recueil d’estampes & descriptions qui en a été publié. M. Perrault fut ensuite chargé en particulier de la description du Carrousel, qui fut imprimée avec les figures, après qu’elle eut été examinée & approuvée par la compagnie. On commença aussi à faire des devises pour les jettons du trésor royal, des parties casuelles, des bâtimens & de la marine ; & tous les