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qu’ils en ont donné contient déja quelques centaines de volumes de prix, & fait une des principales branches de la profonde érudition.

En effet, de tout tems les inscriptions ont été précieuses aux peuples éclairés. Lors du renouvellement des sciences dans la Grece, Acasilaüs, natif d’Argos, publia avant la guerre des Perses, un grand ouvrage, pour expliquer les inscriptions qu’on avoit trouvées sur de vieilles tables d’airain en creusant la terre. Nos antiquaires imitent cet illustre grec, & tâchent de deviner le sens des inscriptions qu’ils découvrent, & dont la vérité n’est pas suspecte. Je m’exprime ainsi, parce que toutes les inscriptions qu’on lit dans plusieurs ouvrages, ne sont, ni du même titre, ni de la même valeur.

Cependant, puisque bien des gens les regardent encore comme des monumens historiques, dont l’autorité doit aller de pair avec celle des médailles qu’on possede, il est important de discuter jusqu’où ce sentiment peut être vrai.

Un de nos antiquaires, M. le baron de la Bastie, qui est entré dans cet examen, a prouvé judicieusement, qu’on doit mettre une très-grande différence entre les inscriptions qui existent & celles qu’on ne sauroit retrouver ; entre les inscriptions que les auteurs éclairés ont copiées fidelement eux-mêmes sur l’original en marbre & en bronze, & celles qui ont été extraites de plusieurs collections manuscrites, qui n’indiquent ni le lieu ni le tems où on les a trouvées ; & enfin, qui ne sont venues à nous que de copie en copie, sans qu’il y en ait qu’on puisse dire avoir été prises sur l’original.

On sçait que vers la fin du xv. siecle, & au commencement du xvj, il y eut des savans qui, pour s’amuser aux dépens des curieux d’antiquités, se divertirent à composer des inscriptions en style lapidaire, & en firent courir des copies, comme s’ils les avoient tirées des monumens antiques, qu’on découvroit alors encore plus fréquemment qu’aujourd’hui.

Un peu de critique auroit bientôt dévoilé la tromperie ; car nous voyons par un des dialogues d’Antonio Augustino, & par une épigramme de Sannazar, que tous les savans n’en furent pas la dupe ; mais ils ne furent pas non plus tous en garde contre cette espece de fraude, & un grand nombre de ces fausses inscriptions ont eu malheureusement place dans les différens recueils qu’on a publiés depuis.

Mazocchi & Smetius ont cité plusieurs de ces inscriptions fictives sans se douter de leur fausseté. Fulvio Ursini, quoique fort habile d’ailleurs, en a souvent fourni à Gruter, qui étoient entierement fausses, & qu’il lui donnoit pour avoir été trouvées à Rome même. Autonio Augustino, que je citois tout-à-l’heure, savant & habile critique, en est convenu de bonne foi, & a eu l’honnêteté d’en avertir le public. Cependant le P. André Schott, jésuite d’Anvers, avoit ramassé sans choix & sans discernement toutes celles qu’on lui avoit communiquées d’Espagne, & il est presque le seul garant que Gruter ait cité pour les inscriptions de ce pays-là, qui sont dans son ouvrage.

Outre les inscriptions absolument fausses & faites à plaisir, il s’en trouve un grand nombre dans les recueils qui ont été défigurées par l’ignorance, ou par la précipitation de ceux qui les ont copiées : de secondes copies, comme il arrive tous les jours, ont multiplié les fautes des premieres, & de troisiemes copies en ont comblé la mesure.

Ces réflexions ne doivent cependant pas nous porter à rejetter légerement & sans de bonnes raisons l’autorité des inscriptions en général, mais seulement à ne la recevoir cette autorité, qu’après mûr examen, lorsqu’il est question de constater un fait d’histoire sur lequel les sentimens sont partagés.

Les regles d’une critique exacte & judicieuse doivent toujours nous servir de flambeau dans les discussions littéraires.

Pour ce qui regarde l’art de lire les inscriptions, il ne peut s’apprendre que par l’étude & par l’usage, car elles ont leurs caracteres particuliers. Par exemple, nous trouvons souvent dans les inscriptions romaines, les caracteres CIↃ & Œ employés pour exprimer mil ; c’est un I entre deux CC droits ou renversés, & c’est quelquefois un X entre deux CC, dont l’un est droit & l’autre renversé de cette maniere CXↃ. La premiere figure, quand elle est fermée par le haut, ressemble exactement à une ancienne M, qui étoit faite ainsi CIↃ ; & la derniere figure, quand elle est entierement fermée, présente un 8 incliné Œ ; mais si ces sortes de caracteres se lisent aisément, il s’en rencontre d’autres très-difficiles à déchiffrer, indépendemment des abbréviations, qui sont susceptibles de divers sens, & par conséquent de tous les écarts où les conjectures peuvent jetter nos foibles lumieres. (D. J.)

Inscription, (Art numismat.) Les antiquaires nomment inscriptions les lettres ou les paroles qui tiennent lieu de revers, & qui chargent le champ de la médaille au lieu de figures. Ils appellent légende les paroles qui sont autour de la médaille, & qui servent à expliquer les figures gravées dans le champ.

On trouve quantité de médailles grecques, latines & impériales, qui n’ont pour revers que ces lettres, S. C. Senatus Consulto, ou Δ. Ε. Δημαρχικῆς Ἐξουσίας, renfermées dans une couronne. Il y en a d’autres dont les inscriptions sont des especes d’époques, comme dans M. Aurele. Primi Decennales Cos. III. Dans Aug. Imp. Cæs. Aug. ludi sæculares. Dans le bas-Empire, Votis V. XXX. &c.

Quelquefois de grands évenemens y sont marqués, comme Victoria Germanica Imp. VI. Cos. III. Dans Marc Aurele, Signis Parthicis receptis. S. P. Q. R. dans Auguste ; Victoria Parthica Maxima dans Septime Sévere.

D’autres expriment des titres d’honneur accordés au prince, comme S. P. Q. R. Optimo Principi dans Trajan & dans Antonin Pie. Adsertori publicæ libertatis dans Vespasien. D’autres inscriptions sont des marques de la reconnoissance du Sénat & du peuple, comme dans Vespasien, Libertate P. R. restitutâ ex S. C. Dans Galba, S. P. Q. R. Ob cives servatos. Dans Auguste, Salus generis humani, &c.

Quelques-unes de ces inscriptions ne regardent que des bienfaits particuliers accordés en certains tems ou à certains lieux, avec des vœux adressés aux Dieux pour le rétablissement ou pour la conservation de la santé des princes. Telles sont sous Auguste les médailles suivantes, gravées par l’adulation : Jovi opimo Maximo, S. P. Q. R. Vota suscepta pro salute Imperat. Cæsaris Aug. quod Per eum Resp. in ampliore atque tranquilliore statu est. Jovi vota suscepta, pro salute Cæs. Aug. S. P. Q. R. Imperatori Cæsari, quod viæ mumitæ sint, ex eâ pecuniâ, quam is ad ærarium detulit.

Parmi ces médailles postérieures du tems où les empereurs de Constantinople quitterent la langue latine pour reprendre la grecque dans leurs inscriptions, il s’en trouve qui pourroient embarrasser un nouveau curieux ; telle est le ΙϹ ΧϹ ΝΙΚΑΙΗ ΟΥϹ ΧΡΙϹΤΟϹ, Jesus Christus vincit ; & le Κύριε Βοήθει Ἀλεξίῳ. Domine, Adesto Alexio. ΔΕϹΠΟΤΗΙ ΠΟΡΦΥΡΟΤΕΝΝΗΤΩΙ. On trouve dans les médailles d’Héraclius, Deus adjuva Romanis ; & c’est ce qu’ils ont voulu exprimer en grec par le Βοήθει, & que l’on auroit peine à deviner lorsque ce mot est écrit par les seules lettres initiales ; car le moyen de savoir que C. LEON PAMVLO sur la médaille de Constantin