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ombelles de fleurs blanches, à cinq pétales disposées en rose, avec plusieurs étamines à sommets purpurins. Ces fleurs font place à de petites siliques en cornes, pleines de graines fort ténues.

L’une & l’autre joubarbe croissent sur les vieux murs, les toîts des maisons ou chaumieres, fleurissent en été, & se sechent en automne après la maturité de leurs semences. Ces deux plantes paroissent contenir un sel approchant de l’alun, mêlé d’un peu de sel ammoniacal, de soufre, & de beaucoup de phlegme. On les estime rafraîchissantes, détersives, & astringentes. L’extrait fait de leur suc ; exprimé, dépuré, filtré, & doucement évaporé au bain-marie se réduit en consistance de gomme tendre, ambrée, d’un goût acide, & stiptique. V. Joub. Mat. med.

La vermiculaire âcre ou brûlante que le peuple nomme pain d’oiseau, ou poivre de muraille, est une espece de joubarbe qui mérite nos regards par son goût piquant, chaud & brûlant ; outre que son suc excite le vomissement, ce qui fait soupçonner que cette plante renferme un sel corrosif, semblable à l’esprit de nitre, mais adouci par beaucoup de phlegme & de soufre. Ses tiges sont couvertes de feuilles charnues, grasses, pointues, triangulaires, remplies de suc ; au sommet des tiges naissent des fleurs jaunes, étoilées, pentapétales, avec plusieurs étamines, à sommets de même couleur dans le milieu. Les fruits qui succedent aux fleurs sont composés de gaines pleines de très-petites semences.

La vermiculaire acre vient par tout dans les lieux pierreux & arides, suspendue par ses racines, ou couchée sur de vieilles murailles, & les toîts des maisons basses. Il en est de même des autres especes de joubarbe ; & peut-être que le nom latin sedum des Botanistes vient de sedere être assis, parce qu’elle est comme assise dans les lieux où elle croît ; mais il importe davantage d’observer à cause de l’homonymie, que le nom sedum est encore commun à différentes sortes de saxifrages & de cotylédons. (D. J.)

Joubarbe, (Mat. med.) La grande joubarbe & la petite joubarbe ou trique-madame, sont mises au rang des médicamens, à titre de rafraîchissantes, tempérantes, incrassantes, & légerement répercussives.

C’est le suc & l’infusion des feuilles de ces plantes qui sont principalement recommandées pour l’usage intérieur, & principalement dans les fievres continues, ardentes, & dans les fievres intermittentes qui participent du même caractere, c’est-à-dire, dont les accès sont marqués par une chaleur excessive qui n’est précédée d’aucun froid. Ces remedes sont vantés aussi pour les affections inflammatoires de l’estomac & des intestins ; on les croit utiles dans les dissenteries, d’après les succès observés chez certains peuples d’Afrique où ces remedes sont fort usités dans ce dernier cas. On attribue les mêmes vertus à l’eau distillée de cette plante. Nous pouvons positivement assurer que cette eau distillée ne possede aucune vertu : quant au suc & à l’infusion, ce que les auteurs, Boerhave entr’autres, en publient, peut être très-réel ; mais ces remedes n’en sont pas moins presqu’absolument inusités parmi nous.

Leur usage extérieur est un peu plus fréquent ; on en fait avec le beurre frais des onguens pour les hémorrhoïdes & pour les brûlures.

L’eau distillée de ces plantes, & leur suc mêlé avec une certaine quantité d’esprit de vin, sont comptés parmi les cosmetiques.

Les feuilles de grande joubarbe entrent dans la composition de l’onguent mondificatif d’ache, & dans l’onguent populeum ; les racines, les feuilles & le suc de trique-madame entrent dans l’emplâtre diabotanum,

& ses feuilles dans l’onguent populeum.

JOUDARDE, (Histoire nat.), Voyez Poule d’eau.

* JOUE, subst. fém. (Anat.) la partie du visage qui s’étend des deux côtés du nez jusqu’aux oreilles, & depuis les tempes jusqu’au menton.

Ce terme a passé dans les arts, & l’on dit de plusieurs parties de machines étendues & placées sur les côtés simétriquement l’une à l’autre, que ce sont les joues de la machine, exemple. Les joues du peson, ce sont de petites plaques placées de part & d’autre sur les broches du peson.

Joues dans l’artillerie, sont les deux côtés de l’épaulement d’une batterie, coupés selon son épaisseur pour pratiquer l’embrasure. Voyez Batterie.

JOUÉE, s. f. terme d’Architecture, c’est dans l’ouverture d’une porte & d’une croisée, l’épaisseur du mur qui comprend le tableau, la feuillure & l’ébrasure : on appelle aussi jouée ou jeu, la facilité de toute fermeture mobile dans sa baie, comme porte & fenêtre.

Jouée de lucarne, ce sont les côtés d’une lucarne, dont les panneaux sont remplis de plâtre.

* JOUER, (Gramm.) il se dit de toutes les occupations frivoles auxquelles on s’amuse ou l’on se délasse, mais qui entraînent quelquefois aussi la perte de la fortune & de l’honneur.

Les hommes ont inventé une infinité de jeux qui tous marquent beaucoup de sagacité. Voyez Jeu.

Le verbe jouer se prend en une infinité de sens différens. On se joue de son travail ; on se joue de la vertu ; on joue l’innocence ; on joue la comédie ; on joue d’un instrument ; on joue un mauvais rôle.

On joue beaucoup aujourd’hui dans le monde ; il n’est pas inutile de savoir jouer, ne fut-ce que pour amuser les autres ; & il est bon de savoir bien jouer si l’on ne veut pas être dupe.

* Jouer, (Gram. Mathémat. pures.) c’est risquer de perdre ou de gagner une somme d’argent, ou quelque chose qu’on peut rapporter à cette commune mesure, sur un évenement dépendant de l’industrie ou du hasard.

D’où l’on voit qu’il y a deux sortes de jeux ; des jeux d’adresse & des jeux de hasard. On appelle jeux d’adresse ceux où l’évenement heureux est amené par l’intelligence, l’expérience, l’exercice, la pénétration, en un mot quelques qualités acquises ou naturelles, de corps ou d’esprit, de celui qui joue. On appelle jeux de hasard, ceux où l’évenement paroît ne dépendre en aucune maniere des qualités du joueur. Quelquefois d’un jeu d’adresse l’ignorance de deux joueurs en fait un jeu de hasard ; & quelquefois aussi d’un jeu de hasard, la subtilité d’un des joueurs en fait un jeu d’adresse.

Il y a des contrées où les jeux publics, de quelque nature qu’ils soient, sont défendus, & où on peut se faire restituer par l’autorité des lois l’argent qu’on a perdu.

A la Chine, le jeu est défendu également aux grands & aux petits ; ce qui n’empêche point les habitans de cette contrée de jouer, & même de perdre leurs terres, leurs maisons, leurs biens, & de mettre leurs femmes & leurs enfans sur une carte.

Il n’y a point de jeu d’adresse où il n’entre un peu de hasard. Un des joueurs a la tête plus saine & plus libre ce jour-là que son adversaire ; il se possede davantage, & gagne, par cette seule supériorité accidentelle, celui contre lequel il auroit perdu en tout autre tems. A la fin d’une partie d’échecs ou de dames polonoises, qui a duré un grand nombre de coups entre des joueurs qui sont à-peu-près d’égale force, le gain ou la perte dépend quelquefois d’une disposition qu’aucun des deux n’a prévue & ne s’est proposée.