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Le gouvernement ecclésiastique est sous quatre archevêques ; Armagh primat, Dublin, Cashel & Tuam, qui ont pour suffragans dix-neuf évêques.

L’Irlande fut réunie à la couronne d’Angleterre sous Henri II. en 1172 ; mais Henri VIII. fut déclaré le premier roi d’Irlande dans la trente-troisieme année de son regne, & pour lors cette île fut traitée de royaume ; car avant lui, les rois d’Angleterre se disoient seulement seigneurs d’Irlande.

Je ne parcourerai pas ses diverses révolutions, c’est assez de remarquer qu’elles paroissent assoupies pour long-tems ; Dublin la capitale, ne respire que l’attache & l’affection au gouvernement établi.

La long. de l’Irlande, suivant M. de Lisle, est depuis 7d. 10′. jusqu’à 12d. 5′. Sa lat. mérid. est par les 51d. 20′. Sa lat. sept. est par les 55d. 20′.

J’ai indiqué ci-dessus un bon livre sur l’histoire naturelle d’Irlande, ceux qui voudront connoître ses antiquités sacrées & prophanes, les liront dans Ussérius, un des plus savans hommes du xvij. siecle, & qui a le plus fait d’honneur à sa patrie ; ses écrits, en particulier ses annales, ont immortalisé son nom. Il mourut comblé d’honneur & de gloire, le 21 Mars 1655, à 75 ans ; Cromwell le fit enterrer solemnellement dans l’abbaye de Westmunster.

Warœus a publié un ouvrage qui n’est pas exempt de préjugés sur les écrivains qui ont illustré l’Irlande depuis le iv. siecle jusqu’au xvij. Il paroît assez vrai que les Saxons d’Angleterre, ont reçu des Irlandois leurs caracteres ou lettres, & conséquemment les sources de cette érudition profonde qui caractérise la nation Britannique, tandis que leurs maîtres vinrent à tomber dans une extrême décadence ; je juge cette décadence, parce que la vie de Gothescalque, moine de l’abbaye d’Orbais, faite par Ussérius en 1631, est le premier livre latin qu’on ait imprimé en Irlande ; mais aussi depuis lors le goût des Arts & des Sciences a repris faveur dans cette île, & y a jetté de belles & profondes racines. (D. J.)

IRMINSUL, s. m. (Hist. Germ.) dieu des anciens Saxons. On ignore si ce dieu étoit celui de la guerre, l’Arès des Grecs, le Mars des Latins, ou si c’étoit le fameux Irmin, que les Romains appellerent Arminius, vainqueur de Varus, & le vengeur de la liberté germanique.

Il est étonnant que Schedius qui a fait un traité assez ample sur les dieux des Germains, n’ait point parlé d’Irminsul ; & c’est peut-être ce qui a déterminé Meibom à publier sur cette divinité, une dissertation, intitulée Irminsula Saxonica. Je ne puis faire usage de son érudition mal-digérée ; je dois au lecteur des faits simples, & beaucoup de laconisme.

Dans cette partie de l’ancienne Germanie, qui étoit habitée par les Saxons Westphaliens, près de la riviere de Diméle, s’elevoit une haute montagne, sur laquelle étoit le temple d’Irminsul, dans une bourgade nommée Héresberg ou Héresburg. Ce temple n’étoit pas sans doute recommandable par l’architecture, ni par la statue du dieu, placée sur une colonne ; mais il l’étoit beaucoup par la vénération des peuples, qui l’avoient enrichi de leurs offrandes.

On ne trouve dans les anciens auteurs aucune particularité touchant la figure de ce dieu ; car tout ce qu’en débite Kranzius, écrivain moderne, n’est appuyé d’aucune autorité : l’abbé d’Erperg, qui vivoit dans le xiij. siecle, 300 ans avant Kranzius, nous assure que les anciens Saxons n’adoroient que des arbres & des fontaines, & que leur dieu Irminsul n’étoit lui-même qu’un tronc d’arbre dépouillé de ses branches. Adam de Breme, & Beatus Rhenanus nous donnent la même idée de cette divinité, puilqu’ils l’appellent columnam ligneam sub divo positam.

Si l’on connoissoit la figure de cette idole, & des

ornemens qui l’accompagnoient, il seroit plus aisé de découvrir quel dieu la statue représentoit ; mais faute de lumieres à cet égard, on s’est jetté dans de simples conjectures. Suivant ceux qui pensent que Irmin ou Hermès sont la même chose, Irminsul désigne la statue d’Hermès ou de Mercure. D’autres prétendent que Héresburg étant aussi nommé Marsburg, qui veut dire le sort de Mars, il est vraissemblable que les anciens Saxons, peuple très-belliqueux, adoroient sous le nom d’Irminsul le dieu de la guerre. Enfin le plus grand nombre regardant Irminsul comme un dieu indigete, se sont persuadés que c’est le même que le fameux Arminius, général des Chérusques, qui brisa les fers de la Germanie, défit trois légions romaines, & obligea Varus à se passer son épée au-travers du corps. Velleius Paterculus qui raconte ce fait, ajoute que toute la nation composa des vers à la louange d’Arminius, leur libérateur. Elle put donc bien, après sa mort, en faire un Dieu, dans un tems sur-tout où on elevoit volontiers à ce rang ceux qui s’étoient illustrés par des actions éclatantes.

Quoi qu’il en soit, Irminsul avoit ses prêtres & ses prêtresses, dont les fonctions étoient partagées. Aventin rapporte, que dans les fêtes qu’on célébroit à l’honneur de ce dieu, la noblesse du pays s’y trouvoit à cheval, armée de toutes pieces, & qu’après quelques cavalcades autour de l’idole, chacun se jettoit à genoux & offroit ses présens aux prêtres du temple. Meibom ajoute que ces prêtres étoient en même tems les magistrats de la nation, les exécuteurs de la justice, & que c’étoit devant eux qu’on examinoit la conduite de ceux qui avoient servi dans la derniere guerre.

Charlemagne ayant pris Héresburg en 772, pilla & rasa le temple du pays, fit égorger les habitans, & massacrer les prêtres sur les débris de l’idole renversée. Après ces barbaries, il ordonna qu’on bâtit sur les ruines du temple, une chapelle qui a été consacrée dans la suite par le pape Paul III. Il fit encore enterrer près du Véser la colomne sur laquelle la statue d’Irminsul étoit posée ; mais cette colomne fut déterrée par Louis-le-débonnaire, successeur de Charlemagne, & transportée dans l’église d’Hildesheim, où elle servit à soutenir un chandelier à plusieurs branches. Voyez Hildesheim.

Un chanoine de cette ville nous a conservé les trois vers suivans, qui sont des plus mauvais, mais qui étoient écrits en lettres d’or autour du fust de la colomne.

Si fructus vestri, vestro sint gaudia patri,
Ne damnent tenebræ quæ fecerit actio vitæ,
Juncta fides operi, sit lux super addita luci.

Apparemment que cette inscription avoit été gravée sur cette colomne, lorsqu’on la destina à porter un chandelier dans le chœur de l’église d’Hildesheim.

On dit qu’on célebre encore tous les ans dans cette ville, la veille du dimanche que l’on appelle lætare, la mémoire de la destruction de l’idole Irminsul : les enfans font enfoncer en terre un pieu de six piés de long, sur lequel on pose un morceau de bois en forme de cylindre, & celui qui d’une certaine distance peut l’abattre, est déclaré vainqueur. (D. J.)

IRONIE, sub. fém. (Gram.) « c’est, dit M. du Marsais, Tropes II. xiv. une figure par laquelle on veut faire entendre le contraire de ce qu’on dit…

» M. Boileau, qui n’a pas rendu à Quinault toute la justice que le public lui a rendue depuis, en parle ainsi par ironie ». Sat. 9.