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tête ; encore en viendra-t-on difficilement à bout, s’il a été élevé de boutures ou de branches couchées ; ce n’est qu’en le faisant venir de semence, qu’on peut l’avoir dans sa perfection. L’azarero est encore rare en France.

Le laurier-rose, arbrisseau toujours verd, d’un grand agrément, & qui est fort connu. Si on le laisse croître sans le conduire, il pousse quantité de tiges de pié qui ne forment qu’un buisson. Il se garnit de beaucoup de feuilles longues, étroites & pointues, elles sont sans dentelures, fort unies en-dessus, mais relevées en-dessous d’une seule nervûre ; elles conservent toujours la même verdure, qui est terne & foncée. L’arbrisseau donne aux mois de Juillet & d’Août une grande quantité de fleurs rassemblées par bouquets à l’extrémité des branches, qui sont d’une belle apparence. Lorsqu’elles sont passées, il leur succede de longues siliques qui renferment des semences garnies d’aigrettes, mais ce n’est que dans les années chaudes & bien favorables que cet arbrisseau donne de la graine dans ce climat. Il faut soigner ce laurier dans sa jeunesse pour lui faire prendre une tige droite ; & il ne faut pas moins d’attention par la suite pour lui former une tête par rapport à l’irrégularité qu’il contracte naturellement. On connoît à présent sept especes différentes de cet arbrisseau ; comme elles ne sont pas également robustes, il sera plus convenable de les traiter séparément, & d’en faire deux classes. La premiere comprendra ceux qui exigent moins de précaution pour passer les hivers ; tels sont le laurier-rose ordinaire à fleurs rouges, celui à fleurs blanches, & celui dont les fleurs sont mêlées de rouge & de blanc ; il faut à ces arbrisseaux les mêmes ménagemens que pour les grenadiers, c’est-à-dire, qu’il faut les serrer pendant l’hiver, & que la plus mauvaise place de l’orangerie leur suffit : il est vrai qu’on en a vû dans le climat de Paris qui ont passé plusieurs hivers de suite en plein air ; mais les plants qu’on avoit ainsi exposés en ont été quelquefois si endommagés & si fatigués, qu’ils perdoient beaucoup de leur agrément. L’usage est de les tenir ou dans des pots ou dans des caisses, & c’est le meilleur parti. Rien de plus aisé que de multiplier ce laurier, soit par les rejettons qu’il produit au pié, soit en semant ses graines, soit en couchant des jeunes branches, ou en greffant ses especes les unes sur les autres. Tous ces moyens sont bons, si ce n’est que celui de semer sera le plus difficile & le plus long. Le commencement d’Avril est le tems propre pour faire les branches couchées ; il sera presque égal de ne les faire qu’au mois de Juillet, elles feront des racines suffisantes pour être transplantées au printems suivant. Il faut à ces arbrisseaux beaucoup d’eau pendant l’été, sans quoi ils feroient peu de progrès, & ne produiroient pas beaucoup de fleurs. Si l’on veut même en tirer tout le parti possible, c’est de les ôter des caisses, & de les mettre en pleine terre pendant toute la belle saison jusqu’au 20 d’Octobre qu’il faudra les remettre dans leur premier état ; on leur donne par ce moyen de la vigueur, de la durée, de la hauteur, & infiniment plus de beauté. Les lauriers-rose de la seconde classe sont infiniment plus délicats que ceux dont on vient de parler, il leur faut une serre chaude pour passer l’hiver & des soins tous différens : ceux-ci sont le laurier rose à fleurs rougeâtres, simples & odorantes, le même à fleurs doubles, celui à fleurs doubles, mêlées de rouge & de blanc, & un autre à grandes fleurs rouges. Ces arbrisseaux viennent de la Nouvelle Espagne, d’où ils ont passé aux colonies angloises d’Amérique, & de-là en Europe. Les deux variétés à fleurs doubles sont de la plus grande beauté ; elles donnent pendant tout l’été de gros bouquets de fleurs très-doubles, dont la vive couleur, l’élégance & la

bonne odeur rendent ces arbrisseaux très-précieux. Mais il faut des précautions pour les faire fleurir ; car si on les laisse en plein air pendant l’été, quoique dans la meilleure exposition, ils ne donneront point de fleurs ; il faut absolument les mettre sous des chassis, & les traiter durant cette saison comme les plantes les plus délicates des pays chauds. Ces arbrisseaux, dans les pays d’où on les a tirés, croissent naturellement sur les bords des rivieres & le long des côtes maritimes ; on ne sauroit donc trop recommander de les faire arroser souvent. Du reste on peut les multiplier comme les especes qui sont plus robustes.

Le laurier-tin, arbrisseau toujours verd, l’un des plus jolis que l’on puisse employer pour l’agrément dans les jardins ; il prend de lui-même une tige droite, il se garnit de beaucoup de rameaux, la verdure de son feuillage ne change point ; & quoiqu’un peu brune, elle plaît aux yeux par son brillant ; ses fleurs blanchâtres & sans odeur viennent en ombelles au bout des branches ; elles sont d’un ordre assez commun, mais ce laurier en donne une grande quantité, elles sont de longue durée ; elles paroissent dès que la saison s’adoucit à la fin de l’hiver, & l’arbrisseau en produit encore quelques-unes pendant l’automne. Les fruits qui succedent sont de petites baies d’un noir bleuâtre & luisant, qui renferment chacune une semence presque ronde. Cet arbrisseau n’est nullement délicat sur la qualité du terrein ; & quoique dans les pays où il vient naturellement, comme en Espagne, en Portugal, en Italie & en France, aux environs de Narbonne, il croisse de lui-même dans des lieux escarpés, pierreux & incultes, cependant il se plaira encore mieux dans une terre franche & humide, à l’exposition du nord & à l’ombre des autres arbres ; qualité très-avantageuse dont on pourroit profiter pour former dans des endroits couverts & serrés, des haies, des séparations & des palissades qui s’éleveroient facilement à huit ou dix piés, ou que l’on pourra retenir, si l’on veut, à hauteur d’appui. Il n’y a peut-être aucun arbrisseau que l’on puisse multiplier aussi aisément que celui-ci ; il vient de rejettons, de semence, de branches couchées, de boutures & par la greffe comme bien d’autres : mais on peut encore le multiplier par ses racines, & même en piquant dans la terre ses feuilles, qui font racine assez promptement ; la queue de la feuille fait de petites racines, il s’y forme ensuite un œil qui donne bien-tôt une tige. Il ne faut presque aucune culture à ce laurier, & peu d’attention sur le tems propre à coucher ses branches, ou à en faire des boutures ; tous les tems conviennent pour cela, pourvû que la saison soit douce, & il arrive souvent que les branches qui touchent contre terre y font racine, sans qu’il soit besoin de les couvrir de terre. Si l’on vouloit se procurer une grande quantité de ces arbrisseaux, il faudroit en semer des graines, quoique ce soit le parti le plus long & le plus incertain : le tems de les semer est en automne, aussi-tôt qu’elles sont en maturité. Cet arbrisseau est susceptible de toutes les formes qu’on veut lui faire prendre. Il faut le tailler au printems, après que les fleurs sont passées ; si on le faisoit plûtôt, on supprimeroit les fleurs de l’arriere saison. La serpette convient mieux pour cette opération que le ciseau qui dégrade les feuilles. Sa transplantation demande des précautions, il participe en cela du défaut qui est commun aux arbres toujours verds, qui reprennent difficilement. La meilleure saison de le transplanter est au commencement d’Avril, immédiatement avant qu’il ne pousse ; on ne peut être assuré de la reprise que quand on a enlevé ces arbrisseaux avec la motte de terre. On doit les arroser souvent, & les tenir couverts de paille jusqu’à ce qu’ils commencent à