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cacher leur intrigue, Léandre, à la faveur de la nuit, passoit le détroit à la nage ; mais leur commerce ne dura pas long-tems : la mauvaise saison étant venue, Léandre périt dans les flots, & Héro ne pouvant survivre à cette pette, se précipita du haut de sa tour, Heroâ lacrymoso littore turri ! C’étoit du sommet de cette tour, dit Stace, que la prêtresse de Sestos avoit continuellement ses yeux attachés sur les vagues de la mer : sedet anxia turre supremâ, Sestias in speculis.

On sait combien d’autres poëtes & d’anciens écrivains ont chanté cette avanture. Virgile y fait une belle allusion dans ses géorgiques, liv. III. v. 258 & suiv. Quid juvenis, &c. Dans Martial, Léandre prie les ondes de daigner l’épargner dans sa course vers Héro, & de ne le submerger qu’à son retour, parcite dùm propero, mergite dùm redeo. Antipater de Macédoine, parlant des naufrages arrivés sur l’Hellespont, s’écrie dans l’anthologie, l. I. c. lv. épig. 7. « malheureuse Héro, & vous infortuné Déimaque, vous perdîtes dans ce trajet de peu de stades, l’une un époux, & l’autre une épouse chérie ».

Tout le monde a lû dans les héroides attribuées à Ovide, les épîtres de Léandre & d’Héro, & personne n’ignore que l’histoire de ces deux amans est racontée avec toutes les graces de la Poësie dans un écrivain grec, qui porte le nom de Musée : c’est un ouvrage de goût & de sentiment, plein de tendresse & d’élégance. Nous en avons des traductions dans presque toutes les langues vivantes de l’Europe ; mais nous n’en avons point qui égale la noblesse & la pureté de l’original.

Enfin, les médailles ont rendu célebre la tour de Léandre : on en possede un grand nombre qui portent les noms des deux amans, & d’autres où l’on voit Léandre précédé de Cupidon le flambeau à la main, nager vers Héro, qui l’accueille du haut d’une tour.

LÉANE, la, (Géog.) riviere d’Irlande ; elle a sa source dans la province de Meinster, au comté de Kerry, court à l’ouest, & se jette dans la baie de Dingle. (D. J.)

LÉAO, s. m. (Hist. nat. Minéralogie.) espece de pierre bleue qui se trouve dans les Indes orientales, sur-tout dans les endroits où il y a des mines de charbon de terre. Les Chinois s’en servent pour donner la couleur bleue à leur porcelaine ; ils commencent par laver cette pierre, afin de la dégager de toute partie terrestre & impure ; ils la calcinent dans des fourneaux pendant deux ou trois heures, après quoi ils l’écrasent dans des mortiers de porcelaine, & versent de l’eau par-dessus, qu’ils triturent avec la pierre ; ils décantent l’eau qui s’est chargée de la partie la plus déliée, & continuent ainsi à triturer & à décanter jusqu’à ce que toute la couleur soit enlevée : après cette préparation ils s’en servent pour peindre en bleu leur porcelaine.

On croit que le léao n’est qu’un vrai lapis laruzi ; mais il y a lieu d’en douter, attendu que la couleur du lapis n’est point en état de résister à l’action du feu, qui la fait disparoître. Voyez Lapis lazuli, observations sur les coûtumes de l’Asie. Et voyez l’article Azur. (—)

Léao, (Géog.) autrement Léaotung, riviere de la Tartarie, où elle a sa source, au-delà de la grande muraille, & se perd dans la mer.

LÉAOTUNG, (Géog.) vaste contrée de la Chine, dont elle est séparée par la grande muraille & le golfe de Cang, tandis que la Corée & les montagnes d’Yalo la séparent du pays des Tartares Bogdois du Niuchèz. Ses habitans, plus guerriers & moins industrieux que les Chinois, n’aiment ni le Commerce ni l’Agriculture, quoique leur pays y soit propre.

Il a plusieurs montagnes, entr’autres celle de Changpé, qui court jusque dans la Tartarie, depuis grande muraille, & qui est celebre par son lac de 80 stades d’étendue. C’est dans cette montagne que le Yalo, & le Quentung prennent leurs sources.

Les lieux de la province, où il n’y a point de montagnes, sont stériles en froment, millet, légumes & fruits.

Ce pays produit le gin-sing, ainsi que le Canada, & fournit de même des fourrures de castors, de martes & de zibelines. Chan-Yang a de nos jours usurpé la place de Léaoyang, qui en étoit la métropole.

On sait les étranges révolutions que le royaume de Léaogund éprouva dans le dernier siecle. M. de Voltaire en a peint toute l’histoire en quatre pages.

Au nord-est de cette province il y avoit quelques hordes de tartares Mantcheoux, que le vice-roide Léaogund traita durement. Ils firent, comme les anciens scythes, des représentations hardies. Le gouverneur, pour réponse, brûla leurs cabanes, enleva leurs troupeaux, & voulut transplanter les habitans. Alors ces tartares, qui étoient libres, se choisirent un chef pour se venger. Ce chef, nommé Taitsou, battit les Chinois, entra victorieux dans la contrée de Léaotung, & se rendit maître de la capitale en 1622.

Taitsou mourut en 1626 au milieu de ses conquêtes ; mais son fils Taitsong marchant sur ses traces, prit le titre d’empereur des Tartares, & s’égala à l’empereur de la Chine.

Il reconnoissoit un seul dieu comme les lettrés chinois, & l’appelloit le tien comme eux. Il s’exprime ainsi dans une de ses lettres circulaires aux Mandarins des provinces chinoises. « Le tien éleve qui il lui plaît ; il m’a peut-être choisi pour être votre maître ». Il ne se trompoit pas ; depuis 1628 il remporta victoires sur victoires, établit des lois au milieu de la guerre, & enleva au dernier empereur du sang chinois toutes ses provinces du nord, tandis qu’un mandarin rebelle, nommé Litsching, se saisit de celles du midi : ce Litsching fut tué au milieu de ses succès.

Les Tartares ayant perdu leur empereur Taitsong en 1642, nommerent pour chef un de ses neveux encore enfant, qui s’appelloit Changti. Sous ce chef, qui périt à l’âge de 24 ans en 1661, & sous Chamhi, qu’ils élurent pour maître à l’âge de 8 ans, ils conquirent pié-à-pié tout le vaste empire de la Chine. Le tems n’a pas encore confondu la nation conquérante avec le peuple vaincu, comme il est arrivé dans nos Gaules, en Angleterre & ailleurs ; mais les Tartares ayant adopté sous Cham-hi les lois, les usages & la religion des Chinois, les deux nations n’en composeront bien-tôt qu’une seule.

LÉAOYANG, (Géog.) c’étoit dans le dernier siecle la capitale du Léaotung ; à présent Chan-Yang a pris sa place. Léaoyang est une grande ville assez peuplée. Long. 5. 33. lat. 39. 40.

LÉAWAVIA, (Géog.) port de mer, sur la côte orientale de l’isle de Ceylan, dans le pays du même nom.

LÉBADIE, (Géog. anc.) λεϐαδία, λεϐάδεια ; en latin Lebadia, ancienne ville de Grece en Béotie, entre l’Hélicon & Chéronée, auprès de Coronée. Il y avoit à Lébadie le célebre oracle de Trophonius, qui étoit dans un antre de rocher, où l’on descendoit avec peine. Ce lieu s’appelle encore Livadia, & donne son nom à toute la contrée. Voyez Livadia & Livadie. (D. J.)

LEBEDA, Leptis, (Géog.) ancienne ville d’Afrique, au royaume de Tripoli, avec un assez bon port sur la mer Méditerranée, à 34 lieues de Tripoli. On en a tiré pour la France de belles colonnes de marbre ; celles du grand autel de S. Germain-des-