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vision à ces sortes d’actes, jusqu’à ce qu’ils soient inscrits de faux, & c’est en quoi consiste l’effet de l’authenticité.

Mais les actes émanés des officiers publics, tels que les notaires, greffiers, procureurs, huissiers, ne sont par eux-mêmes authentiques que dans le lieu où les officiers ont leur résidence, parce que l’authenticité des actes n’est fondée que sur ce que l’auteur en est connu, & que le caractere public de ces sortes d’officiers n’est censé connu que dans le lieu où ils ont leur résidence.

C’est pour remédier à cet inconvénient, que l’on a introduit les légalisations, & afin d’étendre l’authenticité d’un acte d’un lieu dans un autre ; car les légalisations sont une preuve de l’authenticité des actes, & tiennent lieu d’une enquête sommaire que l’on feroit pour constater la qualité & la signature de l’officier public qui a reçu l’acte dans les lieux où son authenticité ne seroit pas connue sans cette formalité.

Par exemple un acte reçu par un notaire au châtelet de Paris, n’est par lui-même authentique que dans le ressort du châtelet, parce que la signature de ce notaire n’est pas censée connue hors des lieux où il exerce ses fonctions ; mais si le juge royal auquel ce notaire est soumis, légalise l’acte, en attestant que celui qui l’a reçu est réellement notaire au châtelet de Paris, que la signature apposée à l’acte est la sienne, & que l’on ajoute foi aux actes émanés de lui, alors la qualité de l’acte étant constatée par le certificat du juge royal, l’acte sera authentique par tout le royaume, & même dans les pays étrangers, parce que le sceau des juges royaux est censé connu par tout pays.

La légalisation ne donne à l’acte aucun droit d’hypotheque ni d’exécution parée, s’il ne l’a par lui-même ; elle ne sert, comme on l’a dit, qu’à faire connoître son authenticité.

L’acte de légalisation est lui-même authentique en ce qu’il contient, dans le pays où le caractere de l’officier qui l’a donné, est connu ; & cet acte fait foi par provision, jusqu’à ce qu’il soit inscrit de faux.

Ce n’est pas seulement en France que les légalisations sont en usage ; elles le sont pareillement chez toutes les nations policées ; mais elles s’y pratiquent diversement.

Dans toute l’Italie, l’Allemagne, la Hollande, l’Angleterre, & l’Espagne, un acte reçu par un notaire devient authentique à l’égard de tous les pays de leur domination, par le certificat & la signature de trois autres notaires qui attestent la signature & la qualité du premier : j’ai vû quelques légalisations de cette espece, à la suite desquelles étoit une seconde légalisation donnée par les officiers municipaux des villes, & munies de leur sceau, lesquels attestoient la signature & la qualité des trois notaires qui avoient donné la premiere légalisation ; mais cette seconde légalisation n’avoit été ajoutée que pour faire valoir l’acte en France, où l’on n’étoit pas obligé de connoîtrc la signature ni la qualité des trois notaires qui avoient donné la premiere légalisation.

J’ai vu pareillement plusieurs actes passés en Pologne ; & que l’on faisoit valoir en France comme authentiques, lesquels n’étoient munis que d’une seule légalisation, quelques-uns légalisés par les officiers municipaux des villes, d’autres par les officiers de la chancellerie du prince : je n’en ai vu aucun qui fût légalisé par des notaires, & je ne crois pas que cela y soit en usage.

En France on pratique diverses légalisations, & il y a plusieurs sortes d’officiers publics qui ont le pouvoir de légaliser, selon la qualité des actes ; mais les notaires n’en légalisent aucun.

Il seroit trop long d’entrer dans le détail de tous les actes qui peuvent être légalisés, & des cas dans lesquels la légalisation est nécessaire ; il suffit d’observer en général qu’à la rigueur tous actes émanés d’un officier public, tel qu’un notaire, commissaire, huissier, &c. quand on les produit hors du lieu où l’officier qui les a reçûs fait ses fonctions, ne sont point authentiques s’ils ne sont légalisés.

On exige sur-tout que les procurations soient légalisées, lorsque l’on s’en sert hors du lieu de l’exercice des notaires qui les ont reçûes : cette formalité est expressément ordonnée par tous les édits & déclarations rendus au sujet des rentes viageres, qui portent que les procurations passées en province par les rentiers, seront légalisées par le juge royal du lieu de leur résidence ; & ce sont-là les seules lois qui parlent des légalisations : encore n’est-ce qu’en passant, & en les supposant déja usitées.

Les officiers qui ont caractere pour légaliser, ne doivent faire aucune légalisation, qu’ils ne connoissent la qualité de l’officier qui a reçu l’acte, sa signature, & le sceau qu’il avoit coutume d’apposer aux actes qui se passoient par-devant lui : s’ils n’en ont pas une connoissance personnelle, ils peuvent légaliser l’acte suivant ce qu’ils tiennent par tradition, ou à la relation d’autrui, pourvû qu’ils s’informent des faits qu’il s’agit d’attester, à des témoins dignes de foi.

De-là suit naturellement, que l’on peut légaliser non-seulement les actes expédiés par des officiers qui sont encore vivans, mais aussi ceux qui ont été expédiés anciennement par des officiers qui sont morts au tems de la légalisation, pourvû que la qualité, la signature, & le sceau de ces officiers soient connus par tradition ou autrement.

Pour connoître plus particulierement par quels officiers chaque espece d’actes doit être légalisée, il faut d’abord distinguer les actes émanés des officiers publics ecclésiastiques, d’avec ceux émanés des officiers publics séculiers.

Les actes émanés d’officiers publics ecclésiastiques, tels que les curés, vicaires, desservans, les vice-gérens, promoteurs, greffiers, notaires, & procureurs apostoliques, appariteurs, & autres officiers de cette qualité, peuvent être légalisés par les supérieurs ecclésiastiques de ces officiers, soit l’évêque ou archevêque, ou l’un de ses grands vicaires, où son official ; & une telle légalisation est valable non-seulement à l’égard des autres supérieurs ou officiers ecclésiastiques, mais aussi à l’égard de tous officiers séculiers royaux ou autres, parce que l’évêque & ses préposés sont compétens pour attester à toutes sortes de personnes l’authenticité des actes émanés des officiers ecclésiastiques, que personne ne peut mieux connoître que l’évêque, son official, ou ses grands vicaires.

Il faut seulement observer que si c’est l’official qui a fait la légalisation, & que l’on veuille la faire sceller pour plus grande authenticité, comme cela se pratique ordinairement, il faut la faire sceller ou par l’évêque ou par celui qui est préposé par lui pour apposer son sceau, car ordinairement les officiaux n’ont point de sceau même pour sceller leurs jugemens.

On peut aussi faire légaliser des actes émanés des officiers ecclésiastiques, par le juge royal du lieu de leur résidence, & sur-tout lorsqu’on veut produire ces actes en cour laie, ou devant des officiers séculiers, royaux ou autres, parce que le juge royal est présumé connoître tous les officiers qui exercent un ministere public dans son ressort ; & une telle légalisation est valable même à l’égard des officiers ecclésiastiques auprès desquels on veut faire valoir l’acte, parce qu’ils ne peuvent méconnoître la léga-