Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’eau dont on arrose les cendres, sur lesquelles on rejette les bords du drap, & l’on couvre le cuvier d’un couvercle de natte ; cette eau chaude met en dissolution le sel du bois contenu dans les cendres : ce sel dissout, se sépare des cendres, passe à-travers le drap avec l’eau, va impregner le linge sale qui est dessous : la dissolution ou l’eau de lessive tombe au fond du cuvier, & sort par le bouchon de paille qu’on a mis au trou latéral du cuvier, d’où elle est reçue dans un autre cuvier plus petit placé au-dessous du premier. On reverse cette dissolution sur les cendres, on les arrose de nouvelle eau chaude, & l’on fait en sorte que tout le sel contenu dans les cendres soit dissous & déposé sur le linge. Quand on a épuisé les cendres de sel par l’eau chaude, quand on a fait repasser la lessive ou sa dissolution sur le linge sale, on enleve le drap avec les cendres, on tire le linge du cuvier, on le lave & on le bat dans l’eau claire, on le frottant de savon. Quand il est blanc & bien décrassé, on le lave & relave dans de l’eau claire seulement, jusqu’à ce qu’il n’y reste plus aucun vestige ni d’eau de lessive, ni d’eau de savon, ni de crasse. On l’étend sur des cordes pour le faire sécher : sec, on le détire & on le plie, puis on le serre dans des armoires à linge. La raison de cette opération est assez simple ; la saleté du linge est une graisse ; le sel des cendres s’y unit un peu, & forme avec elle une espece de savon. Ce premier savon, formé dans le cuvier, s’unit facilement avec celui dont on frotte le linge au sortir du cuvier : ils se dissolvent ensemble ; en se dissolvant l’eau les emporte avec la crasse. D’ailleurs toute cendre n’est pas bonne pour la lessive : celles du bois flotté ne contiennent presque point de sel ; il a été dissous dans le flottage, & toute eau n’est pas également bonne pour la lessive ; les eaux séléniteuses, par exemple, sont mauvaises ; la sélénite venant à se dissoudre, son acide s’unit au sel du savon, & l’huile du savon reste seule & surnage à l’eau en petits flocons.

Lessive des aiguilles, terme d’Aiguillier, qui signifie laver les aiguilles dans de l’eau de savon après qu’elles sont polies, afin d’en enlever la crasse ou cambouis qui s’y étoit attaché pendant le poliment. Voyez Aiguille.

Lessive, (Jardinage.) on appelle de ce nom l’eau qui sort de la lessive du linge ; cette eau est pleine de sels, dont elle s’est chargée en passant sur les cendres de la lessive, & elle dépose ses sels dans les terres où elle se mêle. On peut s’en servir pour arroser celles qu’on prépare pour les orangers, citroniers, ou pour mouiller une planche où l’on a semé des plantes qui demandent une terre substantielle.

Lessive d’Imprimerie, est la même que celle dont on s’est servi pour lessiver le linge ; mais pour la rendre plus douce & plus onctueuse, on y fait fondre une suffisante quantité de drogue, que l’on nomme aussi potasse. C’est dans cette lessive, qui dans le bon usage doit être chaude, pour ménager l’œil de la lettre, qu’on lave les formes avec la brosse, de façon qu’il ne doit rester aucun vestige d’encre sur la lettre, sur les garnitures ni sur le chassis. Voyez nos Planches d’Imprimerie.

LEST, s. m. (Marine.) on donne ce nom à des choses pesantes, telles que des pierres, des cailloux, du sable, &c. qu’on met au fond de cale du vaisseau pour le faire enfoncer dans l’eau & lui procurer une assiette solide. Le lest sert principalement de contrepoids aux vergues & aux mâts, qui étant élevés hors du vaisseau, lui feroient faire capot au moindre roulis, & même à la moindre impression du vent.

La quantité de lest qu’il convient de mettre dans un vaisseau ne dépend pas seulement de la grandeur du vaisseau, mais encore de la forme de sa carene ;

car plus cette carene est aiguë, moins elle exige de lest, parce qu’elle enfonce d’autant plus aisément dans l’eau : cela fait voir qu’on ne peut pas déterminer avec exactitude la quantité de lest qu’il faut à un vaisseau : la chose devient encore plus difficile quand on y fait entrer toute la mâture. L’expérience fait connoître, en lestant un vaisseau, de la façon qu’il se comporte le mieux à la mer, & s’il faut augmenter ou diminuer son lest. Il y a des bâtimens auxquels il faut pour le lest environ la moitié de leur charge, d’autres le tiers, & quelques uns le quart : cela dépend de leur construction. On peut voir les reglemens qu’il faut observer pour le lest dans l’ordonnance de 1681, liv. IV. tit. IV. Voyez Délestage.

Bon lest, c’est le lest de petits cailloux, qu’on arrange aisément : c’est ordinairement celui des vaisseaux de guerre ; le fond de cale en est plus propre, & il n’embarasse pas les pompes, comme fait quelquefois le lest de terre ou de sable.

Gros lest, composé de très-grosses pierres, ou de quartiers de canons brisés. Ce lest n’est pas avantageux pour l’arrimage, & est difficile à remuer dans le besoin.

Vieux lest, c’est celui qui a déja fait un voyage ou une campagne. Il est fait défenses à tous capitaines & maîtres de navires de jetter leur vieux lest dans les ports, canaux, bassins & rades, à peine de 500 liv. d’amende, &c. Voyez Délestage.

Lest lavé, c’est le lest qu’on lave après qu’il a déja servi pour s’en servir de nouveau ordinairement on met du lest neuf une fois en deux années. (Z)

LESTAGE, s. m. (Marine.) c’est l’embarquement du lest dans le navire. Il y a des bateaux & des gabares qui servent pour le lestage. Il est défendu aux maîtres & patrons de ces gabares ou bateaux lesteurs de travailler au lestage ou délestage pendant la nuit.

LESTE, adj. (Gramm.) il se dit d’un vêtement qui charge peu le corps, & qui donne à l’homme un air de légereté ; d’une troupe qui n’est point embarrassée dans sa marche par des bagages qui la rallentiroient ; quelquefois des personnes en qui l’on remarque la souplesse des membres, & l’activité des mouvemens que demandent les exercices du corps. Il a aujourd’hui une autre acception dans cette langue honnête que les gens du monde se sont faite pour désigner sans rougir, & par conséquent s’encourager à commettre sans remords des actions malhonnêtes. Un homme leste dans ce dernier sens, c’est un homme qui a acquis le droit de commettre une bassesse par le malheureux talent qu’il a d’en plaisanter : il nous fait rire d’un forfait qui devroit nous indigner. Un homme leste est encore celui qui sait saisir l’occasion, ou de faire sa cour, ou d’augmenter sa considération, ou d’ajouter à sa fortune. L’homme leste n’est pas moins adroit à esquiver à une chose dangereuse qu’à ses suites. On a le ton leste quand on possede sa langue au point qu’on fait entendre aux autres tout ce qu’on veut sans les offenser ou les faire rougir.

LESTER, v. act. (Marine.) c’est mettre des cailloux, du sable ou autres choses pesantes au fond d’un vaisseau, pour le faire enfoncer dans l’eau & se tenir droit de façon qu’il porte bien ses voiles. On dit embarquer & décharger du leste, aussi-bien que lester & délester. (Z)

LESTRIGONS, s. m. (Géog. anc.) en latin Læstrigones, en grec Λαιστρυγόνες ; peuple que les anciens ont placé diversement. Homere les met en Italie, aux environs de la ville de Lamus, ainsi nommée parce que Lamus, roi des Lestrigons & fils de Neptune, l’avoit bâtie : ses états étoient assez étendus. Antiphatés, qui y regnoit lorsqu’Ulysse eut le mal-