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heur d’y aborder, étoit un homme cruel, qui auroit mangé, dit Ovide, tous les députés de ce héros s’ils ne se fussent sauvés après avoir vu le triste sort de l’un d’eux. De-là vint que ce monstre a servi d’exemple pour désigner la barbarie & l’inhospitalité : Quis non Antiphatem Læstrigona devovet ? Delà vint encore que tous les Lestrigons passerent pour autant de mangeurs d’hommes. Il semble que Pline ajoutoit foi à cette tradition populaire, quand il dit, lib. VII. cap. ij. Esse Scytharum genera quæ corporibus humanis vescerentur indicavimus ; id ipsum incredibile fortasse, ni cogitemus in medio orbe terrarum, Sicilia & Italiâ, fuisse gentes hujus monstri, Cyclopes & Læstrigonas.

Ce dont nous ne pouvons pas douter, c’est que la ville de Lamus n’ait pris dans la suite le nom de Formies : Cicéron, Horace & Pline le disent tous trois positivement. Ajoutez à leurs témoignages celui de Silius Italicus, qui en deux endroits du l. VII. appelle la ville de Formies en Campanie, Lestrygoniæ rupes.

D’autres auteurs placent les Lestrigons avec les Cyclopes, dans le territoire de Leontium en Sicile, & aux environs du mont Ethna. Lycophron nous assure que les Lestrigons sont les mêmes que le peuple de Sicile, nommé Léontins.

Cependant remarquons ici que les Historiens n’ont adopté qu’avec défiance la tradition des Poëtes. Les noms de Lestrigons & de Léontins ne sont peut-être qu’un même nom ; du moins Bochart prouve que lestrigon est un mot phénicien, lequel signifie un lion qui dévore. Ce nom a vraisemblablement été rendu par celui de léontin, qui désigne la même chose, & marque les mœurs féroces & léonines de ces peuples barbares : apparemment qu’une partie des Lestrigons quitta la Sicile pour s’établir sur les côtes de la Campanie. On ne peut pas douter que Lamus, qui bâtit Formies, ne fût un lestrigon ; son nom seul le témoigne ; car Lamus, laham en phénicien, signifie dévorer : de-là même a été tiré le nom des Lamies, ces spectres imaginaires de la fable ; sur lesquels voyez Lamies.

LESTWITHIEL, (Géog.) ville à marché d’Angleterre, dans la province de Cornouaille, sur le Fowey, à 188 milles O. de Londres. Elle députe au parlement. Speed écrit Lesitethiel, Cambden Lishtyei dans sa carte, & Lost-Uthiel dans sa table. Ce nom, selon lui, signifie une colline élevée, parce que ce bourg à marché, situé maintenant dans la plaine, étoit autrefois sur la colline où est aujourd’hui Lestormiu. Il étoit alors habité par les Dammoniéns. Long. 12. 58. lat. 50. 24. (D. J.)

LETECH, s. m. (Hist. anc.) mesure hébraïque, qui étoit la moitié du chomer, & par consequent de 149 pintes, demi-septier, un poisson & un peu plus. On ne trouve cette mesure que dans Osée, ch. iij. V. 2. letech hordeortm., que les Septante traduisent par Nebel, & la vulgate par dimidium cori. Voyez Nebel & Core, dictionn de la Bible.

LETH, LETHE ou LATH, s. m. (Antiq. Anglo-Saxon.) nom d’une mesure ou portion de terre dans les anciennes divisions de l’Angleterre. Le roi Alfred, selon l’opinion de quelques auteurs, partagea le royaume en comtés, comme il l’est encore. Il divisa les comtés en hundreds ou tilhings. L’hundred étoit une portion de pays où il y avoit cent officiers (nous dirions des centeniers) pour maintenir le bon ordre. Ils étoient appellés fidejussores pacis, répondans de la paix ; & le leth contenoit trois ou quatre hundreds.

Le leth étoit aussi la jurisdiction d’un vicomte, où le seigneur tenoit des especes d’assises, tous les ans une fois dans chaque village, aux environs de la saint Michel. (D. J.)

Leth, (Commerce.) qu’on écrit & qu’on prononce aussi lecht, lest ou last, suivant les différens idiomes des peuples qui se servent de ce terme. En France on dit leth.

Le leth signifie différentes choses ; tantôt il exprime la charge entiere d’un navire, c’est-à-dire la quantité de tonneaux de mer qu’il peut porter ; quelquefois il signifie une certaine pesanteur de telle ou telle espece de marchandise ; & d’autrefois il se prend pour une certaine sorte de mesure de grains plus ou moins forte, suivant les divers lieux ou elle est en usage.

En Hollande, Angleterre, Flandres, Allemagne, Danemark, Suede, Pologne, & dans tout le nord, les navires s’estiment ou mesurent par leur port ou charge sur le pié de tant de leths, le leth pesant quatre mille livres, ou deux tonneaux de France de deux mille livres chacun ; ainsi lorsqu’on dit qu’un vaisseau est de trois cens leths, cela doit s’entendre qu’il peut porter six cens tonneaux ou douze cens mille livres pesant.

Lorsqu’il s’agit du fret d’un vaisseau, voici par estimation ce qui passe ordinairement pour un leth, soit par rapport au poids, soit par rapport au volume de la marchandise : savoir, cinq pieces d’eau-de-vie, deux tonneaux de vin, cinq pieces de prunes, douze barils de pois, treize barils de goudron, quatre mille livres de ris, de fer ou de cuivre, trois mille six cens livres d’amandes, sept quartaux ou bariques d’huile de poisson, quatre pieces ou bottes d’huile d’olive, deux mille livres de laine.

En Hollande, le leth, qui est une certaine mesure ou quantité de grains, est semblable à 38 boisseaux mesure de Bordeaux, qui reviennent à 19 septiers de Paris, chaque boisseau de Bordeaux pesant environ 120 livres poids de marc ; ainsi le leth de grains eu Hollande doit approcher du poids de 4560 liv.

Le leth ou last d’Amsterdam est de 27 muddes, le mudde de 4 scheppels, le scheppel de 4 vierdevats, & le vierdevat de 4 kops. Voyez les noms & la quantité de toutes ces mesures sous leur titre particulier.

Le last de froment pese ordinairement 4600 à 4800 livres, celui de seigle 4000 à 4200, & le last d’orge 3200 à 3400 livres.

Le last est aussi la mesure des grains dans presque toutes les autres villes & principaux lieux de commerce des Provinces-unies, mais avec quelque diversité, soit de continence, soit de diminution : on peut voir ces différences exprimées fort au long & avec la derniere précision dans le dictionnaire de commerce.

En Pologne, le leth fait 40 boisseaux de Bordeaux, ou 20 septiers de Paris ; ensorte que sur ce pié, le leth de Pologne peut peser 4800 livres.

En Suede & en Moscovie on parle par grand & petit leth ; le grand leth est de 12 barils ou petits tonneaux, & le petit leth est de 6 de ces barils.

A Dantzik, le leth ou charge de lin est de 2040 I. le leth de houblon de 2830 livres ; le leth de miel ou de farine est de 12 barils, & celui de sel est de 18.

Le leth de hareng salé blanc ou sor, celui de maquereau, de cabillaud ou morue verte, est de 12 barils ou caques.

Le last ou leth d’Angleterre ou de Londres est de 10 bariques ou quarteaux , le quarteau de 8 boisseaux ou gallons, le gallon de 4 picotins ; le gallon pese depuis 56 jusqu’à 60 livres : 10 gallons ou boisseaux de Londres font un last d’Amsterdam.

Le last en Ecosse & en Irlande est de 10 quarteaux , ou 38 boisseaux, & le boisseau fait 18 gallons.

Le last de Dantzik est égal au last d’Amsterdam : on compte ordinairement qu’il pese 16 schippons,