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l’autre main avec l’inscription, idibus Martiis, aux ides de Mars.

La déesse étoit encore représentée par une femme vêtue de blanc, tenant le bonnet de la main droite, & de la gauche une javeline ou verge, telle que celle dont les maitres frappoient leurs esclaves lorsqu’ils les affranchissoient : il y a quelquefois un char auprès d’elle.

Dans d’autres médailles, elle est accompagnée de deux femmes, qu’on nommoit Adioné & Abéodoné, & qu’on regardoit comme ses suivantes ; parce que la liberté renferme le pouvoir d’aller & de venir où l’on veut.

Quelques villes d’Italie, comme Bologne, Gènes, Florence, portoient autrefois dans leurs drapeaux, dans leurs armoiries, le mot libertas, & ils avoient raison ; mais cette belle devise ne leur convient plus aujourd’hui : c’est à Londres qu’il appartient d’en faire trophée. (D. J.)

Liberté de cour, terme de Commerce, c’est l’affranchissement dont jouit un marchand de la jurisdiction ordinaire des lieux où il fait son négoce, & le privilege qu’a un étranger de porter les affaires concernant son trafic par-devant un juge de sa nation.

Ce terme a particulierement lieu par rapport aux villes hanséatiques, qui dans tous les comptoirs qu’elles avoient autrefois dans les principales villes de commerce de l’Europe, comme Londres, Anvers, &c. entretenoient une espece de consul, & sous lui un greffier, par-devant lequel tous les marchands de leur hanse ou ligne devoient se pourvoir en premiere instance, & dont les jugemens se portoient par appel & en dernier ressort, par-devant les juges & magistrats des villes hanséatiques, dont l’assemblée résidoit à Lubeck.

Ce qui reste aujourd’hui des villes hanséatiques qui sont réduites à sept ou huit, jouit encore de ce privilege, mais seulement parmi leurs propres négocians. Voyez Hanse & Hanseatiques, ou Anseatiques. Dictionn. de Comm.

Liberté, en Peinture, est une habitude de main que le peintre acquiert par la pratique. Légereté & liberté de pinceau, different en ce que légereté suppose plus de capacité dans un peintre que liberté ; ces deux termes sont cependant fort analogues.

Liberté, parmi les Horlogers, signifie la facilité qu’une piece a pour se mouvoir. On dit, par exemple, qu’une roue est fort libre, ou qu’elle a beaucoup de liberté, lorsque la plus petite force est capable de la mettre en mouvement. Voyez Jeu.

Liberté, (Maréchal.) la liberté de la langue. Voyez Langue. Sauteur en liberté. Voyez Sauteur.

Liberté, Facilité, Légereté, Franchise, (Beaux-Arts.) ces termes ordinairement synonymes dans les beaux-arts, sont l’expression de l’aisance dans leur pratique, & cette aisance ajoute des graces aux mérites des ouvrages. Il y a une liberté délicate, que possédent les grands maîtres, & qui n’est sensible qu’aux yeux savans ; mais voyez Franchise de pinceau, de burin, & Facilité, Peinture. (D. J.)

LIBERTINAGE, s. m. (Mor.) c’est l’habitude de céder à l’instinct qui nous porte aux plaisirs des sens ; il ne respecte pas les mœurs, mais il n’affecte pas de les braver ; il est sans délicatesse, & n’est justifié de ses choix que par son inconstance ; il tient le milieu entre la volupté & la débauche ; quand il est l’effet de l’âge ou du tempérament, il n’exclud ni les talens ni un beau caractere ; César & le maréchal de Saxe ont été libertins. Quand le libertinage tient à l’esprit, quand on cherche plus des besoins que des plaisirs, l’ame est nécessairement sans goût pour le beau, le grand & l’honnête. La table, ainsi que l’amour, a son libertinege ; Horace, Chaulieu, Anacréon

étoient libertins de toutes les manieres de l’être ; mais ils ont mis tant de philosophie, de bon goût & d’esprit dans leur libertinage, qu’ils ne l’ont que trop fait pardonner ; ils ont même eu des imitateurs que la nature destinoit à être sages.

LIBERTINI, les, (Littérat. sacrée.) en grec λιϐερτῖνοι, actes des apôtres, chap. vj. v. 9. Voici le passage : Surrexerunt autem quidam de synagoga, quæ appellabatur libertinorum, & Cyrenensium, & Alexandrinorum, & eorum qui etant à Ciciliâ & Asiâ, disputantes cum Stephano : « Or quelques-uns s’éleverent de la synagogue, nommée des libertins, des Cyrénéens, & des Alexandrins, des Ciciliens, & des Asiatiques, disputant avec Etienne ».

Le P. Amelotte, MM. de Sacy, Huré & quantité d’autres, traduisent libertinorum, par affranchis, parce que les Romains nommoient liberti, leurs affranchis, & les enfans des affranchis étoient proprement appellés libertini ; mais libertini de la version latine, n’est que le mot exprimé dans l’original grec λιϐερτῖνοι. Or ce mot grec n’est point du corps de la langue grecque, & ne se trouve point dans un seul auteur. Il n’a donc rien de commun avec la signification ordinaire du mot latin, dans le sens d’affranchi. Suidas qui avoit pris ce mot des actes, dit λιϐερτῖνοι, ὄνομα ἔθνους, nom de peuple ; c’est une autorité qu’on peut compter pour quelque chose.

Après les libertini, le livre des actes nomme les Cyrénéens, les Alexandrins, peuples d’Afrique, & commence par les plus éloignés. Les Romains auroient-ils eu en Afrique une colonie nommée Libertina, où il y auroit eu des Juifs, comme il y en avoit à Alexandrie & à Cyrène ? c’est ce qu’on ignore. On sait seulement qu’il y avoit en Afrique un siege épiscopal de ce nom ; car à la conférence de Carthage, ch. cxvj, il se trouva deux évêques, Victor & Janvier, l’un catholique, l’autre donatiste, qui prenoient chacun la qualité de episcopus ecclesiæ libertinensis. (D. J.)

LIBERTINS, s. m. pl. (Théolog.) fanatiques qui s’éleverent en Hollande vers l’an 1528, dont la croyance est qu’il n’y a qu’un seul esprit de Dieu répandu par-tout, qui est & qui vit dans toutes les créatures ; que notre ame n’est autre chose que cet esprit de Dieu ; qu’elle meurt avec le corps ; que le péché n’est rien, & qu’il ne consiste que dans l’opinion, puisque c’est Dieu qui fait tout le bien & tout le mal : que le paradis est une illusion, & l’enfer un phantome inventé par les Théologiens. Ils disent enfin, que les politiques ont inventé la religion pour contenir les peuples dans l’obéissance de leurs lois ; que la régénération spirituelle ne consistoit qu’à étouffer les remords de la conscience ; la pénitence à soutenir qu’on n’avoit fait aucun mal ; qu’il étoit licite & même expédient de feindre en matiere de religion, & de s’accommoder à toutes les sectes.

Ils ajoutoient à tout cela d’horribles blasphèmes contre Jesus-Christ, disant qu’il n’étoit rien qu’un je ne sais quoi composé de l’esprit de Dieu & de l’opinion des hommes.

Ce furent ces maximes qui firent donner à ceux de cette secte le nom de libertins, qu’on a pris depuis dans un mauvais sens.

Les libertins se repandirent principalement en Hollande & dans le Brabant. Leurs chefs furent un tailleur de Picardie nommé Quentin, & un nommé Coppin ou Chopin, qui s’associa à lui & se fit son disciple. Voyez le Dictionn. de Trévoux.

Libertins, (Jurisprud.) du latin liberti ou libertini, se dit quelquefois dans notre langue pour désigner les esclaves affranchis ou leurs enfans ; mais on dit plus communément affranchis, à moins que ce ne soit pour désigner spécialement les enfans des affranchis. A Rome dans les premiers tems de la république, on