Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’autre utilité que de servir à la récolte des abeilles. Les fruits qui succedent, sont des baies rondes, de la grosseur d’un pois ; elles deviennent noires dans leur maturité qui est à sa perfection au mois de Janvier : mais elles restent long-tems sur les branches.

Le lierre est un arbrisseau sauvage, agreste, dur, solitaire, impraticable, qui craint l’éducation, qui se refuse à la culture, & qui dépérit sous la contrainte ; il n’est même pas aisé de le multiplier ; ses graines, quoique semées immédiatement après leur maturité, ne levent souvent qu’au bout de deux ans. On croiroit qu’au moyen des fibres ou griffes dont les branches de cet arbrisseau sont garnies à chaque nœud, il doit être facile de le faire venir de bouture, mais il a été bien reconnu que ces fibres ne se convertissent point en racines, & qu’elles n’en favorisent nullement la venue : toutes les boutures de lierre que j’ai fait faire, n’ont jamais réussi. On peut le multiplier de branches couchées, qui n’auront de bonnes racines qu’au bout de deux ans. Le plus court parti sera de prendre dans les bois des jeunes plants enracinés ; il faudra les planter dans un terrein frais & à l’ombre, pour y greffer ensuite les variétés qui ont de l’agrément.

On ne fait nul usage en France du lierre ordinaire dans les jardins ; cependant les arbres toujours verds & robustes étant en petit nombre, on a besoin quelquefois de faire usage de tout. On pourroit employer cet arbrisseau à faire des buissons, des palissades, des portiques dans des lieux serrés, couverts, ou à l’ombre : on pourroit aussi lui faire prendre une tige, & lui former une tête réguliere ; c’est peut-être de tous les arbrisseaux celui qui souffre le plus d’être privé du grand air ; on voit en Italie des salles ou grottes en maçonnerie, qui sont garnies en-dedans, avec autant de goût que d’agrément, de la verdure des lierres plantés au-dehors.

Cet arbrisseau peut être de quelqu’utilité, & on lui attribue des propriétés : ses feuilles font une bonne nourriture en hiver pour le menu bétail ; elles sont de quelqu’usage en Medecine ; & on prétend que leur décoction noircit les cheveux. On a observé que les feuilles de mûrier qui avoient été prises sur des arbres voisins d’un lierre, avoient fait mourir les vers-à-soie qui en avoient mangé. Son bois est blanc, tendre, poreux, & filandreux, qualités qui l’empêchent de se gerser, de se fendre en se desséchant, & qui par-là le rendent propre à certains ouvrages du tour : mais ce bois est difficile à travailler.

Quelques-uns des anciens auteurs qui ont traité de l’agriculture comme Pline, Caton & Varron ; plusieurs modernes, tels que Wecherus, Porta & Angran, donnent pour un fait certain qu’un vaisseau fait avec un morceau de bois de lierre récemment coupé, peut servir à constater si l’on a mêlé de l’eau dans le vin ; & que l’épreuve s’en fait en mettant le mêlange dans le vaisseau de lierre qui retient l’une des liqueurs, & laisse filtrer l’autre. Les anciens disent que c’est le vin qui passe, & que l’eau reste. Les modernes assurent au contraire que le vaisseau de lierre retient le vin, & qu’il laisse passer l’eau. Mais par différentes expériences faites dans plusieurs tasses de lierre, dont le bois avoit été coupé & travaillé le même jour ; & pareilles épreuves répétées dans les mêmes tasses après un desséchement de quatre ans ; il a constamment résulté que dans les tasses dont le bois étoit verd, la liqueur composée d’un tiers d’eau sur deux tiers de vin, a entierement filtré en vingt-quatre heures de tems ; & que dans les mêmes tasses desséchées, pareille composition de liqueur a filtré en entier en trois fois vingt-quatre heures. Par d’autres épreuves faites dans les deux

états des tasses, avec de l’eau & du vin séparément & sans mêlange, l’un & l’autre ont filtré également & dans le même espace de tems ; en sorte que dans toutes ces différentes épreuves, il n’est resté aucune liqueur dans les tasses ; il m’a paru que ce qui avoit pu induire en erreur à ce sujet, c’étoit la différence de couleur qui se trouvoit dans la liqueur filtrée dans différens tems de la filtration. Dans les épreuves faites avec un mêlange d’eau & de vin dans une tasse de bois verd, la liqueur qui a filtré au commencement, au lieu de conserver la couleur ou le goût du vin, n’a qu’une teinte roussâtre, de la couleur du bois avec le mauvais goût de la seve du lierre, c’est sans doute ce qui a fait croire que ce n’étoit que l’eau qui passoit au commencement ; mais à mesure que se fait la filtration, la couleur roussâtre se charge peu-à-peu d’une teinte rougeâtre qui se trouve à la fin de couleur de peau d’oignon ; & le goût du vin en est si fort altéré, qu’à peine peut-on l’y reconnoître. Les mêmes circonstances se sont trouvées dans la filtration de pareille mêlange de liqueur, à-travers les tasses de bois sec, & dans la filtration du vin sans mêlange, dans les tasses de bois verd & de bois sec, si ce n’est que la liqueur filtrée du vin sans mêlange, étoit un peu plus colorée à la fin ; mais le goût du vin n’y étoit non plus presque pas reconnoissable.

Dans les pays chauds, il découle naturellement ou par incision faite au tronc des plus gros lierres, une gomme qui est de quelqu’usage en Medecine, & qui peut servir d’un bon dépilatoire.

Il n’y a qu’une seule espece de lierre dont on connoît trois variétés.

1°. Le lierre dont les cimes sont jaunes. C’est un accident passager qui est causé par le mauvais état de l’arbrisseau ; c’est une marque de sa langueur & de son dépérissement. J’ai vû des lierres affectés de cette maladie, périr au bout de deux ou trois ans ; & comme toutes les cimes étoient d’un jaune vif & brillant qui faisoit un bel aspect ; j’en tirai des plants, mais après quelques années ils dégénérerent & reprirent leur verdure naturelle.

2°. Le lierre à feuille panachée de blanc.

3°. Le lierre à feuille panachée de jaune. La beauté de ces deux variétés peut grandement contribuer à l’ornement d’un jardin ; elles ne sont nullement délicates, & on peut les multiplier en les greffant sur le lierre commun ; la greffe en approche leur réussit très-aisément. Cet article est de M. Daubenton.

Lierre de Bacchus, (Botan.) c’est le lierre à fruit jaune, ou pour parler noblement, à fruit doré, comme Pline s’exprime d’après Dioscoride & Théophraste ; nos botanistes modernes l’appellent aussi hedera dionysios. Il n’est pas moins commun en Grece, que le lierre ordinaire l’est en France ; mais les Turcs s’en servent aujourd’hui pour leurs cauteres, tandis qu’autrefois on l’employoit aux plus nobles usages. Ses feuilles, selon la remarque de Pline, sont d’un verd plus gai que celles du lierre ordinaire, & ses bouquets couleur d’or, lui donnent un éclat particulier. Ses feuilles cependant sont si semblables à celles du lierre commun, qu’on auroit souvent de la peine à les distinguer, si on ne voyoit le fruit, & peut-être que ces especes ne different que par la couleur de cette partie. Les piés qui ont levé de la graine jaune de ce lierre, semée dans le jardin royal de Paris, étoient semblables aux piés qui levent de la graine de notre lierre en arbre. Leurs feuilles étoient pareillement anguleuses ; cependant les fruits different beaucoup.

Ceux du lierre jaune sont, au rapport de M. Tournefort qui les a vûs sur les lieux, de gros bouquets arrondis, de deux ou trois pouces de diametre, composés de plusieurs grains sphériques, un peu angu-