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Les Transactions philosophiques, Juin 1685, parlent d’un autre moyen d’employer le lin incombustible. On en peut fabriquer un papier assez bien nommé perpétuel, parce que toutes les fois qu’on a écrit dessus, on en efface l’écriture en le jettant au feu, où il n’est pas plus endommagé que la toile de ce minéral. On dit que l’on conserve une feuille de ce papier dans le cabinet du roi de Danemark ; & Charleton témoigne que de son tems on fabriquoit de ce papier près d’Oxford.

Quant aux vertus médicinales attribuées au lin incombustible, il faut toutes les reléguer au nombre des chimeres. Il est si peu propre, par exemple, à guerir la gale, étant appliqué extérieurement en forme d’onguent, qu’il excite au contraire des démangeaisons à la peau. Bruckman a réfuté plusieurs autres fables semblables, dans son ouvrage latin intitulé Historia naturalis lapidis, τοῦ Ασϐεστου, Brunsvig, 1727, in-4o. j’y renvoye les curieux, & je remarque en finissant, que l’asbeste est le seul lin incombustible dont on peut faire des toiles & du papier ; ses mines ne sont pas communes ; celles de l’amiante le sont beaucoup ; mais comme ses fils sont courts & se brisent, on n’en peut tirer aucun parti. (D. J.)

* Lin, Culture du lin, (Econom. rustiq.) du choix de la graine de lin. On la fait venir communément de l’île de Casan. On la nomme graine de Riga ou de tonneau. C’est la plus chere, & elle est estimée la meilleure. Mais celle du pays, quand elle est belle, ne se distinguant pas facilement de celle de Riga, les commissionnaires l’enferment dans des tonneaux semblables, & la vendent pour telle. Elle n’est pas mauvaise, mais il faut avoir l’attention de la laisser reposer, ou de la semer dans un terrein distant de quelques lieues de celui où elle aura été recueillie.

Pour se mettre à couvert de l’inconvénient d’être trompé dans l’achat de la graine, il y a des gens qui prennent le parti de conserver la leur, quand elle est épuisée, c’est-à-dire lorsqu’elle a été semée trois ou quatre fois de suite au même lieu, & de la garder un ou deux ans dans des sacs, bien mêlée de paille hachée. Elle reprend vigueur, ou plûtôt elle devient par l’interruption, propre au terrein où l’on en a semé d’autre, & on l’emploie avec succès.

Des qualités que doit avoir la graine pour être bonne. Il faut qu’elle soit pesante & luisante. On observe, quand on l’achete, que le marché sera nul, si elle ne germe pas bien ; & pour en faire l’essai, on en seme une poignée, quelque tems avant la semaille.

Quel est son prix. Elle n’a point de prix fixe. On distingue la nouvelle de la vieille. Au tems où l’on nous a communiqué ce mémoire, c’est-à-dire, lorsque nous commençâmes cet ouvrage, que tant de causes iniques ont suspendu, la nouvelle valoit année commune, vingt francs la raziere. Elle n’est pas moins bonne, lorsqu’elle a produit une ou deux fois. La troisieme année elle diminue de moitié ; la quatrieme, on la porte au moulin pour en exprimer l’huile. Alors son prix est réduit à six livres, bon an, mal an.

La raziere est une mesure qui doit contenir à peu près, cent livres, poids de marc, de graine bien seche.

Ce qu’il faut de graine pour semer une mesure de terre, dont la grandeur sera déterminée ci-après, relativement à la toise de Paris. Un avot fait le quart d’une raziere sur un cent de terre. Le cent de terre contient cent verges quarrées, ou dix mille piés de onze pouces, la verge étant de dix piés ; ou neuf mille cent soixante-six, & huit pouces de roi ; ou deux cent cinquante-quatre toises, trois piés, neuf pouces & quatre lignes. Cette mesure est la seizieme partie d’un bonnier, & le bonnier est par conséquent de

quatre mille soixante & quatorze toises, cinq pouces, quatre lignes. Mais l’arpent est de neuf cens toises ; il faut donc pour l’équivalent d’un bonnier, quatre arpens & demi, vingt-quatre toises, cinq pouces & quatre lignes. Voilà la mesure sur laquelle tout est fixé dans cet article. Elle ne s’accorde pas avec celle du colsat, où l’on a fait usage de celle de Paris. Il y a ici plus d’exactitude.

De la nature de la terre propre au lin. Il n’y faut point de pierres ; la plus pesante est la meilleure, sur-tout si sa couleur est noire, si elle est mêlée de sable, comme à Saint-Amand & aux environs, où les lins sont très-hauts & très-fins, & sont employés en dentelles & en toiles de prix. Dans la chatellenie de Lille, d’où ce mémoire vient, la hauteur ordinaire des lins est depuis six paumes jusqu’à douze au plus. Il y a peu d’endroits où il monte davantage. On seroit content, si l’on avoit la bonne qualité, l’abondance & la hauteur de huit paumes.

De la préparation de la terre. Il faut la bien fumer avant l’hiver. Quatre charretées de fumier suffisent pour l’étendue que nous avons déterminée. Chaque charretée doit peser environ quatorze cens, poids de marc. On laboure après avoir fumé.

Lorsque le tems de semer approche, on donne un second labour, sur-tout si la terre ne se manie pas assez facilement pour qu’il suffise d’y faire passer deux ou trois fois la herse, afin de l’ameublir convenablement ; on l’aplanit ensuite au cylindre. On ne peut l’aplanir trop bien. On seme. On repasse la herse. La semence est couverte. Un dernier tour de cylindre acheve de l’affermir en terre.

Il y en a qui emploient à la préparation de la terre de la fiente de pigeon en poudre, mais elle brûle le lin, lorsque l’année est seche. D’autres jettent cette fiente dans le pureau des vaches, & arrosent la terre préparée de ce mélange, ou même le répandent sur le terrein avant le premier labour, afin qu’au printems la chaleur en soit éteinte. Ces deux cultures sont moins dangereuses, mais la derniere consomme beaucoup de matiere.

Du tems de la semaille. On seme à la fin de Mars ou au commencement du printems, selon le tems. Il ne le faut pas pluvieux. Plûtôt on seme, mieux on fait. Le lin ne grandit plus lorsque les chaleurs sont venues. C’est alors qu’il graine.

Du prix de la semaille. Un avot de graine, sur le pié de vingt francs la raziere, coutera cent sols ; les quatre charretées de fumier, douze francs ; un sac de fiente de pigeon, quatre livres ; deux labours, une livre, dix-sept sols, six deniers ; trois herses, au moins neuf sols ; trois cylindres, au moins neuf sols ; la semaille, une livre, trois sols. Tous ces prix peuvent avoir changé.

Faut-il faire à la terre quelque façon après la semaille ? Aucune.

Faut-il faire au lin quelque façon avant la recolte ? Pas d’autre que de sarcler. On sarcle quand il est monté de deux ou trois pouces. Pour ne le pas gâter, le sarcleur se déchausse. Ce travail est plus ou moins couteux, selon que la terre est plus ou moins sale. On en estime la dépense année commune, à trente-sept sols. S’il se peut achever à six personnes en un jour, c’est six sols deux deniers pour chacune.

Dans les cantons où le lin s’éleve à plus de dix ou douze paumes, on le soutient par des ramures ; mais il n’en est pas ici question.

Quel tems lui est le plus propre dans les différentes saisons. Il ne lui faut ni un tems trop froid, ni un tems trop chaud. S’il fait trop sec, il vient court ; trop humide, il verse. Les grandes chaleurs engendrent souvent de très-petites mouches ou pucerons, qui ravagent la pousse quand elle commence. Elle en est quelquefois toute noire. Il n’y a que la pluie